dimanche 9 mars 2014

[Critique] Teeth, de Mitchell Lichtenstein



teeth.jpg
Teeth



de Mitchell Lichtenstein



(Etats-Unis, 2007)



Le Jour du Saigneur # 138




star.gif

star.gif

star.gif


« Teeth », de Mitchell Lichtenstein, est une oeuvre vraiment surprenante et en cela très excitante aussi. L'histoire, tout d'abord, a de quoi sacrément déstabiliser : une jeune fille (brillamment
interprétée par une nouvelle actrice à suivre : Jess Weixler) découvre que son vagin est "denté" et plutôt vorace, au point de mordre et sectionner tout ce qui peut y entrer... Le film aurait pu
s'appeler « Les dents de la vulve », en référence au titre français de « Jaws » : « Les dents de la mer ». Mais les titres anglo-saxons, ça fait beaucoup plus chic de
nos jours, c'est bien connu... dommage, donc !

Contrairement à ce qu'il pourrait sembler à la vue d'un pareil synopsis, « Teeth » n'est pourtant pas un film horrifique de série B qu'on irait plaisamment voir pour se faire une petite
régression adolescence et rassurante... ou du moins, il n'est pas QUE ça ! Bien sûr, il y a des séquences atroces, difficilement supportables, en particulier lorsqu'on est un garçon... Voir ainsi
de jeunes gens se faire décapiter le bout du gland, avec gros plans sur le morceau de pénis amputé, ce n'est franchement pas de tout repos... Mais l'esthétique adoptée ici n'est pas seulement
horrifico-gore, elle est avant tout jour_du_saigneur_bis.jpgprofondément dérangeante. Tout comme
avec l'humour très particulier qui parcourt le film de bobine en bobine, on est sans cesse partagé entre une envie de sourire et une gêne assez troublante... Un malaise qui naît d'ailleurs très
souvent des scènes d'émasculation : lorsqu'un garçon pleure en essayant dans un geste d'espoir pathétique de recoller son membre tranché ou encore lorsque le demi-frère de Dawn (la fille au vagin
fou) assiste impuissant et dans une marre de sang au festin que fait son chien de sa queue amputée... Miam ! Ouaf, ouaf !! M'enfin bref ! Ne nous égarons pas trop...

Le film n'est donc pas qu'un film d'horreur inclassable, il est aussi l'oeuvre d'un grand cinéaste naissant, fils d'un grand artiste plasticien par ailleurs (Roy Lichtenstein, l'un des "roi" du
"pop art"). Le mélange des genres perturbe d'emblée la lecture visuelle de l'ensemble : comédie, drame, horreur, teenage-movie (genre désormais largement consacré !), pornographie (un brin trash
quand même...), étude de moeurs... L'instabilité du traitement de l'histoire par son auteur (ou son absence de choix fixe et défini) participe ainsi à la perplexité du spectateur, et en cela crée
finalement un genre propre et neuf, à mi-chemin probablement entre le film d'auteur et le film expérimental.

Dans ce fourre-tout détonnant, on découvre même une interprétation psychanalytique assez poussée et fouillée : le fils qui en veut à son père d'avoir épousé la mère de son amour de bac à sable,
la transformant de la sorte en soeur "inbaisable". Devenu frère de sa dulcinée, il sera néanmoins traumatisé à vie en ayant voulu, petit garçon, toucher du doigt la vulve de sa soeur, soit bien
évidemment un interdit majeur ! Mordu par cette dernière (la vulve, pas la soeur !), il grandira finalement dans la haine des femmes, ou plus précisément du sexe de celles-ci, ne pouvant plus se
satisfaire qu'en les sodomisant. C'est aussi par la psychanalyse que l'on pourrait expliquer métaphoriquement la "mâchoire vaginale" de Dawn : traumatisée par son frère alors qu'elle était petite
fille, sa "chatte" a développé un véritable système d'autodéfense vis-à-vis des mâles, forcément mal intentionnés. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si elle dirige le "club des prudes" de son
école, refusant tout acte sexuel avant le mariage. La peur du sexe et la peur des hommes, pour le dire vite... Image qui laisse en outre planer le doute que toutes les adeptes des ligues de vertu
aux Etats-Unis seraient en fin de compte dotées d'un vagin vorace... brillante et subtile suggestion !

Mais les explications de cette étrange déformation génitale sont nombreuses dans le film et ne manquent pas pour stimuler abondamment l'imaginaire du public : de l'image mythologique du "vagina
dentata" qui désigne le vagin denté castrateur que seul un héros pur pourra vaincre (et duquel il pourra ressortir entier si possible...) à la théorie moderne des dangers de la pollution sur
l'organisme (les cheminées d'une centrale nucléaire, surplombant le foyer familial, laissent sourdre, tout au long du film, une inquiétude bien étrange, et laisse deviner une responsabilité
envers ce con "hors norme", rappelant les enfants malformés de Tchernobyl...), tout y passe, y compris d'ailleurs la caution scientifique amenée par une prof en cours de sciences, qui décrit
cette fameuse notion anti-darwinienne soutenant que les espèces évoluent par "bonds" et que l'évolution n'est donc en rien le fruit de lentes transformations... Dawn serait donc la femme du
futur, celle de la génération d'après, castratrice pour mieux peut-être réguler les naissances dans un monde où l'humanité se multiplie à l'infini. Le générique de début semble par ailleurs
orienter le film vers la thèse de la mutation génétique...

Cependant, tout cela n'aide pas vraiment notre héroïne à la dentition double à affronter la vie. « Teeth » nous fait assister à sa fascinante évolution psychologique : d'abord violée par son
petit copain "abstinent", c'est elle qui culpabilisera à la vue de la bite tranchée. Abusée par un gynécologue vicieux, celui-ci y laissera sa main à couper (hi hi hi !) et la pauvre fille
demeurera encore un peu plus traumatisée. Croyant ensuite trouver le héros mythologique dans les bras d'un garçon du lycée, un autre prépuce tombera lorsqu'elle comprendra que celui-ci couche
avec elle à la suite d'un de ces paris adolescents stupides. Ecoeurées par les hommes, elle finira par se servir de son arme vaginale comme d'un redoutable instrument de vengeance, y prenant
rapidement goût, comme le laisse supposer la sourire machiavélique du dernier plan de la dernière séquence. Dawn se transforme ainsi en femme castratrice, au sens propre du terme, punissant les
hommes en leur coupant leur virilité. Bien fait pour eux, ceux-ci étant de toute façon tous des porcs ! Fin féministe jouissive et parfaite ! En attendant maintenant le pendant masculin de toute
cette histoire dans un prochain film : un garçon pourvu d'un pénis-révolver, se servant de son membre pour "décharger" des barillets tout entier dans les "chattes" ou les "trous" de ses
maîtresses ou amants... chic chic chic !!!































  • Plus










3 commentaires:

  1. Il manque une petite précision importante et qui change énormément le propos je trouve: la vengeance ne porte pas sur TOUS les hommes mais uniquement sur les violeurs. "Teeth", ce n'est pas une
    vengeance générale contre le mâle, ce prédateur, c'est le "juste retour des choses", l'existence d'un moyen de protection contre le viol. Le vagin denté n'opèrent QUE quand il est menacé, que
    quand on abuse de la fille (aka qu'en cas de viol). Du coup, les violeurs ne peuvent s'en sortir comme ils le font la grosse majorité du temps. Ici, ils sont punis sur le coup. Certes, la
    punition est... Mais aucun d'eux n'est une victime, ils ont tous été le molesteurs. Et ça, je trouve ça génial.

    RépondreSupprimer
  2. Très bon souvenir de cet OFNI original et dérangeant,.. 2/4

    RépondreSupprimer