samedi 14 avril 2012

[Critique] Le policier, de Nadav Lapid



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(Israël, 2011)



Sortie le 28 mars 2012




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« Vas-y, on n’est pas des pédés ! Nous, on est des policiers ! » C’est un peu l’état d’esprit de Yaron et de ses amis, un groupe de policiers luttant contre le terrorisme en Israël, exultant la
virilité et la puissance physique… Pourtant, quand on les regarde comme ça, tous ces beaux garçons passant leur temps ensemble à faire du sport, s’entraîner ou à faire la fête, on est en droit de
se poser des questions quant à leurs démonstrations chaleureuses constantes façon « fraternité ». Le point d’orgue de cette ambiguïté sexuelle est probablement atteint lors d’une fête chez l’un
d’eux, où chacun présente sa petite amie aux autres, mais reste plus à même à enlacer chaudement ses potes en tripotant leurs muscles pour leur dire bonjour qu’à saluer leurs compagnes
respectives, à qui l’on donne simplement une bise discrète… Un jeu sur une imagerie homosexuelle codée dans un pays où certaines mœurs doivent restées discrètes et cachées ?

Mais cette exaltation hyper masculine de jeunes hommes dont la vie repose sur une succession probable de frustrations (Yaron est sur le point de devenir père, mais cela ne l’empêche pourtant pas
de draguer une jeune serveuse même pas majeure…) se révèle finalement le rouage d’un nationalisme exacerbé : l’équipe de policier est convaincue d’agir pour le bien de sa patrie, prêt à risquer
sa vie pour elle… Une assimilation entre la bite et le fusil, dans le fond, le gagnant étant toujours celui qui sort le plus gros engin devant ses potes !

Le film est alors coupé en son milieu pour s’intéresser à un autre groupe : de jeunes bourgeois qui veulent réveiller l’opinion publique sur la lutte des classes en kidnappant des milliardaires
et en convoquant la télévision pour rappeler l’inégalité dans la répartition des richesses… Mais leur discours, aussi révolutionnaire que violent, n’a aucune chance d’être entendu dans une
société où le contrôle de l’opinion domine : plutôt que la télévision, c’est l’équipe de Yaron qu’on leur envoie, avec pour mission de les neutraliser par la force… Tout cela finira forcément mal
et le film impressionne par sa mise en scène d’une violence sourde et comme à chaque fois étouffée visuellement : est-ce un choix formel délibéré ou une question de budget, force est de constater
pourtant que chaque scène de violence est rendue invisible, soit par un éloignement de la caméra (une exécution dans une voiture a lieu en plan large, mettant la voiture à distance), soit par un
écran carrément noir (l’assaut final a lieu dans le noir total et le cinéaste ne nous révèle que les conséquences meurtrières de l’action, une fois les lumières rallumées). Une prise de
conscience a peut-être finalement lieu chez Yaron, mais le film demeure en suspension à ce sujet : l’un de ses potes, qui avait déjà tué avant, déclare à Yaron qu’ils appartiennent désormais au
même groupe, Yaron ayant tué ici pour la première fois… Reste seulement à définir cette notion d’appartenance : vont-ils enfin vivre leur homosexualité à visage découvert ? Comprennent-ils plus
sûrement la violence sourde qui habitent la société qu’ils sont censés défendre sans se poser de questions ? La réponse demeure en suspens…































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