jeudi 24 janvier 2013

[Critique] Tu honoreras ta mère et ta mère, de Brigitte Roüan



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(France, 2011)



Sortie le 6 février 2013




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Quand Jo débarque en Grèce, elle apprend que le festival de théâtre qu’elle organise d’habitude chaque année vient d’être annulé à cause de la crise… et que son contact sur place a englouti la
subvention de « Culture France » dans son nouveau « tout à l’égout » ! Comme ce festival est surtout pour Jo l’occasion rare de réunir ses quatre fils et toutes leurs familles, impossible pour
elle de renoncer à l’événement : qu’à cela ne tienne, ils vont tous improviser un mini-festival où chacun mettra la main à la pâte, quitte parfois à se mettre un peu hors-la-loi, en squattant par
exemple la maison qu’on lui laissait les années précédentes…

Ce qui est indéniable chez Brigitte Roüan, c’est son sens du rythme et de la narration. Son film est un joyeux bordel parfaitement organisé, montrant avec délices les retrouvailles familiales,
avec ses joies, ses disputes et ses impondérables… sans compter les rapports entre les générations, entre accords et désaccords, chocs culturels capables de s’assimiler (le rap grec du petit fils
intégré à la pièce antique par exemple) et invincible solidarité. La mise en scène de la réalisatrice est alerte et rudement entraînante, ponctuée ici et là de fantaisie et d’audaces vraiment
chouettes : quand le personnage de Jo, portée par l’enthousiasme familial, s’élève dans le ciel à bord du char d’Apollon, c’est juste étrange et merveilleux à la fois ! On est conquis par un
style tout à fait personnel…

« Tu honoreras ta mère et ta mère » fait d’ailleurs abondamment appel aux mythes grecs et se retrouve truffé de nombreuses références culturelles, subtilement intégrées dans la narration ou les
dialogues, et surtout jamais prétentieuses ou ostentatoires… car le cinéma de Brigitte Roüan est cultivé, mais demeure largement populaire, dans le bon sens du terme ! Et si la comédie se
retrouve peuplée d’inspirations et de références diverses, le maître mot n’en demeure pas moins l’humour et le divertissement… Le mythe d’Œdipe est ainsi joliment décortiqué à travers l’histoire
de cette mère ayant élevé seule ses quatre enfants (d’où le titre en forme de nouveau commandement pour les familles décomposées / recomposées d’aujourd’hui) : si elle se prénomme Jo, c’est bien
sûr en référence à Jocaste, la mère d’Œdipe, incarné par son fils aîné, auquel elle demeure sans doute encore trop attachée (la scène où le poulpe qu’elle tient vient enrouler ses tentacules
autour du bras du fils est ainsi suffisamment explicite à ce sujet !) Fils qui se cassera d’ailleurs le pied, comme un hommage au sens du nom Œdipe, qui signifie justement « pieds enflés »… On
nage ainsi souvent en pleine psychanalyse ! Et à côté d’eux tournent de nombreuses autres références et symboles, comme une grand-mère qui prophétise le pire sans qu’on en tienne compte, à la
façon d’une Pythie ou d’une Cassandre, ou le plus jeune fils de la « portée », beau comme un Dieu grec justement, et descendant sur Terre à bord d’un hélicoptère doré, comme dans les légendes les
plus incroyables…

Mais si la réussite du film tient beaucoup à la richesse et à l’intelligence d’un scénario brillamment mis en scène, elle doit également une large part à l’interprétation et au choix des acteurs,
tous formidables et délivrant de multiples émotions… Nicole Garcia incarne parfaitement cette mère tour à tour attachante et horripilante et ses quatre fils sont joués par autant de personnalités
différentes du cinéma français que peuvent être Eric Caravaca (que l’on avait adoré dans « Qui a envie d'être aimé ? »), Patrick Mille (la série progressiste « Clara Sheller
», « Crime d’amour »), Michaël Abiteboul et Gaspard Ulliel… Les seconds rôles
restent eux aussi très soignés : on retiendra notamment Emmanuelle Riva (« Amour ») dans le
rôle de la grand-mère prophète !



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