dimanche 13 mai 2012

[Critique] Red State, de Kevin Smith






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(Etats-Unis, 2011)




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S’étant visiblement fourvoyé en se lançant dans la grosse production hollywoodienne (son dernier film, « Top Cops », a très largement été décrié par le public), Kevin Smith revient avec
« Red State » à un budget plus modeste et à un cachet artistique estampillé plus « indépendant », comme au bon vieux temps de son premier film « Clerks », très vite
érigé en phénomène culte !



« Red State » fait vraiment plaisir à voir, autant dans sa forme que dans son propos. On se laisse impressionner d’abord par le caractère parfaitement jour du saigneurinclassable du film, oscillant entre le gore et le polar, l’action et la critique socio-politique, la pochade adolescente et la comédie noire bien
grinçante, sans oublier une brève incursion dans du simili-fantastique juste un peu avant l’ultime conclusion… Il faut dire que Smith ose toutes les ruptures de ton, au risque parfois de perdre
ou en tout cas déstabiliser son spectateur, et se permet d’emboîter plusieurs concepts les uns aux autres au fur et à mesure que se déroule son film : on démarre façon « American
Pie » avec trois ados qui partent rejoindre une fille leur ayant promis un plan à quatre sur internet, on continue au sein d’une Eglise de fous furieux intégristes qui assassinent
sauvagement les homosexuels et les « pervers sexuels » après les avoir crucifié pour garantir le spectacle à leurs « fidèles », et on se termine avec un assaut de la police
symptomatique de la folie et des dérives sécuritaires qui ont fleuri aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001… Ca pourrait sembler casse-gueule a priori et ça se révèle pourtant éminemment
original et stimulant ! Comme si le réalisateur se complaisait à nous surprendre constamment, en sacrifiant par exemple très brutalement des personnages qu’il nous avait laissé supposer être
les héros peu de temps auparavant…



Le style déjanté et constamment à contre-courant de l’ensemble, alternant parfois de longs dialogues savamment écrits et de courtes séquences soudainement ultra-violentes, rappellent pour
beaucoup le cinéma de Quentin Tarantino, que Smith admire visiblement beaucoup. L’humour noir et cynique qui fait souvent dérailler le film pour notre plus grand plaisir multiplie notamment les
séquences cultes : la scène où l’un des trois ados s’enfuit sans le moindre plan de l’Eglise possède une chute hilarante mais amère (il est descendu par les autorités qui attendent devant la
maison) et l’incertitude qui règne lorsque retentissent les sirènes de l’Apocalypse à la fin confère un instant de flottement ironique, dont l’explication se révèlera bien plus drôle encore…



Si « Red State » souffre de quelques ralentissements de rythme et de quelques maladresses dans sa mise en scène, on le lui pardonne pourtant aisément tant ce qu’il propose offre une
vraie folie et des audaces à foison ! Le talent des acteurs n’est d’ailleurs pas complètement étranger à la force et à la surprise qui émanent de certaines séquences : si les jeunes
comédiens sont plutôt sympathiques, l’acteur Michael Parks (habitué des films de Tarantino, justement) est terrifiant dans la peau du gourou extrémiste et John Goodman se révèle comme toujours
formidable dans le rôle partagé entre le bien et mal du chef de l’assaut policier !



Mais outre sa forme hors norme, qui associe « Red State » à un puissant « film de genres » (j’insiste sur le « s » à « genres »), son discours
ultra-critique et véritablement incorrect politiquement l’affuble d’une aura idéologique génialissime ! Car si le fanatisme religieux est bien sûr visé ici en priorité, Kevin Smith propose
en outre une critique très poussée d’un autre fanatisme, peut-être plus dangereux encore : celui du gouvernement américain, capable du pire et usant de méthodes expéditives, s’arrangeant
sans la moindre culpabilité avec la vérité, lorsque celle-ci n’est pas forcément à son avantage… A la fois mordant, incisif et terrifiant !



Index du Jour du Saigneur































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3 commentaires:

  1. Alors comme ça t'y étais toi aussi à Red State ? On s'est raté cette fois ! Vraiment fou ce film, c'est bien vrai ;)

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  2. Noooon, je n'étais pas à la soirée Troma !!! Ca devait être quelque chose oui ^_^


    Je te préviendrais la prochaine fois que j'irai ! ;)

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  3. Non, je n'y étais pas. J'aurais pu, j'étais tenté, mais finalement je suis allé voir le nouveau Gondry au Forum des Images à la place^^

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