lundi 25 février 2013

[Critique] Little Odessa, de James Gray



little odessa
(Etats-Unis, 1994)




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Premier film d’une jeune prodige de 24 ans, « Little Odessa » impressionne d’emblée par son extrême perfection formelle et dramaturgique. James Gray y impose avec une assurance époustouflante un
talent rare : chaque plan semble longuement réfléchi, chaque mouvement de caméra habilement pensé, chaque personnage intensément étudié… On se retrouve alors devant une sorte de quintessence
cinématographique, une forme d’objet filmique qui se dresse comme un classique incontournable dès le moment de sa sortie en salles. Les codes du polar et du film noir y sont magistralement
restitués et magnifiés, mais « Little Odessa » court aussi bien au-delà, en empruntant notamment à la structure universelle des tragédies antiques !

La situation familiale ici décrite exploite par exemple la notion de Fatum et de questionnement existentiel avec force, mais toujours avec une infinie discrétion, les concepts philosophiques ou
même psychanalytiques n’apparaissant qu’en filigrane d’une intrigue qui se suffit à elle-même… La simplicité apparente des enjeux demeure d’ailleurs exemplaire et permet à chacun de projeter ses
propres interprétations. On y suit le cheminement de Joshua (Tim Roth, d’une sobriété épatante !), tueur à gages contraint de revenir sur les lieux de son enfance pour les besoins d’un contrat,
alors même qu’il a coupé jadis tous les ponts avec sa famille… Sauf que son petit frère Reuben (Edward Furlong certainement dans son plus beau rôle) apprend son retour dans le quartier et cherche
à reprendre contact avec lui. A partir de là se noue une tragédie familiale autant shakespearienne qu’œdipienne, rendue éminemment touchante par la force de ses interprètes : Maximilian Schell y
incarne un père brutal mais convaincu de faire le bien, Vanessa Redgrave une mère en train de mourir d’un cancer, véritable incarnation du mal qui ronge de l’intérieur les rapports familiaux… Le
rapport impossible au père y est particulièrement prégnant, les personnages ne sont jamais simples à comprendre (on peut tour à tour les aimer ou les rejeter pour leurs actes) et le tout finira
évidemment de la pire façon possible, Joshua perdant un à un tous les membres de sa famille : il survit dans la mesure où il est en réalité peut-être déjà mort, ayant fait les mauvais choix des
années auparavant…

L’admiration que l’on peut avoir pour « Little Odessa » est multiple et ne peut s’arrêter à la seule exégèse de sa perfection visuelle ou morale… La passion du cinéaste pour une certaine
cinéphilie y est notamment prégnante d’un bout à l’autre et il rend ici un hommage vibrant pour un certain cinéma américain qu’il admire et qui a marqué sa vie. Outre les diverses citations plus
ou moins directes, du New-York de Scorsese aux cow-boys des westerns, l’un des personnages du film, probable projection autobiographique de l’auteur, se révèle visiblement très cinéphile : il
s’agit de Reuben, que l’on retrouve à deux reprises dans une salle de cinéma, une fois seul et une autre avec son frère et une ancienne petite amie de celui-ci. Il est intéressant d’observer
l’évolution du personnage à ce niveau : d’abord simple spectateur – autant des films qu’il voit en salles que de la tragédie familiale qu’il vit – il deviendra par la suite acteur de l’action.
Privé de la fin d’un western, dont la bobine brûle, stoppant net la projection et renvoyant le personnage au vide de l’écran blanc, Reuben se saisira à la fin d’une arme pour aller aider son
frère : un plan sublime le montre alors en ombre chinoise derrière un drap blanc (symbole évident de la toile de projection cinématographique), bientôt troué par une balle qui abattra également
le jeune homme, que l’on distingue mort à travers le trou du drap / écran… une façon métaphorique de franchir l’écran de cinéma ? Délaisser la toile pour enfin accepter la vie, mais se voir
tragiquement tué par celle-ci ? Surinterprétation probable d’un chef-d’œuvre atemporel qui n’a néanmoins certainement pas fini de livrer toutes ses clés !































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4 commentaires:

  1. Excellent film, James Gray prouvera par la suite qu'il est l'un des meilleurs réalisateurs de sa génération... 4/4

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  2. Je suis d'accord, très beau film, et incroyablement maîtrisé pour un premier film !

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  3. Ah oui superbe film avec un Tim Roth au top et une Vanessa Redgrave magnifique malgré un petit rôle.

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