mardi 11 mars 2014

[Critique] Les bruits de Recife, de Kleber Mendonça Filho



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Les bruits de
Recife



de Kleber Mendonça Filho



(Brésil, 2012)



Sortie le 26 février 2014




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« Les bruits de Recife », ce sont tous les sons d’un quartier résidentiel dans une ville au Brésil : ici les aboiements d’un chien qui horripilent la voisine, là des pétards qui terrifient le
chien en question, les vrombissements d’appareils électroménagers comme un aspirateur ou une machine à laver qui, détournés de leurs emplois traditionnels, servent vraiment à faire de drôles de
choses… Des bruits qui se superposent et finissent par créer l’atmosphère d’un film parfaitement fascinant. Le travail sur la bande son de cette œuvre étonnante et unique de Kleber Mendonça Filho
est d’ailleurs remarquable, très travaillée et provoquant rien que par certains détournements sonores une forme d’« inquiétante étrangeté », expression presque parfaite pour décrire finalement un
long métrage hors du commun…

Soulignant la singularité de l’univers sonore, le travail graphique de la mise en scène se révèle lui aussi en tout point admirable… Le film est une succession de plans géométriques parfaits,
offrant de la symétrie en veux-tu en voilà et surtout une verticalité omniprésente. Tout semble se dresser dans cette ville, des immeubles au mobilier urbain, comme autant de remparts ou de
séparations dans la vie de ses habitants… Ceux-ci sont constamment encadrés par des murs ou des lignes qui viennent couper l’image de haut en bas, les cernant et les enfermant au fond dans leurs
petites vies étriquées. Et il est d’ailleurs intéressant de constater que ce n’est que quand la verticalité est rompue par la mise en scène qu’un peu de bien-être et de poésie viennent irriguer
un univers globalement plutôt étouffant et anxiogène : ici une plongée nocturne dans la mer horizontale, là une fantasmagorie inattendue dans un ancien cinéma en ruine, dont l’entrée apparaît
soudain oblique sur fond de mémoire cinématographique entièrement sonore, une fois encore…

Beau et fascinant, « Les bruits de Recife » l’est assurément ! Inquiétant et imprévisible, le long métrage du cinéaste brésilien l’est tout autant… Admirable sur la forme, ce « thriller sans
chute » (comme l’a très bien mentionné un critique américain) l’est aussi dans son message qui s’insinue doucement, presque subliminalement, dans son étrange déroulé… Il n’y a pas vraiment
d’intrigue dans le fond : juste la vie de « bobos » d’un quartier tranquille et plutôt cossu dans un pays où règnent et débordent des villes les inégalités sociales… L’intrusion de cette
mystérieuse société de sécurité, les cauchemars grouillants et terrifiants aux frontières de la réalité de certains habitants, les consciences qui vacillent et deviennent de moins en moins
tranquilles : le film nous fait assister à un glissement lent et progressif d’une communauté qui se construit ses propres peurs… Une réflexion subtile et ouverte qui rappelle cette citation
attribuée à Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux… »































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2 commentaires:

  1. Merci pour cette critique enthousiaste!
    J'avais repéré ce film qui m'avait l'air palpitant et visuellement étonnant, mais quelqu'un m'a dit qu'il y avait des scènes oniriques qui lui avaient fait perdre le fil... Tes échos sont plutôt
    rassurants, je tenterai peut-être le coup!
    Ca me rappelle un peu (mais dans un autre genre) l'univers de l'excellent "La zona - Propriété privée", une chasse à l'homme haletante dans un quartier résidentiel privé de Mexico.

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  2. j'espère que tu auras pu le voir... mais sinon c'est parfois bien de perdre le fil, parfois, non ?


    je n'ai pas vu la zona... tu dirais qu'il faut à tout prix ? ;)

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