[Critique] Télé Gaucho, de Michel Leclerc

(France, 2011)

Sortie le 12 décembre 2012

Avec « Télé Gaucho », Michel Leclerc retrace une partie de son propre parcours : les années qu’il passa entre 1995 et 2000 dans l’équipe d’une chaîne de télé associative qui s’appelait alors «
Télé Bocal ». Bien sûr, son film est une fiction, mais il tenait à y reprendre tout l’esprit de groupe et de solidarité,
entre anarchie et provocation, qui se trouvait contenu dans le projet d’une « télévision de proximité entièrement libre », toujours prête à relayer les mouvements sociaux et à s’opposer au
conformisme marchand des grandes chaînes nationales ! Et autant dire que cet esprit là inonde complètement « Télé Gaucho »…

Comme dans son précédent film (l’irrésistible « Le nom des gens »), le ton
demeure ici très festif et bon enfant. Cette comédie de gauche pas maladroite pour un sous (bon, il fallait faire ce genre de blague à un endroit, alors voilà, comme ça, c’est fait !) reste
d’ailleurs une franche réussite ! Le côté un peu bordélique est en parfaite adéquation avec le quotidien de cette bande de gens à la fois très différents mais pourtant tous unis pour épouser une
même cause et un même idéal de vie collective et solidaire… La description de leur quotidien demeure d’ailleurs honnête et joyeusement imparfaite, avec ce qu’il faut de clashs et de tensions !
Michel Leclerc réunit un casting magnifique pour incarner autant de figures éclatantes de son univers : on retrouve l’hilarante Sara Forestier dans un rôle aussi euphorique que dans « Le nom des gens » (mais avec une dimension plus fragile qui la rend éminemment
émouvante…), le très à l’aise Eric Elmosnino (que l’on avait tant aimé dans le « Gainsbourg » de Sfar !), l’explosive Maïwenn (dans un rôle de féministe
hystérique qui lui va à merveille) et même la formidable Emmanuelle Béart, qui incarne un personnage plus ambigu qu’il n’y paraît au premier abord… Le petit Félix Moati (fils de Serge) fait
figure de jeune premier dans ce joyeux repère d’agités, et il s’en tire remarquablement bien à travers son jeu tout en douceur et en fausse naïveté !

Bien sûr, la dimension politique de « Télé Gaucho », au titre plutôt évocateur tout de même, n’échappera à personne… et sous le vernis de la comédie pleine d’humanité que le film exalte, craquèle
un univers de doux rebelles, une parenthèse utopique dans le vie de personnages qui se laissent enfin guider par leurs convictions ! C’est avec fougue que le long métrage parle droits de l’homme,
lutte contre la domination des gros médias, soutien aux minorités, rébellion contre la logique libérale… et ça fait rudement du bien ! Le passage de la troupe au CSA pour réclamer une
autorisation d’émettre plus largement fait froid dans le dos lorsque les responsables répondent « annonceurs » à leur projet de « pluralité d’opinions », mais le tout est traité avec tellement
d’humour que l’on en ressort toujours avec la gniak et le sourire aux lèvres ! Et puis « Télé Gaucho » sait aussi se faire plus subtil quand il s’attache à la psychologie propre à chaque
personnage : des motivations ou des opportunités qui rentrent parfois en totale contradiction avec ses convictions, il y en a à foison dans la tête de nos gentils héros, qui se retrouvent bien
souvent seuls face à leur conscience… Les individualismes doivent-ils toujours avoir le dessus sur le collectif, c’est ce à quoi Michel Leclerc a l’intelligence de ne pas véritablement répondre
avec ce film plein de vie et d’énergie !

Perspective :

- Le nom des gens, de Michel Leclerc