mardi 8 novembre 2011

[Critique] L’exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller



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L’exercice de l’Etat, de Pierre Schoeller (France, 2011)



Sortie le 26 octobre 2011



Note :
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« L’exercice de l’Etat », Pierre Schoeller le décortique avec une acuité époustouflante à travers ce film qui suit au plus près le parcours fictif d’un ministre des transports dans la France
d’aujourd’hui. On est très vite impressionné par tous les enjeux dramatiques, politiques, idéologiques, qui se dégagent de cette description passionnante et terrifiante des arcanes du pouvoir… Et
même si les notions de gauche et de droite ne sont pas explicites dans les discours des différents membres du gouvernement évoqués, on se doute bien que les enjeux d’un Etat qui privatise à tout
va ne sont pas spécialement très sociaux… On assiste aux petits arrangements, aux multiples chamailleries et tirs dans les pattes que chacun provoque ou subit : c’est la querelle des egos des
gens de « pouvoir », pour qui garder sa place ou accéder à de plus hautes fonctions encore priment sur tout le reste, à commencer sur les intérêts de la nation et de ses citoyens…

Mais en plus de délivrer un message fort, Pierre Schoeller n’en réalise pas moins un grand film de cinéma ! La mise en scène y est exemplaire et d’une cohérence formelle inouïe d’un bout à
l’autre du long métrage… On est bluffé en particulier sur la question du rythme, qui reste constamment soutenu et palpitant ! Cela tient en partie par cette façon dont la caméra colle aux basques
de son personnage principal, le ministre Bertrand Saint-Jean, incarné par un Olivier Gourmet monumental et imposant, véritable animal politique à l’œuvre… Il est de tous les plans, que ce soit
filmé caméra à l’épaule, dans la frénésie de l’instant, quand il évolue à l’extérieur ou dans la foule de gens qui l’entourent, ou en gros plans, comme pour le cerner mieux, lorsqu’il se retrouve
si souvent enfermé dans l’habitacle de sa voiture avec chauffeur… Ses trajets en voiture, récurrents, sont d’ailleurs le gimmick du film tout entier : ils lui confèrent sa vitesse, mais
symbolisent aussi la rapidité de l’enchaînement des choses et des évènements dans la vie d’un ministre, où tout se passe dans l’urgence et le chaos le plus total… Le ministre et son équipe
foncent ainsi à toute berzingue sur les routes, métaphore du chemin qu’ils parcourent à grands coups d’accélérateur permanents, jusqu’à cette explosion en pleine course, si l’on peut dire,
lorsque le ministre est victime d’un terrible accident de la route ! La réalisation est ici jouissive et percutante : filmé en caméra subjective, le crash apparaît d’une violence inouïe et se
répercute même jusqu’au cabinet ministériel, où son assistant est emporté par un dernier mouvement circulaire de la caméra… Juste extraordinaire et renversant !

« L’exercice de l’Etat » multiplie en outre les trouvailles et les trucs de mise en scène pour garder sans arrêt le spectateur en haleine : les sms qui s’affichent en transparence sur l’écran,
des décalages opportuns entre les images et la bande son, des scènes oniriques d’une perversité savoureuse, à commencer par une femme nue s’engouffrant dans la gueule d’un crocodile dès
l’ouverture du film… Le pouvoir de sidération du film de Pierre Schoeller est tout bonnement puissant ! « L’exercice de l’Etat » fait ainsi preuve d’une infinie subtilité, tant par sa forme
intelligente et discrète (préférant une certaine finesse à l’esbroufe) que par son fond sur les travers et les problèmes que posent l’exercice du pouvoir dans la France d’aujourd’hui… A méditer à
chaud, une fois encore, à quelques mois des prochaines élections présidentielles…



 



Mise en perspective :



- La conquête, de Xavier Durringer



- L’ordre et la morale, de Mathieu Kassovitz































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6 commentaires:

  1. papa tango charlie8 novembre 2011 à 04:53

    J'ai été bien moins enthousiaste que toi, même si c'est vrai que c'est le genre de film pour lequel je suis bien content de me rendre au ciné. Pas d'accord sur la tenue en haleine, il y a des
    scènes qui m'ont fait complètement décrocher comme celle de la caravane. Enfin bon, je suis parti pris car je préfère nettement Ryan Gosling à Olivier Gourmet (que je n'ai pas du tout aimé) ;p

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  2. Après "Les marches du pouvoir" de Clooney voilà le "jumeau" français... Les vrais bons points : un  ministère de "second plan", pas d'allusions sur des personnages ou partis existants (même
    si on devine gra^ce à une scène de LCI à la TV sur la Grèce par exemple), un casting est excellent avec un duo "Gourmet-Blanc qui atteint des sommets. 3/4

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  3. Comment peut-on ne pas aimer Olivier Gourmet le magnifique ? Olivier Gourmet Président !!!


    Bref le film fait froid dans le dos, on n'a pas vraiment envie d'aller voter après..Demain je me ressaisis et me persuade que c'était un gouvernement de droite...

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  4. Un des meilleurs films des dernières semaines pour moi. Intéressant, passionnant, raffiné, bien fait : il a quasiment toutes les qualités.

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  5. Bien d'accord avec l'ensemble de votre billet, et/mais tout spécialement avec sa conclusion!
    Une petite réserve crprndant: j'ai eu pour ma part l'impression surtout, que, dans CETTE pratique de l'Etat-là, le "politique" est condamné à ne pouvoir exercer une réelle influence (mais juste
    pouvoir se soumettre ou se démettre). Ce serait bien qu'une autre politique puisse se le réapproprier, ce pouvoir... (rôle pédagogique du film?).


    (s) Ta d loi du cine, "squatter" chez Dasola.

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  6. je crois malheureusement que les choses resteront en l'état (et en l'Etat ;) tant que le peuple demeurera aussi docile... aucun grand changement sans révolution... et la révolution ne passe
    jamais par les urnes !

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