mercredi 23 octobre 2013

[Critique] Level Five, de Chris Marker (vu par Young Pandawan)



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Level Five



de Chris Marker



(France, 1996)



Reprise dans les salles en version restaurée le 23 octobre 2013




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[Chronique publiée dans le cadre des "critiques retrouvées" du jeune Pandawan, dont vous trouverez les autres billets via l'index des contributeurs]

Une femme, prénommée Laura, se retrouve seule devant son ordinateur, suite à la disparition de Chris, son interlocuteur mystérieux, probablement mort… Celui-ci a laissé un jeu vidéo inachevé sur
l’écran, et Laura tente de le terminer. Il s’agit d’un terrible massacre survenu en 1945 à Okinawa : le suicide collectif de 150 000 civils, ordonné par l’armée… Une tragédie insupportable qui
fut déterminante dans le dénouement de la seconde guerre mondiale, mais étrangement « oubliée » par l’Histoire…

L’oubli, justement… L’un des plus grands maux de l’humanité. Dans « Level Five », le souvenir pour les hommes n’est qu’une utopie, un idéal… Un peu comme ce « niveau cinq », cette sorte d’absolu
que l’on ne peut pas atteindre, sauf peut-être dans la mort. La mort, justement… Celle du passé, du souvenir… L’homme est alors condamné à oublier et à se répéter, à revivre éternellement les
tragédies de l’Histoire… Le ton volontairement cynique et désabusé du film est là pour faire réagir le spectateur, pour tenter de le jeune_pandawan.jpgpersuader de conserver une mémoire… Mais la mémoire s’efface si vite. Même Laura, bien que travaillant contre l’oubli, a peur de perdre un à un les souvenirs
de Chris qui lui restent… Tous ces éléments disséminés sur l’écran, se succédant les uns aux autres, et disparaissant ainsi comme les souvenirs, forment une passionnante réflexion sur la mort du
passé, de l’Histoire, de l’amour, mais aussi de la mort, tout court…

A l’aide d’une atmosphère oppressante, créée par un espace très réduit, par la présence en chair d’une seule personne et le visage de celle-ci filmé en gros plan, ce documentaire iconoclaste,
cette sorte d’« essai existentiel » à la fois moderne et archaïque (ou ni l’un ni l’autre, comme atemporel), propose une intense méditation sur l’homme, sa condition et son évolution. Car la
notion de progrès est largement abordée : à travers une technique qui asservit peu à peu l’homme – l’ordinateur devenant sa propre mémoire –, et puis à travers cette tragique réflexion sur les
médias et l’image, les problèmes qu’ils posent – comme l’exemple de cette femme qui saute d’une falaise à la vue de la caméra (mais bien qu’elle avait l’intention de se suicider, l’aurait-elle
quand même véritablement fait sans l’œil assassin de l’objectif ?) – ou encore leur mauvaise utilisation qui amène à une déformation dangereuse de la Vérité…

Pour dire vrai, un film épouvantable, étouffant, bien souvent très difficile… mais essentiel, nécessaire et d’une très grande légitimité morale… A voir absolument et à conserver en soi à tout
jamais !

Young Pandawan (juin 1997)



Autres films de Chris Marker :



- Chats perchés (France, 2003)



- Le Joli Mai, de Chris Marker et Pierre Lhomme (France, 1963)































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