jeudi 30 septembre 2010

Simon Werner a disparu… de Fabrice Gobert (France, 2010)



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Note :
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Avec son « Simon Werner », Fabrice Gobert a su réaliser un premier film détonnant, en parvenant notamment à superposer les styles et les genres avec une certaine aisance et une audace indéniable
! Sous ses allures de « teen movie » lycéen, le long métrage varie habilement de la comédie au drame, du thriller à la romance… Il y a du « Elephant » dans « Simon Werner a disparu » : dans sa
façon de suivre les adolescents à tour de rôle sur une période définie bien sûr, quitte à répéter une même séquence selon des regards différents, mais aussi dans sa structure, dans sa douceur,
dans sa fascination palpable pour le monde insondable de l’adolescence… Mais un « Elephant » plus explicatif aussi, plus bavard et moins radical : un « Elephant » pour adolescent, en somme, avec
une bande son moins « concrète » et plus rock, et avec une richesse formelle loin cependant de faire défaut… La précision des cadrages, les mouvements de caméra autour des ados, l’utilisation de
la lumière, étrange, qui paraît rendre des effets de réel à la fiction… Admirable et fascinant !

De jeunes et beaux acteurs, tous excellents, font vivre des personnages comme autant de « stéréotypes adolescents » (le beau mec sportif, le comique de service, la jolie fille populaire, le
souffre-douleur…), tout en les détournant plaisamment du cliché : le footeux va ainsi passer le film avec des béquilles, la belle semble idolâtrée bien malgré elle par les autres, etc. Ces
figures différentes mais toujours complémentaires vont permettre d’établir une architecture filmique subtile et maîtrisée : le cours du récit reprendra ainsi à quatre reprises, selon le point de
vue de quatre personnages, jusqu’à la révélation fatidique sur la disparition de Simon, en épousant justement le regard de ce dernier… Les noms des lycéens s’affichent ainsi à tour de rôle à
l’écran, divisant le film en autant de fragments d’informations, et chaque partie permet un traitement de l’histoire adapté au personnage, révélé jusque dans la mise en scène : "Pour la partie de
Jérémie, la plus classique, on tournait avec un objectif standard, on avait envie de le suivre tout le temps et la caméra était souvent en mouvement", explique le réalisateur, "dans celle
d'Alice, on avait envie d'être sur le visage d'Ana Girardot, on utilisait des focales plus longues, plus serrées sur elle, comme c'est un peu "la star du lycée" on avait également toujours un
projecteur braqué sur elle, qui la mettait en valeur ; les deux autres ont été définis selon leur caractère principal, Jean-Baptiste, solitaire, était filmé en plans larges et Simon avait la
caméra en permanence embarquée avec lui".

Fabrice Gobert semble se servir de cette disparité des points de vue pour insérer à son long métrage une large réflexion sur la notion de réalité. On observe au fil du récit comme une
superposition de couches du réel, correspondant à autant de perceptions possibles des choses, notamment à propos des disparitions successives de plusieurs personnages. Le cinéaste joue à nous
montrer la compréhension du monde par ses personnages, mais aussi à nous embrouiller en nous livrant de multiples perspectives interprétatives… Ainsi, une même phrase d’un personnage, selon le
point de vue adopté, sera entendu différemment : quand Rabier parle de sa mère à Jérémie, Jérémie entend « Elle est bonne ta mère », d’un ton vulgaire, mais Rabier dit pourtant dans sa version
des choses « Elle est belle ta mère », d’un ton respectueux et presque amoureux. Ces variations sur les mots, sur les gestes et sur les ressentis, permettent de semer le doute sur la vérité. Par
l’intermédiaire des divers personnages, le spectateur va alors imaginer mille choses sur la disparition de Simon (un professeur meurtrier, un élève mal dans sa peau, une fugue, ou des histoires
plus glauques de pédophilie et de viol…), jusqu’à ce que le réalisateur adopte la vision de Simon sur ce qui est réellement advenu, offrant un dénouement brutal et cru tout bressonien à ce long
métrage inspiré.































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6 commentaires:

  1. A la fois déçu et confiant... Le suspense s'évente vite ; en effet on sait que le film est divisé en 4 parties alors après un plan sur un inconnu et qu'on arrive à la 4ème on se dit tout ça pour
    ça. Non pas dans le final mais plus dans le manque de suspense et l'ambiance trop peu angoissante... Par contre la description du monde adolescent est très bonne avec de bonnes surprises au
    casting ; Ana Girardot notamment (qu'est-ce qu'elle ressemble à son père !). La mise en scène offre de belles scènes. On sort du film en se disant qu'il y avait de quoi faire mais que tout ça est
    trop en surface. Mais on se dit aussi que le réalisateur Fabrice Gobert est très très prometteur... A suivre donc... 2/4

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  2. il est dans mes previsions...ta critique m'y incite encore plus...A suivre

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  3. Final Bressonien... bien vu... je n'y avais pas pensé...


    C'est vrai que les jeunes acteurs sont tous excellents... J'ai un peu de mal avec Ana Girardot qui est vraiment le sosie de son père, ce qui est assez bizarre lol


    Une excellente surprise en tous cas.

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  4. Je ne trouve pas non plus que ça reste en surface, bien au contraire, et je trouve que le film développe une atmosphère au contraire très angoissante et un lent suspense tout à fait fascinant et
    singulier.


    Quelque part entre un giallo ou un slasher sans meurtres, un Gus Van Sant en mode Elephant et... les Beaux gosses lol


     


     

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  5. Chapeau pour un 1er film ! il faudra suivre le second opus s'il y a...Cà nous change du décor des campus américains. L'histoire nous tient malgré tout en haleine avec un suspens sousjacent.
    Fabrice Gobert film bien le monde de l'adolescence jusqu'au détail (poster des Cramps dans la chambre de l'ado en même temps que le morceau du même groupe enchaîne) D'ailleurs la BO du film est
    interessante (cliché à la musique Post Punk des années 80) Même si ce n'est pas un film à revoir (de suite du moins !) il ne laissera pas indifferent les spectateurs.

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  6. oui, gobert est un cinéaste à suivre, maintenant ! :)

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