mercredi 16 avril 2014

[Critique] Little Gay Boy, de Anthony Hickling


little_gay_boy.jpgLittle Gay Boy : un
Triptyque



de Anthony Hickling



(France, 2013)



Disponible en DVD et VOD chez L'Harmattan Vidéo




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Incroyable et hallucinant film que ce « Little Gay Boy », sous-titré « un Triptyque », afin que les initiales de son titre forment comme un clin d’œil le sigle « LGBT »… On est donc prévenu
d’emblée, on est ici dans l’ouverture d’esprit la plus large possible ! A vrai dire, rien que la structure du film est en soi surprenante et inhabituelle : ce premier « long métrage » de Anthony
Hickling est en réalité composé de trois courts-métrages, qui peuvent aussi bien être vus de façon indépendante que mis bout à bout pour une vision globale tout à fait cohérente…

En trois étapes, on suit ainsi le parcours d’un jeune homosexuel, de sa naissance à son « éducation » sexuelle, jusqu’à une grande histoire d’amour… Sauf que chacune de ces étapes est pervertie
systématiquement : le jeune homme est né des entrailles d’une grosse pute (« grosse » au sens littéral…), les rapports sexuels multiples du jeune homme sont des rapports de domination violents et
pervers, et l’histoire d’amour en question est celle qu’il vit avec son « père »…

Bien sûr, on est ici dans le symbolisme et le fantasme absolu, souligné par d’innombrables références du cinéaste à ses influences revendiquées : Pasolini ou Fellini côté cinéma, mais aussi les
photos de Wilhelm Von Gloeden (sublimant de jeunes hommes aux postures lascives en divinités grecques) ou encore les peintures de la Renaissance, qui font naître à chaque fin de partie du film
des visions hallucinées et presque kitsch de scènes éminemment christiques, comme l’Annonciation de l’ange Gabriel à Marie dans la première (sauf que l’enfant qu’elle porte est condamné à une vie
de souffrance et à mourir du Sida) ou la Cène pervertie avec délice et fulgurance dans la dernière… Comme l’explique le réalisateur lui-même, « l’idée était de proposer une relecture de
l’histoire, en l’occurrence de l’histoire biblique, à travers le prisme de la pensée Queer : raconter une histoire homosexuelle telle qu’elle n’aurait pas été racontée auparavant, en mettant en
avant cet aspect identitaire ».

Audacieux et provocateur, « Little Gay Boy » l’est obstinément… mais il ne l’est pas en vain, ou juste pour se faire remarquer. Il dresse effectivement un portrait douloureux de l’homosexualité
et du cheminement qu’elle suppose chez les homosexuels, notamment dans le rapport au père ou à ses substituts « féeriques »… Des séquences violentes de performances d’artistes viennent poser une
certaine folie comme corollaire au désastre psychologique de se sentir autre dans un monde qui nous rejette. « J’ai utilisé la symbolique religieuse comme métaphore de l’oppression des sexualités
et des identités sexuées », dit encore Anthony Hickling. Si une forme d’humour et d’ironie est présente dans son film, il rappelle les dangers inhérents au rejet de l’autre parce qu’il est
différent, comme à travers cette image d’une manif anti-gay assez ridicule et grotesque sur un lieu de drague, inquiétant écho aux récentes « manif pour tous » de notre monde malade…

En dépit de quelques maladresses et d’une esthétique très proche de l’expérimental pur, « Little Gay Boy » demeure pourtant furieusement intrigant et motivant… Anthony Hickling est un cinéaste à
suivre !































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