samedi 17 septembre 2011

[Critique] Alice, de Jan Svankmajer



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Alice, de Jan Svankmajer (Grande-Bretagne, Allemagne de l’Ouest, Suisse, Tchécoslovaquie, 1988)



Note :
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Si la matière d’« Alice » est directement tirée des livres de Lewis Carroll, le titre original du film (« Neco z Alenky », que l’on pourrait traduire par « Quelque chose d’Alice ») nous rappelle
qu’il s’agit plus d’une inspiration que d’une fidèle adaptation… Pourtant, les choix du réalisateur tchèque le rapproche étonnamment de « l’esprit » de l’œuvre originale, bien plus par exemple
que l’adaptation niaiseuse de Disney ou que la médiocre et récente
version d’un Tim Burton
.

Le film de Svankmajer fascine bien sûr d’abord par sa forme et ses incroyables techniques d’animation « vintage », souvent faites de bric et de broc, dont l’aspect typiquement artisanal, parfois
maladroit, possède un charme fou… Le film ne repose que sur un seul être humain, la jeune interprète du personnage d’Alice, qui évolue dans un univers de créatures étranges, toutes animées image
par image. Ce procédé confère au film un statut très particulier, qui vaudrait presque à lui seul la peine de découvrir cette petite rareté cinéphilique…

Sauf qu’« Alice », c’est beaucoup plus que ça ! Par ses créations uniques et hors norme, le cinéaste transforme le conte de Lewis Carroll en véritable cauchemar éveillé… Il ose d’ailleurs sans
complexe utiliser la cruauté et la violence propres aux contes de fées originels pour orienter son film vers des perspectives quasiment horrifiques, quitte à effrayer plus d’un enfant au passage,
très certainement… On y voit notamment un lapin blanc empaillé dont la « garniture » s’écoule constamment par sa peau décousue comme du sang et dont les dents affûtées claquent avec effroi. Mais
ce n’est pas le pire : des tas de carcasses animales et de squelettes dansants s’animent à l’écran, des scènes au surréalisme souvent dérangeant s’enchaînent à un rythme rapide, qui nous fait
aller de surprises en hallucinations assez incroyables… On pense notamment à ce plancher troué sous lequel évolue des dizaines de chaussettes « empaillées », dont l’une va d’ailleurs hériter de
véritables yeux qu’elle finira par se coudre entièrement ; on pense également à ces constantes transformations des objets ou des décors, dans une drôle d’atmosphère où règne en maître l’absurde
et la répétition, jusqu’aux frontières de la psychiatrie…

Entre surréalisme et psychanalyse (le désir freudien n’est jamais loin), « Alice » nous emporte finalement dans l’onirisme pur, construisant proprement tout le film comme un rêve de la fillette,
avec les dérives et les incohérences que cela suppose, mais surtout les séquences ambiguës, symboles probables de la réalisation du « ça » pulsionnel. Le film nous montre au bout du compte la
représentation des pulsions et des frustrations cachées d’Alice dans son sommeil et demeure peut-être en cela l’adaptation la plus fidèle au roman qu’il n’ait jamais été donnée de voir à ce jour…































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