mardi 25 octobre 2011

[Critique] Metropolis, de Fritz Lang (Allemagne, 1927)



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Metropolis, de Fritz Lang (Allemagne, 1927-2010)



Note :
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Neuf mois de tournage, 36 000 figurants, un budget d’environ 30 millions d’euros (5 millions de marks de l’époque) : « Metropolis » était déjà en son temps un projet colossal et impressionnant !
Le flop retentissant qu’il fut à sa sortie en 1927 fut l’une des causes des multiples coupes et remontages que dû subir le film au cours des décennies… Cette énième version restaurée de 2h33
(alors que le film durait encore 1h20 dans les années 80 !) semble être la plus proche de celle de l’œuvre originale de Fritz Lang… jusqu’à ce que l’on retrouve une nouvelle copie perdue au fin
fond du désert australien ou de la banquise arctique, bien entendu !

Film ancré dans l’expressionnisme allemand, muet et en noir et blanc, « Metropolis » marque d’emblée par sa puissance visuelle… Très en avance sur son temps, devenu « culte » au fil des années et
de ses diverses ressorties, on est en effet très vite subjugué par le pouvoir évocateur de toutes ces images qui défilent et que l’on se prend en pleine face ! Au détour de certaines scènes ou de
certains plans, d’effets spéciaux et de prouesses techniques remarquables, on est parfois tenté de penser que Lang avait déjà tout inventé du cinéma qui nous accompagne encore aujourd’hui… On est
même troublé par la modernité de l’affichage du titre du film au début (digne d’un générique de Saul Bass !) ou même par la façon dont certains cartons se présentent (écriture en forme de
pyramide ou imitant la descente dans les profondeurs suburbaines).

Rien de surprenant, donc, de retrouver à rebours dans « Metropolis » toutes les visions emblématiques qui nous ont marqué dans le cinéma plus contemporain et proche de nous… Les plans de la ville
futuriste de Metropolis, justement, n’ont rien à envier à ceux de « Blade Runner » ou du « Cinquième élément ». On retrouve dans le chef-d’œuvre de Lang les voitures volantes de « Retour vers le
futur 2 » ou même l’androïde C3PO de « Star Wars » ! Quelques images horrifiques rappellent même l’univers des films d’épouvante : des mains qui se dresse façon morts vivants à la Romero ou la
grande faucheuse elle-même surgissant dans les fantasmes prophétiques des personnages…

Mais le film ne se cantonne pas à sa force iconographique, puisque l’histoire de « Metropolis » est elle aussi capitale dans la construction du cinéma moderne. Elle reprend d’ailleurs plusieurs
thèmes qui parcourront par la suite tout le cinéma de science-fiction, jusqu’aux films les plus récents sur le sujet ! L’asservissement de l’homme à la machine, notamment, est illustré avec un
incroyable pessimisme, tout le contraire de ce qu’en fera par exemple un peu plus tard Charlot dans « Les temps modernes », prenant plutôt le parti d’en rire… Ici, les ouvriers se font
littéralement dévorer par une machine infernale dans une vision onirique terrifiante !

Les rapports sociaux décrits dans « Metropolis » en font d’autre part une puissante fable politique : l’univers présenté dans le film est fatalement pyramidal, avec les riches jouissant au sommet
et les pauvres misérables travaillant laborieusement dans la crasse et l’obscurité des profondeurs souterraines… Heureusement, l’histoire d’amour entre un fils de bonne famille et une pouilleuse
des bas-fonds vient modérer un peu la noirceur d’ensemble. La phrase gimmick du film est d’ailleurs pleine d’espoir : "Le médiateur entre le cerveau et les mains doit être le cœur"… Et même si
Lang a toujours renié la fin de son film (il dira notamment "je n'aime pas Metropolis, […] la conclusion est fausse, je ne l'acceptais déjà pas quand je réalisais le film" dans « Les Cahiers du
cinéma » de septembre 1959), cet optimisme discret nous rappelle malgré tout que l’homme n’est peut-être pas toujours complètement mauvais…



 



Mise en perspective :



- Exposition "Metropolis" à la Cinémathèque française du 19 octobre 2011 au 29 janvier 2012



- La Saga "Star Wars" selon Phil Siné



- Retour vers le futur, de Robert Zemeckis (Etats-Unis, 1985)































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5 commentaires:

  1. J'en avais découvert une version plus courte (2h33 aujourd'hui ??).


    Il est vrai que Lang apparait ici comme un impressionnant visionnaire. Le cinéma a beau être jeune, il est des génies qui sont parvenus avec une fulgurance rapidité à faire évoluer la forme
    artistique. Une découverte assurément déprimante pour les cinéastes contemporains d'anticipation et de science-fiction ;) .

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  2. Quel visionnaire ce Fritz Lang! Metropolis, un des chefs d'oeuvre de l'expressionnisme allemand, recèle en lui beaucoup d'éléments réutilisés dans des films plus récents: la vision de la ville
    trépidante du "Cinquième élément" fait écho à la "ville haute"; ce cher C3PO de Star Wars nous rappelle l'androïde auquel Rotwang donne vie. La veine politique est également très présente dans ce
    film... A quand la prochaine copie découverte je ne sais où et la nouvelle version intégrale restaurée???

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  3. C'est vrai que la découverte de Metropolis avait été un sacré choc pour moi aussi. Il possède une évidente modernité. Finalement ce n'est pas pour rien qu'il a autant influencer le
    cinéma de SF, car ne serait-ce pas le meilleur film de SF, pour être toujours autant visionnaire 85 ans plus tard ?

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  4. carrément ! c'est vrai que 2h30 avec une image plus ou moins aléatoire, c'est parfois un peu long... mais c'est impressionnant de constater que cette vision du futur qui a presque un siècle est
    quasiment la même que celle que nous en avons encore aujourd'hui !

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