mardi 5 juillet 2011

[Critique] Polisse, de Maïwenn



polisse



Polisse, de Maïwenn (France, 2011)



Sortie nationale le 19 octobre 2011



Note :
star.gif

star.gif

star.gif



Prix du Jury au Festival de Cannes 2011




Le cinéma de Maïwenn est un cinéma vraiment unique : c’était vrai pour « Pardonnez-moi » et « Le bal des actrices », et ça l’est tout autant pour ce « Polisse » palpitant… Sur un mode
documentaire (caméra à l’épaule et séquences tellement naturelles qu’on les jurerait prises sur le vif !), elle y décrit le quotidien au sein d’une équipe de la Brigade de protection des mineurs
: interrogatoires de pédophiles, recueils de témoignages d’enfants violés, mais aussi fausses déclarations ou interventions plus musclées sur le terrain sont au programme quotidien des agents de
cette police très particulière… On les voit jongler entre vie privée et professionnelle, et bien plus souvent mélanger le tout pour le pire et le meilleur. Ils font un métier fatalement très
prenant, véhiculant les pires horreurs et pulsions humaines, desquelles il est bien difficile de faire abstraction en rentrant le soir à la maison… On les voit surtout rire malgré les situations
hyper glauques qui les cernent au jour le jour : ils ont toujours cette volonté nécessaire de s’amuser, comme si la déconne était une catharsis pour éviter de sombrer par empathie dans la déprime
de ceux qu’ils aident…

De film en film, Maïwenn cherche toujours la vérité… Mais elle le fait toujours avec des procédés éminemment manipulateurs ! Ici, en transformant une fiction en vrai faux documentaire, mettant en
scène des situations tirées du réel mais réinterprétées entièrement par des acteurs, elle livre finalement une forme de « super » documentaire : non pas le montage orienté de centaines d’heures
de rushes que l’on espère voir former un tout exhaustif et cohérent, mais au contraire le filmage du déroulé très exact du nombre de scènes adéquates pour rendre compte du réel dans sa totalité !
C’est un peu comme si elle parvenait au documentaire parfait, soit une œuvre complètement fausse et « fabriquée », mais embrassant justement au mieux la vérité… Vicieux, n’est-ce pas ?

Le résultat de tout ça, c’est un film remarquablement intense et dramatique, où la fabrication même des émotions résonne comme absolument pure et « vraie »… Chaque scène a ainsi l’air tirée de la
vie et l’on ne peut qu’en être profondément bouleversé : une mère à la rue qui ne voit d’autres solutions que d’abandonner son enfant dans un foyer, des violeurs d’enfants sans culpabilité à
faire froid dans le dos ou d’autres au contraire qui paraissent plus fragiles, et puis des figures d’enfants qui parlent avec leurs mots de choses qu’ils ne devraient pas connaître… Criant et
troublant de vérité ! Souvent ambigu, le film est aussi très fort lorsqu’il nous laisse entre drame et comédie, sans que l’on sache si l’on doit rire ou pleurer de ce que l’on voit, ou peut-être
bien faire les deux à la fois ? Il y a notamment cette scène hallucinante où toute l’équipe se retrouve morte de rire devant une jeune fille qui leur explique avoir dû sucer une bande de garçons
pour récupérer le portable qu’on lui avait volé… « Mais c’était un beau portable », affirme-t-elle avec ferveur. « Et pour un ordinateur, tu fais quoi ? », lui balance un policier en
s’esclaffant… Maïwenn est très forte pour nous laisser dans cet entre-deux perturbant et incroyablement subtil. Elle nous manipule clairement par la puissance des images, comme à travers ce
parallèle final entre un petit garçon qui parvient à se reconstruire et une agent de la brigade qui elle abandonne la lutte de façon à la fois très douce et très brutale, curieusement… Mais c’est
dans cette manipulation-là et dans ses procédés filmiques presque pervers que « Polisse » trouve son intérêt et que sa réalisatrice nous prouve qu’elle sait faire du grand cinéma, habile et
marquant !

Maïwenn interprète un personnage clé dans son film : elle est photographe, chargée de réaliser une série de clichés sur la brigade… Elle est donc le regard extérieur sur les choses, exactement
comme lorsqu’elle endosse le rôle de cinéaste. Et à l’image de son film, elle incarne un être tout en ambiguïté et en faux-semblants : a priori prude et stricte, elle dissimule une fille plus
sauvage et vivant en couple libre… Elle vivra d’ailleurs une relation intense avec un membre de la brigade, qui commence par la détester. Il lui reproche notamment de ne prendre que des photos
sans intérêt et que tout le monde attend… Du coup, elle l’écoute : et en écoutant l’avis de l’autre, on entre alors dans un travail plus collaboratif, exactement comme ce que doit être le cinéma
! Et Maïwenn s’est justement entouré de brillants collaborateurs, qui sont visiblement comme une famille de cinéma, dans laquelle tous les talents fusionnent à la perfection… Tous les acteurs du
film apparaissent ainsi toujours justes et éminemment attachants, chacun avec ses drames et ses difficultés, que l’on apaise par la collectivité ! Le casting impressionne, d’autant qu’on parvient
à tous les aimer d’amour fou tous ces acteurs et actrices qui mènent une ronde sans fin dans un film qui va vite, très vite, grâce à la magie d’un montage efficace : Karin Viard (paumée dans un
divorce douloureux), Marina Foïs (en mal d’enfant…), Joey Starr (qui n’a jamais été aussi bon que depuis qu’il est devenu acteur), Nicolas Duvauchelle, Riccardo Scamarcio (le bel étranger d’«
Eden à l’Ouest »), Jérémie Elkaïm (toujours aussi mignon avec ses airs précieux et tellement sexy quand
il s’entraîne au tir), et tant d’autres talents… le film en devient tout bonnement vertigineux !



 



Mise en perspective :



- Festival Paris Cinéma 2011 : la soirée d'ouverture avec "Polisse"































  • Plus










12 commentaires:

  1. Ce film à l'air vraiment très spécial dans son approche du cinéma. Je n'ai pas vu les précèdents films de la réalisatrice mais j'ai de suite compris sa façon de réalisé. Et, dans ce que j'ai
    compris de ton analyse, c'est un peu Michael Moore mais en plus franc dans son coté manipulateur.

    RépondreSupprimer
  2. En sortant de la séance j'ai eu l'impression d'avoir vu un super documentaire : les scènes juxtaposées donnent un aperçu quasi exhaustif des situations auxquelles peuvent être confrontés ces
    policiers de la Brigade des Mineurs. Mais les acteurs sont tellement justes avec leurs failles pour gérer la frontière entre vie privée et quotidien professionnel, et le regard extérieur de la
    photographe interprétée par Maïwenn confère à ce film de grandes qualités!

    RépondreSupprimer
  3. Pas convaincu par ce "film". Tout le monde loue ses qualités (il en a) mais on oublie un montage assez faible et une réalisation inexistante - désolé mais bâcler n'est pas un style. 

    RépondreSupprimer
  4. Un "super" documentaire, parce que Polisse emprunte beaucoup de choses au docu, mais aussi énormément à la fiction, en franchissant beaucoup de barrières qui se posent à un docu,
    notamment en allant dans l'intimité des brigadiers ou des victimes et agresseurs, ou en dramatisant énormément l'action. Du coup, il se dégage du film une indéniablement force. Maïwenn n'est
    décidément pas une réalisatrice comme les autres

    RépondreSupprimer
  5. Oui Squizz parce que Maiwenn le Besco n'est PAS une réalisatrice :D

    RépondreSupprimer
  6. Un scénario très bien équilibré entre enquête, relation entre collègues et vies personnelles. Alternant scènes intimes et scènes choques Maïwenn tape juste et avec intelligence avec un film
    témoin qui, malgré quelques poncifs, reste honnête et plein d'émotion. 3/4

    RépondreSupprimer
  7. Merci Phil Siné ! De toute façon Wilyrah fait que d'essayer de me chercher en ce moment (voir Les Lyonnais sur son blog), mais je tiens bon ! Et puis il rira moins quand Maïwenn sera
    nommée au César de la meilleure réalisatrice.

    RépondreSupprimer
  8. Merci pour cette critique fouillée et juste...Tu as mis en mots tout ce que j'avais en tête...J'ai vu une salle complète de tous âges et de tous horizons applaudir à la fin...Et les petits
    racailloux habituels venus pour Joye Starr, se taire tout le film et repartir la mine grave...Vertigineux, c'est le mot...Et bravo à Maïween qui, avec une apparente fragilité, délivre des choses
    dépassant le cadre du simple film...

    RépondreSupprimer
  9. En tant que maman, ce film m'a bouleversée et donné envie de serrer fort mon bébé dans mes bras. Je ne suis pas experte en analyse filmique mais ce film m'a touchée, émue, fait sourire parfois et
    surtout révoltée parce que "la vie c'est ça aussi". Je ne me suis pas posé la question du "faux documentaire/vrai film", je me suis laissée porter par les images et ça a marché.

    RépondreSupprimer
  10. J'ai bien aimé ce film j'ai écrit un petit billet.


    Bon WE et @ bientôt !

    RépondreSupprimer
  11. papa tango charlie12 novembre 2011 à 10:11

    J'ai beaucoup apprécié car l'histoire se bonifie rapidement, scène après scène. Le mélange troublant entre humour et morbidité est une réussite. Il y a quand même un passage qui m'a réconforté:
    oui c'est possible de manger 4 paquets de pépitos à la suite, je me sens moins seul. 

    RépondreSupprimer
  12. J'avais déjà bien aimé le bal des actrices, celui-ci est au dessus.


    Mais trop de têtes connues ...

    RépondreSupprimer