mercredi 13 octobre 2010

Six feet under (Six pieds sous terre), série créée par Alan Ball (Etats-Unis, 2001-2005)


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Note :
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Créée par Alan Ball en 2001 pour la chaîne de télévision américaine HBO, évoluant sur cinq saisons pour un total de 63 épisodes, « Six feet under » est probablement l’une de plus belles séries
jamais réalisées. Sa façon d’aborder des thèmes difficiles avec une infinie subtilité et une touchante humanité, ses qualités scénaristiques et visuelles incomparables, évoquant bien souvent le
plus grand cinéma, ainsi que l’extrême cohérence qui émane de l’ensemble de sa structure narrative, en font en effet une œuvre maîtresse et majeure de la télévision du début du 21e siècle…

L’audace de son sujet principal, d’abord, force le respect pour une œuvre télévisuelle, d’habitude très formatée et soumise à certaines règles et à certains interdits. « Six feet under » aborde
ainsi très frontalement l’un des tabous majeurs de notre civilisation : la mort. En décrivant le quotidien d’une famille de croque-morts, les Fisher, qui vivent et évoluent dans une maison qui
est également l’adresse de leur entreprise familiale de pompes funèbres, la série prend le sujet de front, sans échappatoire possible, et surtout d’une façon si simple et si naturelle que les
scénarios en deviennent très vite sensibles et désarmants… La force du feuilleton est de montrer sans cynisme ni mièvrerie que la mort est au centre de tout, puisqu’elle demeure justement la
destination finale de tous, en dépit de toute notion d’origines, de classes, de richesses, de liens que l’on a pu tissés avec les autres… « Tout doit finir » semble être le credo majeur de « Six
feet under », mais sa façon même d’aborder la finitude du monde, de nous rappeler nos natures mortelles que nous oublions bien trop souvent, n’amène pas seulement au constat amer ou souvent drôle
de l’absurdité de la mort, mais surtout à la nécessité d’en tenir compte afin de comprendre la véritable importance de la vie et de s’interroger sur la meilleure façon de la vivre, tant qu’elle
veut bien de nous… Une série sur la mort pour mieux parler de la vie, en somme, faux paradoxe qui démontre justement que la mort et la vie doivent coexister et ne pourraient exister l’un sans
l’autre !

Bien au-delà de la mort, « Six feet under » s’intéresse ainsi avant tout aux vivants et à la façon dont ils vivent avec leurs morts… L’épisode pilote de la série commence au moment même où le
père de la famille Fisher trouve la mort au volant de son corbillard. Alors même que les Fisher sont entourés quotidiennement par la mort et sa pesanteur, on voit bien qu’ils ne sont pas pour
autant mieux préparés que les autres face à l’absurdité de la mort, spécialement lorsqu’elle emporte par surprise quelqu’un qui nous est très proche et très cher. Comme il l’est dit au détour
d’un dialogue de la série, quelqu’un meurt et nous voilà plongé dans un monde parallèle, à la fois identique et totalement différent du précédent, dans lequel on est pourtant condamné à vivre
désormais… Chaque membre de la famille va ainsi devoir faire son deuil, à sa façon, et gérer les bouleversements personnels que ce décès impose à chacun.

Les personnages de « Six feet under » sont tous incroyablement réalistes et crédibles, psychologiquement très fouillés, ce qui ne les rend que plus troublants et touchants encore. A commencer par
les membres de la famille Fisher : Ruth, la mère, qui ne sait comment refaire sa vie entre de nouveaux amants et ses enfants qui n’ont plus besoin d’elle ; Nate, le fils aîné contraint à revenir
s’occuper de l’entreprise familiale qu’il avait jusque-là chercher à fuir ; David, le cadet taciturne et effrayé qui s’avère pourtant souvent le plus responsable de tous ; et Claire, la petite
dernière encore étudiante, en pleine crise existentielle quant à savoir ce qu’elle doit faire de sa vie… C’est bien simple, en moins de dix minutes au début de l’épisode pilote, Alan Ball réussit
à établir le profil de personnages qui très vite deviendront pour nous des figures amicales et attachantes, qui seront comme autant de nous divisés et éclatés entre mille tiraillements…

Au fil de leurs petites aventures quotidiennes, apparemment simples ou parfois futiles, on s’aperçoit bien vite que la série sait capter avec une acuité parfaite les doutes, les désirs, les
peurs, les pleurs qui constituent cette humanité de mortels que nous sommes tous… A côté de la mort, nombre d’autres sujets délicats sont abordés avec tact et intelligence : les troubles de
l’adolescence et la construction de soi (avec Claire et sa bande), la liberté insouciante ou la responsabilité d’une vie de famille (à travers Nate, ou même Rico, l’embaumeur père de deux
enfants), le libre arbitre, la sexualité sous ses formes diverses ou extrêmes, l’adultère, l’avortement… Sans oublier l’homosexualité de David, dont on suit le magnifique parcours intérieur au
fil de la série : du refoulement honteux à une façon personnelle de s’assumer comme on est, de se construire au sein d’un couple, et même plus tard au sein d’une famille, puisqu’il finira par
adopter des enfants avec son compagnon Keith.

On rit et on pleure en accompagnant ainsi les personnages, que l’on suit fébrilement dans leur construction psychologique et leurs choix de vie. Tout est tellement fin, tout a l’air si vrai et si
proche de nous, que l’on ne peut qu’adhérer à la teneur et à la perspective offerte par la série… Les sentiments sont purs et « vrais », et c’est en cela que l’on peut les ressentir AVEC les
personnages, par un effet d’empathie magistral et généreux… « Six feet under » se termine comme elle a commencé : par un nouveau deuil au sein de la cellule familiale. Mais l’ultime épisode
s’ouvre sur une naissance, contrairement à tous les autres qui débutaient par la mort d’un individu, la plupart du temps celle d’un futur client pour l’entreprise funéraire… Cette naissance
s’avère force de vie et de renouveau, avant une conclusion intense et définitive de la saga : chaque personnage est au seuil d’une nouvelle vie qui commence, et alors que Claire s’apprête à
partir s’installer à l’autre bout des Etats-Unis à bord de sa nouvelle voiture, la route se transforme en chemin métaphorique de la vie, laissant son compteur défiler sur presque un siècle, au
rythme des morts de tous ces beaux et intenses personnages auxquels on s’était tellement attaché jusqu’alors… Une conclusion magistrale !

Si le drame et l’émotion ne manquent jamais dans « Six feet under », l’humour demeure pourtant lui aussi assez constant, même s’il est assez noir, la plupart du temps… La figure de l’ironie est
probablement celle qui domine : ironie de la mort, surtout, qui frappe au hasard et bien souvent de façon soudaine et absurde. Chaque épisode s’ouvre en effet sur un nouveau décès, filmé avec un
décalage audacieux ou joueur, et toujours inattendu : une balle de golf ou une poubelle d’avion qui tombe malencontreusement sur une tête, un enfant qui joue avec une arme à feu, une femme qui
tue un mari trop bavard avec une poêle encore chaude, un chat qui pousse un appareil électrique dans le bain d’une ex-star du porno… etc. L’humour macabre et réjouissant est imposé dès le premier
épisode, où toute une série de parodies de publicités vantant les mérites de produits funéraires vient s’insérer comme autant de transitions entre les séquences.

On ne peut enfin que s’émerveiller devant la sobriété de la réalisation de la série, d’une facture homogène malgré la grande diversité des metteurs en scène, et toujours hyper léchée et d’une
grâce probablement inégalée à la télévision. Sous la douceur et l’apparente simplicité de plans qui s’enchaînent avec fluidité, une construction plus complexe sourd peu à peu. On assiste ainsi
parfois à la mise en scène de l’intériorité même des personnages, faisant flotter l’univers de la série entre le réel et le rêve, voire le laissant glisser subtilement vers le fantastique. Les
héros dialoguent ainsi régulièrement avec leurs morts, comme si cela semblait parfaitement naturel : Fisher père apparaît d’ailleurs à de nombreuses reprises auprès des membres de sa famille, et
les thanatopracteurs voient parfois ceux qu’ils embaument se redresser sous leurs yeux et leur tenir une conversation souvent utile et pleine de répercussions pour leur propre vie… Certaines
séquences permettent aussi une matérialisation toute visuelle des pensées des personnages qu’ils contiennent comme autant de frustrations en eux : se mettre à crier devant une situation
intenable, cracher ce qu’on pense à la face des gens… Le fantasme arrive même à se faire merveilleux quand les personnages se transforment soudainement en chanteurs de comédie musicale !

La musique est d’ailleurs un autre des nombreux atouts de « Six feet under », à la fois formidable à écouter et toujours habilement choisie… Il serait trop long de lister ainsi toutes les
qualités qui font tout l'intérêt de cette série incroyable au succès inespérée ! Retenons simplement qu’elle se présente comme une « expérience » unique et magnifique dans laquelle on ne peut que
s’identifier et s’impliquer profondément, tellement sont nombreux les échos que la série renvoie sur nos vies même. La force consolatrice de « Six feet under » est en définitive un bien précieux
et inestimable…































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4 commentaires:

  1. Absolument d'accord avec toi. De toutes les séries que j'ai vu Six Feet Under lutte pour la première place avec Les Sopranos (un peu plus irréguliers) et The Wire / Sur Ecoute que je n'ai pas
    encore fini. Sinon, c'était un tel plaisir de découvrir la nouvelle mort à chaque épisode, une vraie friandise. Et c'est une des rares fois (la seule ?) où un acteur réussit à enchainer deux
    séries majeures (le pense bien sûr à MC Hall dans Dexter) dans 2 rôles trés différents. Et quelle fin ! Je pourrais parler de SFU pendant des heures et je sais qu'un jour je la reprendrai au
    début....

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  2. En effet l'une des plus belles séries jamais réalisées !

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  3. Je me souviens, la première fois que j'ai regardé, je n'ai pas vraiment accroché, j'avais du tomber sur un épisode au hasard du programme télévisuel...


    Et puis, j'ai repris. J'ai regardé et j'ai savouré comme jamais j'ai savouré une série ! Tu fais là une belle rétrospective, un hommage sincère qui traduit bien ce qu'on a tous ressenti devant ce
    show... Un attachement profond et humain pour ses personnages (eux-mêmes tellement authentiques, humains et complexes, bien loin des clichés qu'on pourrait trouver pour un personnage homosexuel,
    un autre bipolaire, une adolescente... toutes les étiquettes s'effacent justement devant l'intelligence du scénario), quels qu'ils soient, un grand respect pour la qualité de l'interprétation,
    une émotion incroyable pour un scénario très travaillé et très réaliste... Une conclusion qui conclut de la plus belle des façons, tout en laissant l'ambiguité (est-ce l'avenir que
    l'on voit, ou l'avenir imaginé par Claire ?), et finalement, je n'ai rien à redire à cette série. Je n'en ai pas retrouvé qui m'ait plus émue (les derniers épisodes de la saison
    5... c'est terrible, mais je pleure à chaudes larmes ^^). Le plus étonnant reste cette incroyable qualité quand on y pense... Ca a permis de donner ses lettres de noblesse au genre de la série !

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  4. merci de ton témoignage ! c'est clair(e) que c'est la plus belle série du monde, que je suis même tenter de qualifier de "thérapeutique" : un beau et bon remède à la vie... ;)

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