vendredi 4 novembre 2011

[Critique DVD] Les chaussons rouges, de Michael Powell et Emeric Pressburger



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  Les chaussons rouges, de Michael Powell et Emeric Pressburger (Grande-Bretagne, 1948)



Sortie en DVD et Blu-Ray le 9 novembre 2011 chez Carlotta Films



Note :
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Avant même de le voir, « Les chaussons rouges » revêt une aura mythique ! On dit que Scorsese, Spielberg, Coppola ou encore DePalma ont déclaré un jour que leur envie de faire du cinéma n’aurait
pas été aussi définitive sans ce film là… Pour Martin Scorsese, il s’agit même du « plus beau film en Technicolor : une vision jamais égalée ». Mieux encore, les producteurs du film avaient
d’abord décidé de ne jamais le sortir tellement ils ne l’avaient pas aimé. C’est William Heinmann, dirigeant d’un petit cinéma de New York et emballé par le film, qui décide d’en obtenir les
droits pour le sortir aux Etats-Unis. Le succès est tellement retentissant que le film sortira finalement en Angleterre…

Mais au fond, de quoi parle ce « merveilleux » film ? Il raconte la vie d’une troupe de ballet, celle du célèbre et admiré Boris Lermontov. Il y engage justement deux nouvelles recrues
talentueuses : la jeune danseuse Victoria Page et le jeune compositeur Julian Craster. Tous les deux sont si doués qu’il leur propose très vite d’adapter en ballet « Les souliers rouges », le
fameux conte d’Hans Christian Andersen, où une jeune fille convoite des chaussons de danse rouge qui la mèneront à sa perte, ceux-ci l’obligeant à danser jusqu’à en mourir d’épuisement… Le ballet
est un succès, tout comme tous ceux qui suivront. Mais lorsque Lermontov apprend la liaison entre Victoria et Julian, sa jalousie va faire des ravages ! Sauf que cette jalousie n’est pas celle
que l’on pourrait croire : ce n’est pas un désir de chair pour Victoria qui le pousse, mais le désir d’un travail rigoureux et parfait, d’un travail pur et absolu, d’une exigence démesurée, dans
lequel l’amour n’a aucune place. Pour lui, tout doit être fait pour l’art, même si cela doit passer par un grand sacrifice de soi ! C’est ce terrible dilemme que ne supportera plus Victoria à la
fin du film, décidant d’en finir avec la vie plutôt que de choisir entre son amour pour Julian et sa passion pour la danse, c’est à dire son travail…

Etrangement, en assistant aux turpitudes du jeune couple devant le directeur de ballet, aux hésitations déchirantes de Victoria, c’est un peu comme si le conte d’Andersen prenait vie sous nos
yeux et s’incarnait à travers les personnages… La vanité d’un travail parfait poussera finalement Victoria à renoncer à la vie, dans tous les sens du terme : vie affective tout d’abord, et vie
tout court, finalement… Sa façon de se donner la mort est à ce titre absolument extraordinaire, la séquence bénéficiant d’une mise en scène grandiose et hautement symbolique ! Comme dans le
conte, les chaussons de la danseuse donnent l’impression de prendre vie et de la commander en la dirigeant au bas des marches d’un grand escalier, jusqu’au plongeon final sur la voie ferrée,
alors même qu’un énorme train à vapeur passe… Le rythme, le découpage, les gros plans sur les chaussons, l’accélération visuelle sont à couper le souffle, proposant un pur moment de cinéma !

Evoluant dans le milieu de la musique et de la danse, « Les chaussons rouges » n’est pas tout à fait une comédie musicale, mais y confine assez volontairement… Notamment au cours d’une séquence
de ballet un peu folle et incroyable, l’un de ces moments de bravoure invraisemblables, que l’on ne rencontre que rarement au cinéma. Durant près de vingt minutes, on assiste à l’adaptation
dansée de l’histoire d’Andersen : ce n’est alors pas seulement un magnifique moment de danse et d’orchestration musicale qui nous est donné à voir, mais aussi et peut-être surtout une sublime
leçon de cinéma ! Michael Powell et Emeric Pressburger y insufflent en effet une telle énergie et une telle précision que tout y est admirable : la mise en scène y est d’une variété et d’une
puissance folle, les effets spéciaux et les prouesses techniques s’y enchaînent à une vitesse frénétique… On est emporté dans un océan de beauté et de poésie, dans un univers « merveilleux » et
onirique à la richesse chromatique sublimée par le Technicolor… A la fin du film, on assistera à un extrait du même ballet, mais cette fois-ci sans la danseuse, pour rendre hommage à celle-ci,
décédée juste avant de remonter sur scène : le faisceau de lumière suit sur la scène l’absence de corps qui ne danse plus, dans un dernier éclat mélancolique d’un film d’une beauté rare… et
probablement éternelle !



 



En DVD :



L'édition double DVD collector que Carlotta propose du film comprend un ensemble de bonus assez exceptionnels : un documentaire sur la genèse du projet et la réception du film, un autre sur les
perspectives offertes par le thème du ballet dans le film, ainsi qu'une rencontre avec Thelma Schoonmaker (épouse de Michael Powell) et une explication très chic de la superbe restauration du
film par Martin Scorsese en personne !



 



Disponible chez Carlotta































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6 commentaires:

  1. Ah ça fait des lustres que je dois le voir ce film,je ne sais pas pourquoi j'avais une appréhension...


    La société Carlotta t'a offert le DVD ?

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  2. Ben oui si tu me le prêtais, je pourrais le voir et publier un commentaire plus inspiré.

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  3. Superbe film en effet ! Pour moi, sa réincarnation est "Black Swan", et le parallèle entre les deux est passionnant.


    Par contre, attention au spoiler : il y a encore des gens qui découvrent ce film plus de 60 ans après sa sortie, et n'ont pas envie de lire le sort de la danseuse au détour d'une critique... Je
    suis très sensible aux spoilers depuis qu'un affreux critique m'a volé la surprise de "Usual Suspects" en révélant l'identité de Keiser Soze.

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  4. Certes, je comprends parfaitement ton point de vue ! :) C'est pour cela que je ne lis jamais la totalité des critiques du NYTimes avant de voir un film.


    Quand tu parles de la fin d'un film, je suggèrerais juste que tu mettes un petit disclaimer en haut de ton article, mettant en garde le lecteur qu'un élément clé du dénouement va être dévoilé !

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  5. suggestion prise en compte, je vais essayer d'y penser un peu... ;)

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