mardi 19 octobre 2010

Les vivants et les morts, série de Gérard Mordillat (France, 2010)



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Note :
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Les derniers épisodes de la série seront diffusés mercredi 20 octobre sur France 2, puis l'intégralité du feuilleton sortira en DVD...



 



Adaptation pour la télévision en huit épisodes de 50 minutes de son roman du même nom, « Les vivants et les morts » est une fresque remarquable signée Gérard Mordillat, à la fois romantique et
sociale, qui mêle les destins de nombreux personnages pris dans les torrents de l’Histoire moderne… Cette « histoire », c’est d’abord celle de la Kos, l’usine de la ville de Raussel qui emploie
une grande partie de la population et fait vivre les environs. Suite à une inondation, et malgré les efforts des ouvriers pour la remettre sur pied, même au péril de leurs vies (l’un d’eux y
meurt !), sa survie est menacée… Tout au long du mini-feuilleton, on assiste aux menaces de fermetures, aux rachats successifs et aux plans dits « sociaux » (en d’autres termes des
restructurations et licenciements à la chaîne) de cette entreprise à laquelle ses employés sont attachés, pour la simple raison qu’elle représente leur propre survie, à eux et à leurs familles !
Sa fermeture ne provoquerait que chômage et misère et transformerait la région en zone sinistrée…

Mordillat nous montre avec une acuité vibrante et sincère, lucide et intelligente aussi (pour ne pas dire pédagogique, presque !), les rouages de la machinerie infernale du monde du travail à
notre époque, guidé par le seul profit, au détriment souvent de la décence et de la vie humaine… On assiste ainsi avec un grand intérêt aux piquets de grève, aux dialogues avec les « partenaires
sociaux » (judicieusement renommés par un ouvrier « les adversaires sociaux »), au fonctionnement des syndicats, des AG, aux discussions houleuses en intersyndicales, aux négociations impossibles
face à des patrons sourds et aveugles… Tout est décortiqué habilement et magistralement ! Les employeurs haut placés sont cyniques et ne pensent qu’à l’argent : l’économie libérale l’a remporté
depuis longtemps sur l’humain et le politique, et il n’y a qu’à constater ici l’impuissance des élus et des instances publiques pour s’en rendre compte. Le rôle du cadre manipulé, qui demeure
seul à la tête de l’usine après la fuite des autres dirigeants, est notamment très subtil, tout en ambiguïté, partagé entre le désir de maintenir une usine à flot et les injonctions terribles de
la direction : le genre de situation impossible à tenir, à devenir fou !

La folie, « Les vivants et les morts » la montre magnifiquement à travers ces portraits d’hommes et de femmes manipulés comme des pions, qui finissent par sombrer dans le désespoir… Pour eux, le
combat et la lutte, même vaine et perdue à l’avance, demeure la seule façon de se sentir encore un peu vivants, comme pris dans une dérive schizophrène… On assiste même aux querelles atroces et
aux luttes intestines de la sphère intime : un homme malheureux est prêt à tout pour échapper à son sort, quitte à écraser un plus malheureux que lui pour survivre… Mordillat donne ici le secret
ultime pour la réussite de toute construction sociale : l’unité plutôt que la division ! Mais à l’heure de l’individualisme forcené, l’unité dérape souvent et la lutte des classes se casse dans
ses élans…

L’intensité du combat est palpable tout au long de la série, mais l’intelligence des « Vivants et les morts », c’est d’avoir su rester également une fiction. Et pas n’importe quelle fiction ! Le
genre de fiction qui vous emporte sur son passage, enchaîné à ses multiples sous-intrigues, emporté par son océan de passions déchaînées ! Autour du jeune couple formé par Rudi et Dallas, le
nombre de personnages qui gravitent est impressionnant ! Mensonges, amour, adultères, amitiés contrariés, relations interdites (entre un apprenti de l’usine et la fille du patron, qui finira
d’ailleurs avec un petit dans le ventre !), mariages, problèmes financiers, actes criminels, suicide… Tout semble devoir y passer et tout est toujours abordé avec une fougue tempérée, un lyrisme
poignant et une sécheresse toute réaliste. On y croit, toujours, et la force du casting y est certainement aussi pour beaucoup : Marie Denarnaud, Robinson Stévenin, Patrick Mille, François Morel…
Ils sont tous impeccables !































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