samedi 15 novembre 2014

[Anniversaire] La Cinémathèque de Phil Siné : An V


"Comment veux-tu que je trouve la morale quand moi-même suis atteinte par ce terrible mal ? Moi aussi, je m'ennuie, je m'ennuie, je m'ennuie. C'est pour ça que tu vis... C'est pour ça que j'écris !"

Merci...

et...

Adieu ?

jeudi 16 octobre 2014

[Cinéma] Garçon d’honneur, de Ang Lee

Garçon d’honneur
de Ang Lee
(Etats-Unis, Taiwan, 1993)

★★

Avec « Garçon d’honneur », son deuxième film, Ours d’or au Festival de Berlin en 1993, Ang Lee traite de sujets sensibles avec une grande délicatesse et une extrême subtilité. Si le thème le plus évident paraît celui de l’homosexualité, il se mêle très vite à des considérations sociales sur les Etats-Unis, notamment pour les populations immigrées, ou sur le poids des traditions asiatiques… En effet, le personnage principal est un jeune Taiwanais naturalisé américain, ayant réussi dans la vie et vivant le parfait amour avec un autre homme, mais continuant de mentir à ses parents au sujet de son homosexualité. Tant que ceux-ci vivent à l’autre bout du monde, tout cela reste supportable, mais lorsqu’ils débarquent pour assister au mariage qu’il a décidé de contracter pour les rassurer avec sa locataire sans argent et sans papier (afin de lui faire obtenir du même coup une carte verte, le sésame pour demeurer en Amérique lorsque l’on est étranger), tout semble aller de travers… Mêlant tous ces sujets avec une finesse étonnante, Ang Lee sait surtout éviter tout jugement sur les personnages qu’il met en scène : tous ont leur caractère et savent rester attachants, même lorsqu’ils sont coincés dans leurs idéologies… Même le père du garçon, a priori très attaché aux traditions et au bout du compte bien moins aveugle que ce que l’on pouvait penser à tout ce qui l’entoure, finit par révéler une infinie tendresse… « Garçon d’honneur » véhicule au fond le plus beau des messages sur l’humanité et la tolérance, avec une grande sensibilité et un humour toujours bienvenu. Porté par une mise en scène volontaire et dynamique, il parvient qui plus est à faire tomber bon nombre de clichés tout en se montrant bien en avance sur des réflexions sociétales, comme l’homoparentalité, qui semblent pourtant encore poser problème aujourd’hui, plus de vingt ans après…

Autres films de Ang Lee :
Hulk (2003)
L’odyssée de Pi (2012)

samedi 11 octobre 2014

[Cinéma] White Bird, de Gregg Araki

White Bird
de Gregg Araki
(Etats-Unis, 2014)

Sortie le 15 octobre 2014




Toujours fasciné par l’adolescence et ses mystères, Gregg Araki s’est approprié un roman de Laura Kasischke, dont le lyrisme et le style « impressionniste » l’a visiblement inspiré… Il a su comme pour chacun de ses films y immiscer ses obsessions délirantes et borderline, à commencer par des portraits de personnages décalés et marginaux : les deux amis de l’héroïne, une black obèse et un gay asexué, en sont notamment le parfait exemple, tant ils incarnent son intérêt pour les êtres « autres », sensibles et en dehors des normes… Quant à l’héroïne elle-même, dont la mère disparaît mystérieusement et dont les troubles hormonaux de ses 17 ans la travaille apparemment de plus en plus (elle déclare sans détour « vouloir de la bite » quand son petit copain semble la délaisser), elle campe elle aussi le parfait personnage pour un film d’Araki ! Mêlant désirs et désordres sexuels dans une ville de l’Amérique profonde à l’atmosphère pourtant peu glamour, Araki sait nous captiver avec les figures ambiguës qu’il nous décrit avec pulsion et ironie : le père trop lisse semble en effet cacher quelque chose qui laisse peu à peu se fissurer le rêve américain (qu’Araki aime à briser avec sa légendaire perversité !), et la mère – que l’on revoit en flash-back – trouble par des comportements de femme à qui il manque visiblement quelque chose… Délicatement, les rêves étranges de l’héroïne la guide vers la résolution du drame, et même si le twist final donnera l’air d’un éléphant tombant dans la soupe, on retiendra l’atmosphère mi-poétique mi-parodique d’un film qui n’exclut pas une forme de tendresse à l’égard d’une certaine jeunesse américaine qu’Araki n’a décidément pas fini de sonder…

Autres films de Gregg Araki :
The Doom Generation (1995)
Kaboom (2010)
Mysterious skin (2005)
Nowhere (1997)
Smiley face (2008)
Splendor (1999)

mercredi 8 octobre 2014

[Sortie cinéma] Mommy, de Xavier Dolan

Mommy
de Xavier Dolan
(Canada, 2014)

Sortie le 8 octobre 2014


★★★

Le sublime "Mommy" sort aujourd'hui au cinéma... Avant ou après vous y être précipité, n'hésitez pas à lire (ou relire !) la critique de Phil Siné sur le film, disponible à cette adresse !

dimanche 5 octobre 2014

[Cinéma] The Tribe, de Myroslav Slaboshpytskiy


The Tribe
de Myroslav Slaboshpytskiy
(Ukraine, Pays-Bas, 2014)

Sortie le 1er octobre 2014
Le Jour du Saigneur # 148

★★

Quel impressionnant premier film que celui de Myroslav Slaboshpytskiy, qui propose une immersion dans un monde de sourds-muets (tous les acteurs du film le sont) à travers l’arrivée d’un jeune homme dans un institut spécialisé… Mais le caractère marquant du long métrage ne provient pas seulement de son parti pris radical (tous les dialogues sont en langue des signes… et sans sous-titres !), mais peut-être surtout du douloureux parcours du jeune homme dans sa nouvelle « école »… Le cinéaste décrit de façon assez effrayante un univers mafieux et sordide entretenu par les jeunes gens des lieux, qui semblent livrés à eux-mêmes : violences physiques ou psychologiques, rackets, prostitution, tout y passe… Le plus troublant est de savoir que le réalisateur déclare s’être inspiré de son adolescence à l’époque de l’Union soviétique !

Il est assez fascinant de regarder ainsi une autre forme de communication, une langue qui se révèle au fond bien plus viscérale que celle de ceux qui parlent : les gens se touchent plus, insinuant une forme de brutalité ou d’animalité qui nous est généralement étrangère… Si le film enchaîne des scènes de plus en plus terrifiantes et anxiogènes (souvent en plans séquences, soulignant un peu plus la durée ou l’âpreté du moment), dont on retiendra des apprentis macs qui vendent leurs putes sur des parkings de poids lourds ou une scène atroce d’avortement clandestin, on retient quoi qu’il en soit son souffle jusqu’à la violence inouïe de la séquence finale, qui nous rappelle combien dans un monde de sourds personne ne vous entend ne pas crier… Une métaphore assourdissante (si l’on peut dire) et sans concession de tous les totalitarismes !

mardi 30 septembre 2014

[Fil ciné] Les films de septembre 2014

Semaine après semaine, suivez le fil des sorties ciné et des films vus par Phil Siné. Les liens renvoient aux critiques des films présentes sur le blog...

Semaine du 3 septembre 2014

- Hippocrate, de Thomas Lilti (France, 2014)
- Métamorphoses, de Christophe Honoré (France, 2014)
- Obvious Child,de Gillian Robespierre(Etats-Unis, 2014)
- Boys like us, de Patric Chiha (France, Autriche, 2014)

Semaine du 10 septembre 2014

- Gemma Bovery, de Anne Fontaine (France, 2014)
- Near Death Experience, de Benoît Delépine et Gustave Kervern(France, 2013)
- L'institutrice, de Nadav Lapid (Israël, France, 2014)
- Les gens du Monde, de Yves Jeuland (France, 2014)

Semaine du 17 septembre 2014

- 3 coeurs, de Benoît Jacquot (France, 2014)
- Pride, de Matthew Warchus (Grande-Bretagne, 2014)

Semaine du 24 septembre 2014

- Elle l'adore, de Jeanne Herry (France, 2013)
- Brèves de comptoir, de Jean-Michel Ribes (France, 2013) ☝☹
- Saint Laurent, de Bertrand Bonello (France, 2014)
- Léviathan, de Andreï Zviaguintsev (Russie, 2014) ☝☹

lundi 29 septembre 2014

[Cinéma] Saint Laurent, de Bertrand Bonello

Saint Laurent
de Bertrand Bonello
(France, 2014)

Sortie le 24 septembre 2014


★★

Deuxième long métrage consacré au célèbre couturier Yves Saint Laurent cette année, on peut dire que ce « Saint Laurent » impose une vision radicalement autre par rapport à son prédécesseur. Là où le film de Jalil Lespert suivait plus ou moins les clous d’un biopic assez classique, embrassant l’ensemble de la vie de son sujet en la ponctuant de ses moments les plus marquants, celui de Bonello ose une trajectoire bien différente et pour le moins audacieuse. D’une part, il se concentre sur une seule décennie de la vie d’YSL (1967 à 1976), tout en n’hésitant pas à faire exploser la chronologie, mélangeant les années pour mieux nous perdre (et perdre son personnage dans le temps) ou laissant parfois la place au regard du couturier dans la dernière partie de sa vie, sous les traits d’Helmut Berger…  D’autre part, il ne raconte pas vraiment une vie, mais se concentre plutôt sur l’intériorité du personnage, son état d’esprit, ses rapports aux autres… le film gagne alors en romanesque, quitte à interpréter une réalité dont on ne captera de toute façon jamais la « vérité vraie » !

On reste fasciné par la mise en scène quasi hypnotique du cinéaste, qui nous présente un personnage éminemment mélancolique et détaché, abandonnant bientôt son être derrière la « marque » qui porte son nom… Il est étonnant de le voir d’ailleurs peu à peu délaisser sa passion, cédant quasiment son ultime défilé aux mains de ceux qui l’assistent… Bonello multiplie les moments de vide, quasi contemplatifs et métaphysiques, laissant son personnage se détacher du monde… Même l’abandon dans les drogues ou le sexe (offert à Saint Laurent par l’exubérant Jacques de Bascher, l’emmenant du côté du carrousel du Louvre ou dans les boîtes à cul parisiennes des 70’s) semble finir par l’ennuyer…

Etrange film, au fond, sur un personnage évanescent, monstre sacré pour le public mais errant dans son monde comme un fantôme… On ne sait plus où est le vrai, le faux, le fantasme, mais tout ce trouble finalement assez excitant est formidablement incarné par des acteurs au talent largement confirmé : Gaspard Ulliel, Jérémie Renier et Louis Garrel… Outre des séquences surprenantes qui ressemblent à un jeu (le parallélisme parfois perturbant entre les défilés du couturier et les évènements historiques sur toute la décennie, le vieux Saint Laurent feuilletant un article sur Mylène Farmer dans un tabloïd…), Bertrand Bonello réalise également l’un des fantasmes les plus funs et les plus absolus du cinéma gay contemporain : Gaspard Ulliel et Louis Garrel se galochant plein écran pendant un long et bon moment !