dimanche 20 novembre 2011

[Critique] Délivrance, de John Boorman


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Délivrance, de John Boorman (Etats-Unis, 1972)



Note :
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Quand quatre américains crétins et arrogants s’échappent un week-end de leur civilisation bourgeoise pour descendre en canoë une rivière menacée de disparaître par la construction d’un barrage,
ça donne le film culte de John Boorman, l’un des premiers véritables « survival » de l’histoire du cinéma : « Délivrance ». Le film comporte plusieurs scènes emblématiques qui sont encore
aujourd’hui restées comme des « modèles » du genre, véritables moments d’horreur au réalisme cru, qui terrifient bien plus encore de part leur « vraisemblance » qui les rend parfaitement
possibles…




Le film de Boorman mène tranquillement sa barque pour arriver au fil de l’eau à une passionnante réflexion sur le choc de la nature et de la civilisation. En livrant de parfaits petits clichés de
l’homme moderne, qui croit que ses techniques ou ses lois le protègent de tout, à une nature hostile et sauvage, le cinéaste renverse les rapports de force et démontre que le mythe d’une nature
généreuse et protectrice demeure une pure aberration de l’imaginaire collectif. Avec la présence malsaine des « rednecks », ces êtres arriérés qui peuplent les contrées désolées à travers
lesquels passent les quatre « aventuriers », c’est aussi le mythe du bon sauvage qui se retrouve profondément écorné : le peuple indigène est décrit comme primitif, malveillant et dégénéré…

Même si l’on pourra trouver aujourd’hui le film en partie vieilli et « innocent », notamment à cause de films récents de plus en plus violents dans le domaine du « survival » (ces films
présentant une humanité plongée dans l’horreur d’une nature malveillante à son égard), la fameuse scène de l’humiliation et du viol des américains par les rednecks conservent toujours une
certaine puissance ! Si l’on considère également le duel musical mémorable entre un jeune redneck curieusement inexpressif et un des américains, ainsi que les séquences où les personnages,
impuissants, se retrouvent assaillis en pleine nature par un ennemi invisible, « Délivrance » semble nous décrire en fin de compte la supériorité définitive de la nature sur une civilisation
fragile et arrogante, qui finit de toute façon toujours par s’effacer dès qu’elle est confrontée à la brutalité de l’état sauvage…

Mais là où le film se fait plus pertinent encore, c’est dans l’ambiguïté qu’il impose au message qu’il délivre à son spectateur. Car en effet, qui sont vraiment les victimes et les bourreaux dans
cette histoire ? Si les sauvages commencent à s’en prendre aux américains, ce n’est pourtant pas faute de les avoir averti auparavant de ne pas descendre la rivière… Sans compter que le premier
meurtre est commis par le groupe symbole de la « civilisation » ! Impossible alors de savoir qui a tort et qui a raison : nature et civilisation sont simplement renvoyées l’une et l’autre dos à
dos, comme définitivement irréconciliables, avec pourtant une certitude terrifiante sur la frontière sensible et poreuse qui les sépare… L’homme moderne confronté à la nature peut très vite
retomber lui-même dans la barbarie de laquelle il se croyait définitivement extirpé, persuadé de certitudes idiotes et illusoires...



 



Mise en perspective :



- Insane (Storm warning), de Jamie Blanks



- Territoires, d’Olivier Abbou



 



Dans les précédents jours du Saigneur...































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