samedi 3 août 2013

[Critique] Henri, de Yolande Moreau



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(France, 2012)



Sortie le 4 décembre 2013




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Un film de Yolande Moreau sans Yolande Moreau ressemble-t-il toujours à un film de Yolande Moreau ? On se souvient tous du poétique, rigolo et très émouvant « Quand la mer monte », où la présence
de l’actrice réalisatrice dans le rôle principal jouait quand même pour beaucoup ! Avec « Henri », l’étrange bonne femme se met en retrait au profit de deux brillants comédiens (Miss Ming et
Pippo Delbono), et réussit tout de même un chouette film, même si ce n’est en effet pas tout à fait la même chose… Mais ce n’est pas non plus comme si elle n’apparaissait pas du tout dans le
film, puisqu’elle s’y octroie un petit rôle, celui de la responsable du banquet après un enterrement, qui déclame d’ailleurs l’une des répliques les plus drôles du long métrage, lorsqu’elle
quitte les « convives » endeuillés après le repas : « Moi j’y vais, chuis morte ! »

Si les traits d’esprit ne sont pas non plus à se taper le cul par terre dans « Henri », le style Moreau sait s’immiscer ici et là, à travers cet humour si particulier, un peu absurde et poétique,
hérité sans doute de la troupe des « Deschiens », où la Yolande a œuvré de nombreuses années… Il suffit qu’une plante en pot se fracasse sur le sol pour que quelqu’un dise « C’est dommage, une si
belle misère ! » La drôlerie est ainsi toujours tendre et rejoint un contexte social brillamment décrit, sans misérabilisme ni sarcasme… La cinéaste nous plonge très simplement dans le quotidien
de Henri, dont la morne vie se partage entre son bar restaurant, sa compagne, ses amis (qui sont accessoirement aussi les « piliers » de son bar) et sa curieuse passion pour les pigeons, qu’il
attire chez lui pour mieux les relâcher en masse par la suite (très belle séquence, toujours entre poésie et enchantement sociologique, montrant une belle envolée de ces pigeons, libérés par
camions entiers…)

Et puis la femme de Henri (Lio, parfaitement dans le ton) meurt, agrandissant un peu plus sa solitude. Il accepte alors de prendre sous son aile Rosette, une handicapée mentale légère, en
l’employant dans sa brasserie… Si Yolande Moreau film le handicap sans chichi ni violons, voire de façon parfois assez crue (par exemple lors de la scène de repas au foyer de Rosette, lorsque
tout le groupe d’handicapés scande « du cul ! du cul ! »), elle n’a pas non plus voulu faire de ce sujet le cœur de son film : "J'ai eu envie de faire un film comme ça sur un homme un peu
alcoolique, entre chien et loup tout le temps, un peu éteint et qui serait réveillé par une autre solitude que lui […] ce qui m'intéressait, c'est cette rencontre, cette ressemblance entre deux
personnages qui n'ont pas les clés pour fonctionner socialement". La rencontre entre deux solitudes, entre deux personnes « handicapés » par les codes sociaux et qui ne savent pas vraiment
comment se faire du bien l’un l’autre, voilà de quoi parle au fond « Henri », avec une subtilité et une finesse discrètes, que le contexte ne montre jamais ostentatoirement…

Chaque personnage est décrit dans son isolement et dans sa difficulté de vivre au détour de séquences a priori anodines. Quand Rosette essaie à la piscine de franchir la ligne du bassin qui
sépare son groupe d’handicapés et les gens « normaux », c’est tout son désir d’aspirer à une vie « normale » qui s’exprime. Quand Henri dit à Rosette qu’ils ne peuvent pas être ensemble à cause
de son handicap, n’est-ce pas plutôt parce qu’il la voit plus comme une fille pour lui que comme une amante potentielle… Chacun perdu dans ses maladresses d’actes ou de discours, c’est à une
description de l’incommunicabilité entre les êtres que se livre en fin de compte le long métrage, toujours ponctué de moments un peu « OVNI » et hors norme, participant au caractère de fable de
l’ensemble : perdue dans un rideau, n’est-ce pas une robe de mariée que se confectionne Rosette, en regardant avec bienveillance son Henri qui dort sur le canapé ? « Henri » est un film à
l’intelligence feutrée et à la simplicité trompeuse…































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