lundi 24 septembre 2012

[Critique] Mauvais sang, de Leos Carax



mauvais sang
(France, 1986)




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Après « Boy meets girl » réalisé deux ans plus tôt, qui imprimait déjà sur pellicule la marque d’un grand cinéaste, « Mauvais sang » finit de jeter les prémices d’une carrière que l’on devinait
alors foudroyante, celle d’un nouveau génie du septième art, capable de le renouveler et de le transformer en profondeur, malheureusement détruite en plein envol avec le projet suivant des «
Amants du Pont-Neuf », qui fit définitivement plonger Leos Carax dans la case des « cinéastes maudits »… Regrets éternels, surtout lorsque l’on (re)découvre « Mauvais sang » aujourd’hui : on
(re)tombe immédiatement sous le charme de sa grâce, de sa beauté, de sa personnalité unique, de sa poésie frénétique et de son magnétisme si puissant !

Démarrant comme un film noir un peu glaçant, « Mauvais sang » raconte le parcours de deux vieux gangsters, Marc et Hans, qui décident d’engager le jeune Alex (dit « Langue pendue »), fils d’un de
leur ami venant de décéder, pour lui proposer un « coup » risqué mais important. Aussi mystérieux que cela puisse paraître, ils veulent dérober la formule tenue secrète dans un laboratoire ultra
protégé, qui permettrait de venir à bout d’une nouvelle maladie émergente, le STPO, qui tuerait les amants qui « font l’amour sans amour »… Si l’on pense évidemment au SIDA, qui venait justement
d’être nommé ainsi dans le monde, il ne faut cependant pas voir le moindre côté réac à cette façon d’envisager ses victimes comme des copulateurs sans âme, mais y voir bien plus certainement les
fortes tendances romantiques du cinéaste ayant fait du cinématographe un art subtil de la captation du sentiment amoureux !

Car bien plus que cette histoire de gangsters, c’est la relation qui se tisse entre Alex et la belle Anna, qui est la jeune maîtresse de Marc, qui intéresse en priorité Carax… Le cinéaste filme
entre eux la naissance de l’amour avec un état de grâce absolu et foudroyant, au gré de séquences poétiques, dramatiques ou même humoristiques à se damner ! Les capacités de feu follet
saltimbanque de Denis Lavant dans la peau d’Alex sont un atout imparable pour le film : sa course folle dans les rues la nuit, comme un pantin désarticulé, au gré d’un travelling en plan séquence
sur une chanson de David Bowie, demeure un morceau de bravoure cinématographique autant qu’un moment de magie inoubliable… Les scènes où Alex s’improvise magicien devant le regard ravi d’Anna
sont elles aussi savoureuse. Quant à Anna justement, incarnée par la sublime débutante Juliette Binoche, son charme opère à tous les plans !

La mise en scène de Carax gagne avec « Mauvais sang » en maîtrise et en perfectionnisme… On y retrouve l’essence même du cinéma, à travers une jouissance audiovisuelle de tous les instants :
évocations du film noir, nombreux hommages aux fantômes du passé, des films burlesques muets à la nouvelle vague (on pense à Godard et à son « Pierrot le fou » pour sa façon de faire digresser
son récit en permanence), en passant par la poésie d’un Cocteau… mais ces références et ces citations ne sont pas posées à plat juste parce que ça fait beau, elles sont la substance vitale du
film et son ciment, ce qui lui permet aussi de s’ériger et de se construire, dans le but ultime de bouleverser encore et toujours l’art cinématographique en lui offrant de nouvelles formes, de
nouvelles matières… et de nouvelles audaces ! C’est un coup de génie, certes, mais surtout un grand film qui n’a pas fini de nous remplir d’émotions, fortes et sincères, même plus de 25 ans après
sa création…



Perspective :



- Holy Motors, de Leos Carax































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