dimanche 13 juillet 2014

[Critique] Mad Max, de George Miller

Mad Max
de George Miller
(Australie, 1979)

Le Jour du Saigneur # 143

★★
Longtemps décrié, voire même interdit (pendant un an en France, avant de pouvoir sortir dans une version amputée), pour son incitation à l’extrême violence, « Mad Max » commence pourtant par ces mots : « Demain, peut être. Rien ne condamne mieux la violence que les images qui vont suivre ». Même si la condamnation n’est pas forcément évidente à l’écran, il reste qu’il est assez amusant de constater que le film fut accusé de défendre très exactement ce qu’il prétendait combattre ! Au vu de ce que l’on voit tout d’abord à l’écran (courses poursuites infernales en voitures cabossées, scènes de chasse et de tueries, viols, sauvagerie bien bestiale, membres déchiquetés…), on est effectivement en droit de se poser des questions. Cependant, lorsque l’on réfléchit un tant soit peu à l’histoire, on se rend compte qu’elle comporte une part de critique de la violence ou de la justice personnelle, montrant par exemple que la douleur de perdre ceux qu’on aime demeure toujours aussi vive, même lorsque l’on répond à son désir de vengeance le plus primitif…

Mais reprenons dans l’ordre : « Mad Max » prétend décrire un univers post-apocalyptique visionnaire, montrant le monde où nous vivons dans un avenir proche. La civilisation serait alors en berne et l’humanité de plus en plus tentée de sombrer dans la barbarie la plus sombre et atroce… La plus grande sauvagerie passerait par le rapport de l’homme à la vitesse et aux engins motorisés, comme si l’homme devait sacrifier son humanité en prenant le volant et en se jetant à toute berzingue sur la route ! L’idée est plutôt bonne et transforme presque le film en grande campagne pour la sécurité routière, tellement on a l’impression que les voitures ont déshumanisé entièrement notre espèce… Il faut voir tous ces hommes rendus complètement fous dans leurs carcasses d’acier, tout juste prêt à se rentrer dedans et à s’entretuer !

Cependant, il faut bien reconnaître que l’aspect « anticipation » du long métrage est très vite expédié au profit d’un pur film d’exploitation, style très en vogue à l’époque en Australie à travers le phénomène de l’Ozploitation. Le côté série B de « Mad Max » apparaît d’ailleurs dès les premières scènes, alors que les cascades automobiles se multiplient à l’écran sans que l’on sache vraiment se repérer avec cohérence dans ce déferlement d’images complètement foutraques et parfois incompréhensibles… Ce n’est cependant pas bien grave, puisque l’on comprend l’essentiel : Max fait partie d’une sorte de « police de la route » qui essaie bien difficilement de faire régner l’ordre dans le chaos général du monde, et il conduit un « interceptor » qui lui permet de poursuivre les méchants comme le terrible « chirurgien » et sa bande de tarés ! L’accident tragique de son coéquipier, brûlé vif, le pousse cependant à vouloir démissionner et il finit par prendre le large un moment avec sa petite famille… Sauf que c’est justement là que tout va basculer : sa femme et son fils vont se faire renverser et la vengeance de Max, qui devient alors complètement « Mad », sera absolument terrible !

A travers le personnage de Max, on passe alors d’un reste de justice civilisationnelle (incarnée par une police qui utilise cependant les mêmes méthodes ultraviolentes que ceux qu’elle pourchasse !) à une justice expéditive toute personnelle et pulsionnelle, et en cela éloignée de tout questionnement moral ou éthique… Dans un monde rongé par le chaos, le microcosme familial symbolisait encore pour Max comme une bulle d’amour et de bonheur, lui permettant de croire encore à la civilisation, mais l’éclatement de cette bulle fait soudainement resurgir toute la sauvagerie que Max contenait jusque là en lui. A partir de là, comme au temps des westerns américains (le bush australien n’a d’ailleurs rien à envier à l’Ouest américain), le héros du film sera entièrement guidé par son instinct de vengeance et affrontera ses ennemis au cours de duels où les chevaux et les revolvers sont abandonnés au profit de bolides d’acier aux pneus crissant sur l’asphalte ! Guidé par la haine, Max sombre à son tour dans la barbarie et révèle même un sadisme incroyable dans la dernière scène, au cours de laquelle il enchaîne sa dernière victime à une voiture sur le point de s’enflammer. Lui tendant une scie, il lui déclame alors : « La chaîne des menottes est en acier trempé. Il te faudrait 10 minutes pour la scier. Ou bien avec un peu de chance, tu dois pouvoir te trancher la cheville en 5 minutes ». On dirait presque du « Saw » dans le texte !

Mais terminons sur une note un peu plus gay, avec la présence d’un sous-texte étonnamment « queer » qui s’insinue sournoisement au fil du long métrage… La présence de Mel Gibson tout d’abord, qui ne sera jamais aussi sensuel et sexy à l’écran que dans ce « Mad Max », partagé entre une tendre virilité et une beauté d’éphèbe toute juvénile ! Sa douce plastique contraste d’ailleurs fortement avec son rôle hyper violent dans le film… Que pensez par ailleurs de cette étrange conversation décalée de Max avec son chef Fifi, limite sentimentaliste, où ce dernier fait tout pour empêcher Max de quitter la police : on dirait deux petites fiottes qui n’arrivent plus à se séparer et c’est assez jouissif ! Enfin, impossible de passer à côté des combinaisons en cuir des policiers, hyper moulées et hyper sex, aux limites du SM et du mouvement « queer »… A se demander comment ce film n’a jamais été récupéré par la communauté gay tant ses « codes » y sont indirectement prégnants !

Étonnante perspective :
- Happy Feet, de George Miller

1 commentaire:

  1. Avant la sortie du prochain remake je me referrais bien l'intégrale de la franchise tiens en guise de piqure de rappel ^^

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