lundi 26 mai 2014

[Critique] Maps to the stars, de David Cronenberg

Maps to the stars
de David Cronenberg
(Canada, Etats-Unis, France, Allemagne, 2014)

Sortie le 21 mai 2014

★★

David Cronenberg revient avec une œuvre qui comme toujours attise les contraires : « Maps to the stars » est remplie de cette « inquiétante étrangeté », de ce mélange d’attraction et de répulsion que suscite toujours son cinéma si particulier. Si le titre évoque ces cartes que l’on distribue aux touristes à Los Angeles pour localiser les maisons des stars à travers la ville fantasmée, c’est bien à cette intrusion dans leurs vies intimes que se livre le cinéaste ici… Il propose alors une vision proprement terrifiante du rêve hollywoodien, définitivement détruit et perverti par une réalité déliquescente, composée de drogues, de perversité, de violence et de moult comportements pathétiques…

"Ce n’était pas un scénario fait pour être tourné tel quel, explique Cronenberg, Bruce [Wagner] le décrivait comme une catharsis, quelque chose qu’il devait faire". Une « catharsis » pour affronter les affres et les dépravations de Hollywood, véritable Sodome ou Gomorrhe du cinéma actuel… « Maps to the stars » baigne dans un cynisme hallucinant, en décrivant une galerie de personnages tous bien atteints ! Julianne Moore, qui n’a pas volé son prix d’interprétation à Cannes, incarne d’ailleurs incroyablement Havana, cette actrice vieillissante, terrifiée à l’idée d’être remplacée par d’autres jeunes starlettes et dont la gloire même a toujours été en partie éclipsée par le fantôme de sa mère, elle-même star adulée… Mais il y a aussi le personnage de Benjie, enfant star de 13 ans déjà en prise aux drogues et à la mégalomanie de ce milieu d’ego démesurés, ou encore celui de Agatha, une mystérieuse jeune fille au visage brûlée qui deviendra l’assistante de Havana et qui cache visiblement un secret… Tous sont prêts à tout pour arriver à leur fin, quitte à laisser s’exprimer leur folie !

Le cynisme de Cronenberg est toujours tempéré par un humour noir, aussi froid et clinique que sa mise en scène comme toujours magistrale et visionnaire… Que penser de l’enthousiasme irrationnel de Havana quand elle apprend la mort de l’enfant de celle dont elle pourrait reprendre le rôle ? Et l’on ne dira rien du déchaînement de violence final, qui viendra clore un film grandiose sur la décadence hollywoodienne… Une décadence apparemment basée sur un des interdits majeurs de nos sociétés, l’inceste, qui revient étrangement et régulièrement dans le scénario du film… Le réalisateur lui-même en explique très exactement les enjeux et le sens : « C’est un type d’inceste assez spécial. On connaît mieux les relations père-fille, ou mère-fils. Le monde du cinéma est incestueux en ce qu’il est très limité, même si sa diffusion est mondiale… C’est un tout petit groupe de gens qui ne cessent de se rencontrer, dans les mêmes restaurants, les même quartiers, ou dans les festivals, par exemple. Tout le monde a les mêmes problèmes, les mêmes discussions, les mêmes centres d’intérêt. Et Hollywood est une communauté incroyablement petite. Donc l’inceste est dans le business, la sensibilité et la créativité. Les résultats tendent à confirmer la nature dangereuse de l’inceste telle qu’un généticien pourrait la définir : prenez les grands studios hollywoodiens, les films qu’ils produisent semblent être le fruit d’une union incestueuse. »

Reste une légère note d’espoir à travers les vers du poème de Paul Eluard, récité à plusieurs reprises par les personnages, sur le mode « J’écris ton nom : Liberté ». Sauf que ce rêve de liberté, perverti par leur rêve de gloire par l’annihilation de toute concurrence, n’est bien sûr qu’illusoire… ajoutant encore du pathétique au pathétique de tous ces piteux personnages, dont l’existence de « stars » ne nous fait définitivement plus rêver…

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3 commentaires:

  1. Un bon film, il est dommage que le personnage de Pattinson soit si peu exploité comparé aux autres. En tous cas bien mieux que "Cosmopolis"... 2/4

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  2. Complètement d'accord : Bien mieux que Cosmopolis, c'est sûr ! Cronenberg revient aux franges du fantastique, une (dead)zone qu'il a largement explorée à ses débuts. On pourrait presque voir
    "Maps to the stars" comme une version actualisée de "Chromosome 3".

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  3. oh mais j'ai adoré cosmopolis moi ! :)

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