samedi 28 juillet 2012

[Critique] The We and the I, de Michel Gondry







the we and the i
(Etats-Unis, 2010)



Sortie le 12 septembre 2012




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Michel Gondry est l’un de ces cinéastes rares, capables apparemment de faire tout ce dont il a envie : aussi bien un documentaire intimiste sur sa propre
famille (« L’épine dans le cœur »)
qu’un blockbuster hollywoodien sur un superhéros (« The Green Hornet »). Le grand écart ne lui fait visiblement pas
peur, et alors qu’il est sur le point d’achever un projet de grande envergure avec une maestria de stars de cinéma (l’adaptation impossible de « L’écume des jours » de Boris Vian), il
nous revient entre-temps avec un film plus modeste, quelque part entre la fiction improvisée et le documentaire dans lequel des acteurs amateurs « jouent » en réalité leurs propres
rôles…



Construit comme un « huis clos en mouvement » (toute l’action est saisie depuis l’intérieur d’un bus), « The We and the I » (au titre ô combien
symbolique !) retrace le trajet d’un car après l’école, déposant un à un à travers la ville les élèves d’un lycée du Bronx, qui viennent tout juste de terminer leur année scolaire… C’est
l’été, à eux la liberté, mais les rapports de force n’en demeurent pas moins prégnants entre eux, comme tous les autres jours ! Et même si le bus ne menace pas d’exploser (comme dans
« Speed »), il se passe suffisamment de micro évènements à l’intérieur pour ne jamais s’ennuyer ! L’habitacle du bus retranscrit ainsi une forme de hiérarchie sociologique, avec
les filles et les faibles à l’avant et les caïds sans foi ni loi à l’arrière, capables d’éjecter sans état d’âme de jeunes passagers de ce qu’ils estiment être « leurs » places (ou leur
territoire ?) afin de s’y asseoir… Devant cette bande de jeunes plutôt agitée, les autres passagers adultes prennent la fuite illico ou tentent quelques résistances, comme une vieille dame
qui reste en place malgré les bousculades et les incivilités que lui imposent les racailles du fond : elle témoigne en outre d’un humour presque burlesque dont le film ne fait presque jamais
l’économie, quand elle corrige l’un des jeunes effrontés avec sa cane à la descente du car…



« The We and the I » est donc drôle, mais passe par un prisme d’émotions bien plus large, à travers la palette de portraits qu’il propose avec ses
multiples personnages possédant chacun son caractère bien défini… Si l’étude sociologique est soignée et souvent pertinente, appuyée certes par un aspect caricatural servant pourtant habilement
la démonstration, ce qui intéresse Michel Gondry reste certainement la progression de ce trajet en bus, qui fonctionne comme un puissant révélateur du phénomène de groupe chez l’être
humain : tout semble révéler que plus l’individu est entouré, moins il réfléchit et plus il se laisse entraîner par quelques instincts grégaires laissant libre cours à sa bêtise ou à son
animalité primaire… En construisant son film en trois parties, le cinéaste trace un itinéraire passionnant du « nous » vers le « je » comme le clame son titre marquant bien
une rupture entre le « we » et le « I ». C’est ainsi au fur et à mesure que le bus se vide et que les personnages se retrouvent de plus en plus seuls qu’on les observe
disposés à se livrer et à révéler leur véritable personnalité, intime et profonde… Une forme de mélancolie métaphysique s’installe, après les exubérances d’apparat du point de
départ !



Sur le canevas proche d’un simple « film concept », Gondry réussit en définitive une œuvre incroyablement riche et intelligente, qui plus est joliment
rythmée et inventive d’un bout à l’autre… Car fidèle à sa légende de « réalisateur bricolo-rigolo », le cinéaste distille sa créativité au gré des séquences, ici avec un générique
suivant un bus « radiocassette » miniature, là avec des flash-back et autres rêveries des personnages en-dehors du bus, ou plus loin encore avec l’utilisation d’images issues des
téléphones portables ou des réseaux sociaux, phénomènes nécessaires à prendre en compte dès lors qu’on parle des jeunes d’aujourd’hui…



Autres films de Michel Gondry :



L’épine dans le cœur (2010)



The Green Hornet (Le Frelon vert)
3D (2011)



"The We and the I" au Festival Paris
cinéma 2012
































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3 commentaires:

  1. J'ai bien aimé ce film malgré ses clichés, par contre tout repose sur la vidéo (émotion et dramaturgie) mais malheureusement ça ne fonctionne pas, cet ado victime est trop "fictif", la scène de
    la chute est elle-même trop légère pour comprendre cet engouement... 2/4

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  2. papa tango charlie23 septembre 2012 à 10:18

    je suis toujours un peu craintif quand il s'agit du style huis clos, mais là c'est effectivement un exercice réussi et gondry réussit à faire un film très riche malgré la vacuité apparente des
    personnages. Seul bémol, effectivement, la vidéo de la chute beurrée n'est pas à la hauteur par rapport à la façon dont elle est exploitée.

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  3. Comme d'habitude, j'ai une 2e lecture de ta critique après avoir vu le film et je trouve que tu en avais encore capturé tout le meilleur, dans l'ensemble comme dans le petit détail amusant ;) Il
    m'a beaucoup plu aussi, surtout pour la jolie palette d'émotions par laquelle on passe au cours de ces 3 actes, en effet. 

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