jeudi 14 juin 2012

[Critique] Laurence Anyways, de Xavier Dolan



laurence_anyways.jpg
(Canada, France,
2012)



Sortie le 18 juillet 2012




star.gif

star.gif


Je est une autre !

Avec « Laurence Anyways », Xavier Dolan nous raconte une histoire d’amour. Mais pas
n’importe laquelle ! Et cette fois-ci, les « amours » qu’il décrit n’ont rien
d’« imaginaires »
: elles sont au contraire bien réelles, palpables et  même viscérales ! C’est l’histoire d’un couple qui va se déchirer pendant plus d’une décennie, depuis la fin des
années 80 jusqu’à l’aube du nouveau millénaire… Un couple qui va en quelque sorte réinventer et moderniser l’amour, dans ce qu’il a de conformiste et réducteur. Car au sein de ce couple, il y a
Laurence, et Laurence est un homme qui voudrait être une femme, sans pourtant renoncer à Fred, l’amour de sa vie, qui est elle aussi une femme… Curieux et culotté mélange des « genres », qui
marque la belle complexité du propos que le film tend à nous insuffler !

Si l’ambiguïté des personnages apparaît dès l’annonce de leurs prénoms (Laurence est le garçon au nom féminin, Fred est la fille au diminutif masculin), leur parcours parvient à nous emmener très
loin et permet à Dolan d’interroger en profondeur et avec une intelligence folle la question du genre dans un couple et dans la civilisation. En cela, « Laurence Anyways » est un film hautement
progressiste et sociétal, qui fait exploser les conventions et montre l’extrême difficulté de s’en extirper… Car malgré tout le désir qu’il existe entre Fred et Laurence, malgré toute la bonne
volonté de Fred à accepter Laurence comme il / elle est, le regard des autres et le poids écrasant de la norme aura raison de leur union, qui finira par éclater ! Le jeune cinéaste québécois
filme avec une finesse et une subtilité éclatante la complexité de cette relation et de ses rapports au monde qui l’entoure : il s’attarde sur les éclats et les nombreuses tergiversations qui
mèneront à la destruction du couple, comme si la simple volonté d’être soi pour chacun demeurait fatal à l’existence de l’être ensemble… Pourtant la dernière séquence de ce (peut-être trop ?)
long métrage (qui est en réalité la première de la relation, marquant le moment de la rencontre et la naissance du sentiment amoureux) semble vouloir nous dire que Laurence était honnête dès le
départ, puisqu’en se présentant il lâche son vrai nom avant de se raviser et de dire qu’on peut l’appeler « Laurence Anyways »… car il est justement « Laurence de toutes les façons » et de tous
les genres ?

Si on pourra reprocher à « Laurence Anyways » quelques petites afféteries un peu vaine dans sa mise en scène (tiens, une pluie de vêtements colorés, comme c’est joli quand on s’aime !), on les
pardonnera aisément à son cinéaste, dont le goût de l’esthétique et du beau est toujours très plaisant et génère à lui seul un style propre et assuré au film… Rien que les premiers plans, de
chambres vides en regards caméras magnétiques (qui rappellent l’importance cruelle du regard des autres dans ce monde), sont en cela comme autant de captations habiles de notre regard à nous, qui
permettent de nous plonger avec conviction dans un univers empreint de désirs… Et cet univers, il est fascinant de constater qu’il ne ressemble à aucun des deux films précédents de Dolan, ce
dernier parvenant ainsi à créer une tonalité unique pour chacune de ses œuvres ! Aidé par une réalisation riche et élaborée, pleine de surprises dramatiques et visuelles, il imprime toujours son
style et sa personnalité, entre hommages, créations propres et récréations…

Pour incarner sa redéfinition de l’amour et des genres à l’aube des années 2000, Xavier Dolan a choisi de superbes acteurs, dont certains sont déjà des habitués de son cinéma : on retrouve ainsi
avec plaisir Monia Chokri, mais c’est cette fois Suzanne Clément qui explose dans le rôle de Fred ! Nathalie Baye se révèle formidable dans un rôle tout aussi formidable, celui de la mère de
Laurence, cruellement partagée entre son mari et son fils… Quant au rôle titre, il est tenu par un Melvil Poupaud étonnant, qui joue ce garçon ni tout à fait homme ni jamais tout à fait femme
malgré son curieux accoutrement, avec une délicatesse et une douceur vraiment touchante… On ne peut cependant pas s’empêcher de penser (et de rêver) à ce qu’aurait pu être le film avec Louis
Garrel, d’abord envisagé pour interpréter Laurence : gageons qu’une collaboration avec Dolan n’est que partie remise !



Autres films de Xavier Dolan :



Les amours imaginaires (2010)



J’ai tué ma mère (2009)































  • Plus










12 commentaires:

  1. Et tu l'as déjà vu ???


    Ouais ben c'est c'que j'craignais ; non pas la longueur du film mais si je puis me permettre " le manque de charisme relatif " de Melvil pour un tel rôle.


    Sûrement qu'il est très bien hein mais qu'il lui manque ce petit quelque chose pour déchirer sa presta. et porter le film.


    Louis Garrel je ne sais pas, il est en tout cas moins lisse que Melvil mais physiquement il ne dégage aucune féminité.


    Moi j'aurais kiffé Johan Libéreau ou Jérémie Elkaïm (mais surtout Johan à vrai dire).


     

    RépondreSupprimer
  2. Oh, déjà un nouveau film? Pas entendu parler, donc il ne passera pas ici... :-( Mais bon, je me débrouillerai, comme toujours. Il me tente bien, ce réalisateur m'intrigue (même si j'avais
    beaucoup moi aimé "Les amours imaginaires").

    RépondreSupprimer
  3. Poupaud est le mec parfait pour le rôle. Avec Garrel ça aurait été chiant. Avec Elkaïm, ça aurait été drôle. Avec Libéreau, ça aurait fait prolo.

    RépondreSupprimer
  4. Ouais, m'enfin c'est un léger raccourci de c'qu'ils sont capables de donner tous , ils valent mieux qu'une seule et unique étiquette non ?


    Libéreau est capable de tout jouer, faut juste qu'il s'en donne les moyens le garçon. En cela Rahim est un génie !

    RépondreSupprimer
  5. Il est prévu pour le cycle art et essais de mon cinéma en juillet (je pense)(c'était dans le programme de juillet-août), donc je pourrai le voir! ^_^

    RépondreSupprimer
  6. Louis Garrel est intéressant mais restera à un cinéma dit "d'auteur", moi ça ne me dérange pas mais c'est souvent taxé d'intello et chiant. J'espère que tu l'as vu dans Innocents - The Dreamers
    avec les 2 autres bombes Eva Green et Michael Pitt.


    Quant à Johan il est très éclectique dans ses choix, il stagne un peu c'est vrai mais il a un putain de potentiel (ce mec n'a jamais pris aucun cours, il a été reperé dans le métro en draguant
    une nana exactement comme Stanislas Merhar tiens d'ailleurs, ça m'fait penser). A voir dans Douches Froides avec Salomé Stévenin et Pierre Perrier.

    RépondreSupprimer
  7. Nan, je rêve pas de Louis Garrel ! le sort m'en préserve. Melvil par contre, je le croquerais bien avec ou sans jupe

    RépondreSupprimer
  8. Un bon film mais surtout une actrice qui supplante et le film et son partenaire !! Suzanne Clément est éblouissante dans cette reconstitution des nineties

    RépondreSupprimer
  9. Oh, tu aurais trouvé le film trop long ? Je n'ai vraiment pas vu le temps passer pour ma part. J'ai beaucoup aimé notamment toutes ces scènes immersives portées par la bande son et/ou les regards
    des personnages et auxquelles on n'assiste qu'en partie, au ralenti, mais qui véhiculent à chaque fois tellement d'émotion(s)...

    RépondreSupprimer
  10. Très bon film, une fois de plus le jeune Dolan impressionne. Malgré tout je lui préfère "Les amours imaginaires", dans ce dernier il offre un film plus accessible comme s'il avait céder sur
    quelques choix notamment sur un transgenre au final trop "sage"... 3/4

    RépondreSupprimer
  11. Mettant mes a priori négatifs sur Dolan sous le boisseau de ma curiosité, je suis allé à la rencontre de cette Laurence d'Acadie. Eh bien c'est pas encore elle qui va me réconcilier avec Xavier :
    film interminable constitué de séquences à la stylisation prétentieuse honteusement pompées à la source des plus grands cinéastes, le film n'est finalement sauvé que par son sujet et ses
    interprètes. Pour une fois, Dolan s'efface de l'objectif pour offrir à Melvil Poupaud un rôle majeur, à Suzanne Clément l'occasion de faire exploser son talent et à Nathalie Baye celle de
    confirmer qu'elle est l'une des plus grandes actrices françaises actuellement.

    RépondreSupprimer
  12. bouh, que d'ondes négatives à l'égard de ce pauvre xav'... :'(

    RépondreSupprimer