mardi 1 avril 2014

[Critique] Tom à la ferme, de Xavier Dolan



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Tom à la ferme



de Xavier Dolan



(Canada, France, 2012)



Sortie le 16 avril 2014




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« Je voulais écrire pour tourner et non pour attendre. Il me fallait un scénario-éclair pour un tournage en vitesse » : le cinéma de Xavier Dolan reste encore poussé par le souffle de l’urgence
et de la jeunesse… « Tom à la ferme », son quatrième film à seulement 24 ans, en est parfaitement symptomatique, tant il marque en outre une réelle volonté du jeune cinéaste d’explorer des
univers « autres »… « Après la plus ou moins consciente trilogie sur l’amour impossible – « J’ai tué ma mère », « Les amours imaginaires », « Laurence Anyways » – un changement de cap s’imposait ! »

Adaptation d’une pièce de théâtre de Michel Marc Bouchard, ce nouveau long métrage sait affirmer son identité cinématographique. Malgré un nombre de décors resserrés, la mise en scène de Dolan
sait instaurer une ambiance trouble et fascinante, souvent aux frontières du thriller, et sa caméra virevolte ou parcours la campagne pour imposer une atmosphère isolée et retorse… C’est sans
aucun doute avec moins d’affèteries que dans ses précédents films (ce que l’on pourra néanmoins regretter) que le réalisateur signe au fond un film plus sobre et certainement moins « euphorique
»… un signe de maturité ?

C’est avec beaucoup de talents que Xavier Dolan nous plonge dans un monde d’étrangeté, isolé dans une ferme à la campagne : silences, mystères et non-dits seront les maîtres mots d’un scénario
que l’on pourra décoder à loisir… Tom (incarné par Dolan lui-même, qui s’est fait « blonde » pour l’occasion) a quitté la ville pour assister à l’enterrement de son petit ami : il est accueilli
par la mère du défunt, qui ne sait pas que son fils était homosexuel, puis par son frère, qui le menace d’emblée pour l’empêcher de révéler la vraie nature de sa relation avec le jeune homme
décédé… Les images nous montrent peu, les dialogues se révèlent bizarres ou décalés, tout semble plus souvent suggéré que réellement mentionné… Subtil et fascinant !

« Avant d’apprendre à aimer, les homosexuels apprennent à mentir » : cette phrase, mise en exergue dans la pièce originale, Xavier Dolan regrette de n’avoir pas su l’inclure dans son film… mais
force est de constater qu’elle y a une résonance forte, même si rien d’explicite n’est révélé dans le long métrage, préférant le trouble et la discrétion à un discours trop appuyé. Trouble
parfaitement illustré par la relation indescriptible entretenue entre Tom et le frère de son copain mort : Tom éprouve un mélange d’attraction-répulsion pour ce bouseux violent et primaire,
quelque part entre psychopathe et homme psychologiquement détruit, et qui lui rappelle malgré lui l’être disparu… Tom et ce frère, c’est aussi le dialogue entre la ville salvatrice pour les êtres
« différents » et la campagne arriérée qui les meurtrit à petit feu… L’impossibilité pour Tom de repartir pour la grande ville « civilisée » d’où il vient, malgré les occasions qui s’offrent à
lui, révèle une culpabilité diffuse et le transforme en semi-fou, capable de justifier l’injustifiable, comme de rester travailler à la ferme… La valse qu’ils dansent dans la grange tous les
deux, véritable parade amoureuse filmée comme une scène de meurtre, pétrie de tensions invisibles, se révèle l’un des points d’orgue d’un film qui sait surprendre et captiver avec un talent
incontestable !



Autres films de Xavier Dolan :



Les amours imaginaires (2010)



J’ai tué ma mère (2009)



Laurence Anyways (2012)































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4 commentaires:

  1. Oh, la chance! Trop hâte de le voir, moi aussi, je suis fan de ce petit génie!
    Je lis ta critique en diagonale pour le moment, histoire de me laisser cueillir.
    Mais je vois que tu as aimé, c'est bon signe!
    Ma foi, Dolan en "blonde" (comme Alizée!), pourquoi pas!
    Ca sent effectivement l'envie de changement! A suivre...

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  2. papa tango charlie20 avril 2014 à 08:40

    Superbe! enfin un thriller paysan comme j'attendais depuis longtemps! Je ne connaissais pas Dolan , je n'avais pas osé "laurence anyways", l'histoire me dérangeait, mais là je me lance dans sa
    filmo tellement cette séance était merveilleuse. Le personnage de Francis est vraiment bien joué. il rejoint ma galerie de psychopathe fétiche avec son cul de bitch! 

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  3. Vu et a-do-ré!
    Il est décidément très fort, ce petit Dolan, même quand il change de registre!
    J'ai été véritablement embarqué dans ce thriller rural, où les non-dits s'écaillent petit à petit pour laisser entrevoir les sombres secrets de chacun.
    Une vraie réussite que ce film au climat oppressant, qui nous emmène sans cesse là où ne s'attend pas. Si Dolan a délaissé certains des procédés stylisants de ses précédents films (qui
    auraient paru incongrus ici), il continue néanmoins de soigner son image, il y a de très beaux plans de cette campagne brute et brutale. Et quel plaisir de le retrouver face caméra
    (même avec un style capillaire déroutant!) après qu'il se soit effacé dans "Laurence Anyways".
    Juste un détail dans ta critique: il s'agit d'un tango et non d'une valse (une scène en effet très forte avec une tension presque palpable)!

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  4. quel enthousiasme ! :)


    son style capilaire est souvent déroutant... là, il marque un tournant dans la blonde attitude ! :)


    il ne sera pas devant la camera pour le prochain non plus... mais on a quand même hâte de le voir ! :)


    oups, autant pour moi pour le tango, je n'ai pas de grandes connaissances en danse...


    à bientôt !

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