mardi 25 février 2014

[Arrêt sur image] 12 years a slave : la pendaison de Solomon Northup



12_years_a_slave.jpg
C’est un plan séquence mémorable,
qui s’éternise à l’écran, mais juste ce qu’il faut, le temps de saisir au fond la quintessence même de l’ensemble du film « 12 years a slave » : la problématique de l’esclavage, soit la
domination d’un peuple sur un autre par le simple fait de se prétendre supérieur à lui… Le cinéaste Steve McQueen (« Hunger », « Shame ») est un spécialiste de ces plans séquences qui marquent, en esthète habile et fascinant
de l’image. Dans cette scène électrochoc, le personnage de Solomon Northup, incarné par Chiwetel Ejiofor, reste pendu à une corde durant des secondes qui doivent lui sembler des heures. La durée
du plan détermine très justement cette subjectivité du temps ressenti, fatalement plus long dans les instants désagréables – justement celui que vit le personnage à ce moment-là, avec
l’incertitude de savoir s’il va effectivement mourir ou si on va lui sauver la vie. Celui qui l’a pendu vient d’être chassé par son « propriétaire » esclavagiste, qui se montre ainsi clément en
lui sauvant la vie, mais d’une clémence éminemment ambiguë, puisqu’elle est tempérée par le fait qu’il sauve un homme qui lui a coûté de l’argent et qui lui sert quotidiennement de main d’œuvre,
mais aussi parce qu’il le laisse un long moment au bout de sa corde sans le détacher…




Mais l’aspect le plus troublant de la séquence vient juste après, quand la vie 12 years a slavereprend «
normalement » après l’incident, alors même que le personnage pend toujours au bout de sa corde, faisant ce qu’il peut pour garder la pointe des pieds au sol afin de ne pas s’écrouler et ainsi
mourir… Les autres esclaves reprennent alors leurs activités habituelles autour de lui, comme si de rien n’était. Ils ne le font bien sûr non pas par manque de compassion pour lui mais uniquement
guidés par la peur des représailles de leur maître s’ils intervenaient et venaient le détacher par exemple… C’est bien la cristallisation de cette peur invisible à travers cette image qui pose
les fondamentaux de la domination de l’homme par l’homme. Les mêmes problématiques se poseront avec la question juive ou même les dominations de classes sociales actuelles : pourquoi ceux qui
sont écrasés et qui sont pourtant plus nombreux que ceux qui les oppriment ne font pas masse pour se rebeller ? Peut-on qualifier de lâcheté cette peur égoïste et irrationnelle qui relève
purement et simplement de l’instinct de conservation : me protéger moi-même avant d’aider mon prochain…

[Nouvelle rubrique sur le blog de Phil Siné, « Arrêt sur image » reviendra régulièrement sur ces petites séquences
marquantes et cultes qui font les grands films…]































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