jeudi 17 janvier 2013

[Critique] A Touch of Sin, de Jia Zhang Ke



a_touch_of_sin.jpg
A Touch of Sin



de Jia Zhang Ke



(Chine, Japon, 2013)



Sortie le 11 décembre 2013




star.gif

star.gif

star.gif


Ancré dans une réalité tragique, « A Touch of Sin » frappe d’emblée par le pouvoir de sidération qu’offrent ses images, partagées par une dichotomie saisissante entre leur beauté et leur
violence… Dès les premiers plans, éminemment soignés et parfaitement composés, on sait que l’on pénètre au sein même d’un chef-d’œuvre ! Le cinéaste Jia Zhang Ke y livre sa propre vision de son
pays, la Chine, en proie à une brutalité civilisationnelle : "La transformation rapide de la Chine s’est faite au profit de certaines régions mais également au détriment d’autres. L’écart entre
riches et pauvres se creuse de plus en plus […] Pour les plus faibles la violence peut devenir le moyen le plus rapide et le plus efficace de conserver leur dignité […] Je me suis donc lancé dans
l’écriture d’un film qui serait une série de portraits de la violence plutôt que l’histoire d’un seul protagoniste. Afin d’illustrer la Chine moderne comme je la comprends, je suis parti de
quatre faits divers incroyablement violents et j’en ai fait une œuvre de fiction".

A travers ces faits divers survenus aux « quatre coins » de la Chine, le réalisateur fait bien sûr œuvre politique et instille de la subversion au sein même de la dictature libérale qu’il décrit…
On comprend les hésitations du gouvernement chinois à laisser sortir dans les cinémas nationaux ce long métrage pourtant tant attendu par sa population. Le film enchaîne quatre destins a priori
banals, vécus par quatre personnages pris dans l’étau de la violence qu’ils subissent… La corruption, les inégalités, les injustices, les humiliations, les impossibilités : tout ça comme comme
autant de fléaux subis par des individus « normaux » qui ne voient bientôt plus que la destruction comme réponse à la dureté de leurs vies ! Répondre à la violence par une violence encore plus
forte et radicale, voilà le bilan amer d’une société au bord de l’implosion… Si le film débute avec fracas par l’histoire d’un mineur rendant lui-même la justice par le sang dans son petit
village, après avoir compris qu’aucune justice n’était possible par les lois de son pays, il se termine par le désespoir d’un jeune homme, qui préfère renoncer à une vie qui se refuse à lui, tant
il n’arrive pas à trouver un travail valorisant, l’amour d’une fille ou même la gratitude d’une mère… Toutes les histoires de « A Touch of Sin » se révèle ainsi particulièrement bouleversantes…
et bien souvent éprouvantes !

Mais outre faire œuvre idéologique, Jia Zhang Ke prouve également à chaque plan de son film qu’il est un grand cinéaste ! La mise en scène du long métrage est tout bonnement époustouflante et
admirable d’un bout à l’autre… On demeure bluffé par les éclats de violence et de sang qui ponctuent un film aux cadrages précis, aux compositions sublimes, aux séquences contemplatives au
lyrisme admirable ! La force des images s’allie souvent à un sens du symbole incroyablement sophistiqué : la métaphore animale ponctue notamment régulièrement le récit (ici un serpent qui
traverse la route, là un cheval qu’on maltraite…), rappelant combien la frontière entre l’homme et l’animal peut parfois devenir perméable… « A Touch of Sin » est en somme un film subjuguant et
hypnotique, qui respire la colère et la rage, celles bien souvent du désespoir, mais dont la retranscription à l’écran passe par une poésie virtuose et l’empreinte d’un cinéaste au talent
visiblement immense…































  • Plus










2 commentaires:

  1. Quand je l'avais vu à Cannes, il ne n'avait pas laissé une forte impression, si ce n'est sur la mise en scène. Je me suis un peu senti exclu de ce récit, comme s'il manquait une passerelle pour
    mon regarde d'occidental - alors oui, c'est normalement à moi de faire l'effort, mais ce n'est pas passé. Il faut dire que je ne l'ai pas vu dans des conditions géniales - sur l'aile d'une salle
    mal agencée, avec donc une partie latérale de l'écran obstrué par une colone d'enceintes !
    A revoir, probablement....

    RépondreSupprimer
  2. Non il y a deux salles qui proposent de mauvais sièges sur les ailes... Mais bon, ensuite il suffit de se débrouiller pour éviter les séances bondées et/ou les salles concernées.

    J'ai pas eu l'occasion de le revoir au cinéma non, j'attendrai donc la sortie vidéo.

    RépondreSupprimer