dimanche 14 juillet 2013

[Critique] Calvaire, de Fabrice Du Welz



calvaire.jpg
(France, Belgique, Luxembourg,
2004)



Le Jour du Saigneur # 121




star.gif

star.gif


Marc Stevens est un pathétique chanteur itinérant, faisant tourner son « show » d’hospices en maisons de retraite… Une nuit où il se perd sur les routes avec sa camionnette, il arrive au milieu
de nulle part et trouve refuge dans une auberge isolée au fond des bois, tenue par un étrange vieux bonhomme, solitaire et taciturne… On sent très vite que quelque chose ne tourne pas très rond
dans le coin, jusqu’à un point de non retour où l’on comprend que l’aubergiste psychologiquement atteint pense que Stevens est sa femme enfin revenue et qu’il va tout faire pour « la » retenir à
l’auberge cette fois-ci, histoire de combler ce vide affectif que l’abandon de sa compagne avait provoqué en lui…

Dès le commencement de « Calvaire », on sent bien que l’on ne se situe pas dans un univers traditionnel et que tout peut ici advenir… L’atmosphère de cette maison de retraite, glauque à souhait
entre les vieilles et une infirmière jour_du_saigneur_bis.jpgqui semblent toutes brûler de désir
pour le chanteur, campe bien le décor d’un film qui nous transporte de surprises en surprises, pas toujours très bonnes et heureuses, comme vous l’aurez peut-être compris… Pour son premier long
métrage, Fabrice Du Welz réussit au fond une œuvre atypique et vraiment personnelle, qui explore les codes du cinéma de genre tout en gardant une identité profondément « belge », entre humour
absurde et surréalisme déstabilisant…

Si « Calvaire » n’est pas un film confortable, il est pourtant une œuvre forte et percutante. Filmé en noir et blanc, avec une image crasse et semi-documentaire (façon « C’est arrivé près de chez
vous »), le long métrage suit le fil d’un scénario habilement construit, qui sait ménager ses effets et suivre une montée de tension qui va crescendo… Débutant sur un sentiment d’inquiétante
étrangeté à l’arrivée de Stevens à l’auberge (le décor de la forêt de nuit, le débile à la recherche de sa chienne, visiblement disparue depuis longtemps, ou l’aubergiste taiseux et méfiant), «
Calvaire » se poursuit en creusant son sillon dans le sordide et le « Z », dans un cinéma qui ose et qui n’a pas froid aux yeux ! Stevens découvre alors un village habité par des hommes seuls et
abandonnés par les femmes (il en surprend certains en train de se livrer à un viol collectif sur une truie : filmé à distance, mais avec une bande sonore suffisamment atroce pour impressionner)
et va finir par être la victime de la folie grandissante de Bartel, son hôte, qui le confond avec sa femme…

Formellement, le film en impose sacrément : une mise en scène âpre et mystérieuse, qui préfère jouer sur l’ambiance plus que sur le sensationnel… bien que le film possède également son lot de
scène suffisamment percutante pour retenir l’attention et soulever le cœur du spectateur ! Car entre la destruction du camion de Stevens (qui marque également le point de « non-retour » dans le
rapport entre les deux hommes), une scène de crucifixion (d’où le titre du film, Stevens étant une sorte de néo-christ passif devant ce que les hommes lui font subir) et une autre de viol
collectif (après l’attaque de l’auberge par les villageois, donnant lieu d’ailleurs à un mouvement de caméra virtuose, qui monte jusqu’au plafond !), le film se révèle justement un sacré «
calvaire », qui devrait réjouir les adeptes du cinéma de genre le plus transgressif ! Quelque part entre un survival façon « Délivrance » et une ambiance poético-dégénérée éminemment belge, le film de Welz gagne enfin en
puissance grâce à un casting aussi inattendu que génial : si Laurent Lucas est comme toujours parfait, ici dans le rôle de la victime, c’est Jackie Berroyer qui surprend le plus, revêtant avec un
mélange d’effroi et de jubilation l’habit du personnage de l’aubergiste…































  • Plus










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire