mardi 27 septembre 2011

[Critique] Restless, de Gus Van Sant



restless.jpg



Restless, de Gus Van Sant (Etats-Unis, 2011)



Sortie le 21 septembre 2011



Note :
star.gif

star.gif

star.gif




Jamais la mort comme pulsion de vie n’avait été aussi bien montrée à l’écran que dans la série décédée « Six feet under ». A travers ses films, pour la
plupart hantés par la mort, Gus Van Sant est souvent parvenu à un résultat similaire, mais jamais aussi bien que dans ce « Restless », qui évoque à travers deux personnages somptueux la
conscience de la préciosité de la vie devant la certitude de la mort qui arrive…

Annabel et Enoch sont deux êtres complémentaires face à la grande faucheuse : l’une, atteinte d’un cancer, sait qu’elle va mourir bientôt, quand l’autre, sortant du coma et faisant face à la mort
de ses parents à qui il n’a pas pu dire adieu, semble tout juste revenir d’entre les morts, encore hanté d’ailleurs par le fantôme d’un jeune kamikaze japonais… Leur rencontre évoque bien sûr le
superbe film « Harold et Maude » de Hal Ashby : fascinés par la mort qu’ils attendent ou qu’ils rejettent, ils assistent aux enterrements d’anonymes où ils finissent pas se croiser. Annabel
semble y préparer le sien, alors qu’Enoch tente d’y accomplir le deuil que la vie lui a refusé…

Si la mise en scène de « Restless » se montre a priori classique et simple, elle n’en demeure pourtant pas moins belle, douce et précise… Elle s’impose au fond comme le révélateur des émotions de
ses personnages, dont les sentiments transfigurent l’écran avec une grâce et une légèreté admirable : jamais appuyé, le mélodrame est toujours juste et à hauteur d’homme. Pas de pathos à
outrance, juste une infinie tendresse, qui rend l’émotion encore plus vraie, plus pure et en fin de compte plus bouleversante… Ainsi, si le cinéaste se révèle ici moins ambitieux sur la forme
qu’avec des films comme « Elephant » ou « Paranoïd Park », il se rattrape indubitablement sur le fond, imposant toujours son admirable acuité à saisir avec force et justesse les gouffres et les
abîmes de l’adolescence…

Il faut dire que GVS se fie beaucoup à ses deux acteurs pour trouver le ton juste et l’émotion vraie… Et il a pleinement raison, car Henry Hopper (fils de Dennis…) et Mia Wasikowska ont une
beauté et une douceur parfaite pour incarner ces personnages uniques. Ils ont également ce charme de corps presque androgynes, qui les rend presque interchangeables l’un et l’autre : comme deux
anges, ils semblent déjà loin des choses terrestres ou d’une sexualité imposée par le genre… Leur histoire d’amour est autant unique que définitive, et ne ressemble à aucune autre : scellée par
le tragique dès ses premiers émois, elle fait la synthèse en un éclair entre l’innocence qui se dégage des corps juvéniles des acteurs et la gravité propre à la conscience de la mort à venir et
par là même de la fin de cette relation éclatante… Le couple qu’ils forment tous les deux est extrêmement touchant et va au-delà du seul amour adolescent : cette affection partagée à travers une
même conscience de la morbidité du monde qui les entoure ne peut que les unir l’un à l’autre pour toujours… même après la mort ! C’est sans doute d’ailleurs le sens de ce merveilleux et lumineux
sourire qu’arbore Enoch à l’enterrement d’Annabel dans le dernier plan du film : il repense au meilleur de cet amour qui l’a ramené à la vie au cours des derniers mois et sait que ce sont ces
souvenirs qui le porteront désormais en ce monde. Un sourire qui montre le triomphe de la vie dans un monde hanté par la mort, en somme : « Restless », sous ses airs de petit film innocent et
mignon, se révèle finalement comme l’un des films les plus bouleversants et justes sur la vie, l’amour et la mort, qu’il ait été donné de voir depuis bien longtemps…































  • Plus










18 commentaires:

  1. J'ai très envie de le voir, mais il ne se décide pas à sortir ici. S'il est encore au ciné où je vais en France cette semaine, j'irai le voir vendredi normalement... Tu m'as encore plus donné
    envie en tout cas.

    RépondreSupprimer
  2. Yep! On est bien d'accord et je te rejoins sur le sourire final. Une oeuvre essentielle.

    RépondreSupprimer
  3. Bon, je n'ai pas encore vu le film donc j'ai lu ta critique en diagonale. Ca donne tout de même bien envie d'y aller ... Bonne semaine. Marco.

    RépondreSupprimer
  4. J'en sors, et je suis entièrement d'accord avec ta critique, ce fut un très bon et beau moment pour moi !

    RépondreSupprimer
  5. Brillant, tout à fait. D'une subtilité rare et d'une douceur qui n'a d'égale que la profondeur de son propos. Excellent.

    RépondreSupprimer
  6. Moi aussi, mon petit coeur praliné a chaviré pour cette sonate d'automne. "un grand film mineur" titraient certains... pff, n'importe quoi.

    RépondreSupprimer
  7. moi aussi j'ai vu et beaucoup aimé ce film et j'en parle ici :http://www.baz-art.org/archives/2011/09/21/22056329.html

    RépondreSupprimer
  8. Pas d'accord. Cette histoire devrait être tragique et passionnante, elle est plutôt fade et impersonnelle. La faute à un scénario cousu de fil blanc, à des personnages convenus, à des situations
    rebattues. On n’est pas si surpris quand on apprend que Ron Howard est à la production. Mais on est très déçus. Ma critique :
    http://tedsifflera3fois.com/2011/09/29/restless-critique/

    RépondreSupprimer
  9. Van Sant réussit à installer son histoire avec intelligence et subtilité. Les deux interprètes restent avant tout le bonus premier du film tant ils sont charmants et forment un couple en osmose.
    Cependant on reste déçu surtout parce qu'au final le réalisateur ne va pas au fond des choses et notamment dans le morbide (à la base du personnage quand même). Ce film reste un magnifique poème
    filmé avec un couple angélique comme symbole de l'amour éphémère. Beau et triste mais trop en surface. 2/4

    RépondreSupprimer
  10. J'ai été plutôt déçu par ce film. En revanche, je suis complètement amoureux de l'affiche.


    Quant à Louise Bourgoin je ne l'aime guère non plus mais ça ne m'a pas empêché de plutôt apprécié le film et sa prestation.

    RépondreSupprimer
  11. J'en parle ce soir ou demain, je l'ai vu vendredi dernier. Bien aimé, même si pas adoré.

    RépondreSupprimer
  12. Comme toi j'ai adoré le film, mais tu viens de m'ouvrir les yeux sur quelque chose qui ne m'avait pas frappé (et je me demande maintenant comment j'ai pu passer à côté !) , les rôles
    interchangables par leur androgynie. Des anges, j'aime beaucoup cette idée !

    RépondreSupprimer
  13. Si c'est plus fin, je suis passé à côté ;) Personnellement, je n'ai pas vu grand chose d'original à cette romance. Je suis resté en surface certes, mais je n'ai pas vu comment entrer dans cette
    histoire faite à mon sens de lieux communs...

    RépondreSupprimer
  14. J'ai adoré ce film simple et intimiste, d'un optimisme naïf sans tomber dans la mièvrerie.


    L'équilibre émotionnel est superbement dosé, et l'interprétation des comédiens donne l'épaisseur nécessaire. Sans doute pas un film majeur dans la filmo de Van Sant, mais sans doute que est-ce là
    une de ses forces.

    RépondreSupprimer
  15. Merci pour cette critique concise mais très juste, pour moi c'est juste le plus beau film de l'année alors ça fait plaisir de voir que je suis pas le seul à beaucoup l'apprécier.

    A tout hasard, pour ceux qui auraient été conquis comme moi par la chanson finale, vous pouvez l'écouter en tapant "Fearest of the seasons" sur Youtube !

    RépondreSupprimer
  16. merci pour votre témoignage sur ce très beau film en effet, qui figure d'ailleurs dans mon top de 2011 ! ;)

    RépondreSupprimer