mardi 19 juillet 2011

[Critique] La plage, de Danny Boyle



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La plage, de Danny Boyle (Etats-Unis, Grande-Bretagne, 1999)



Note :
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Adapté du premier roman d’Alex Garland, « La plage » est une petite fable écologique plutôt maligne, réalisée dans le pur style de Danny Boyle : sous des airs plutôt légers et ludiques, le
cinéaste signe en filigrane une réflexion plus profonde… Il en parle lui-même à propos du texte à l’origine de son film : « Ce livre est une parabole sur la vie moderne et le respect dû à la
nature. Il ne traite pas du primitivisme car ses héros évoluent dans un univers sophistiqué. La violence ne découle pas ici d'une pulsion primaire, mais de stimuli complexes et élaborés, qui nous
conditionnent jusque dans les paradis tropicaux ». Sous le vernis d’un film d’aventures façon « chasse au trésor pour touristes en mal de sensations fortes », « La plage » propose en sus une
réflexion pas si sotte sur les méfaits du tourisme de masse, sur les pulsions les plus sombres de l’homme ou encore sur les difficultés d’une utopie confrontée à sa réalisation… Chocs des
individualités vs acceptation de la vie en communauté, illusion du collectivisme pour une jeunesse hyper individualiste, culte du chef, injustices de certaines décisions pseudo-collectives, etc.
sont ainsi passés en revue au fil d’un film que l’on peut pourtant prendre a priori comme un pur divertissement, débordant de fraîcheur et bien rythmé !

Car il faut bien le remarquer, « La plage » est avant tout un excitant spectacle tourné à l’autre bout du monde, dans le cadre d’une plage de sable fin idyllique, sous un soleil singeant une
forme de paradis terrestre ! La mise en scène de Danny Boyle, comme toujours redoutablement alerte et efficace, d’une énergie incroyable et appuyée par une bande originale « djeun’s » habilement
composée (Blur, Moby, Underworld…), confère au long métrage une forme branchée et léchée, d’un dynamisme parfois vain mais à aucun moment ennuyeux… On se sent bien dans ce déferlement d’images
parfois cartes postales, parfois nouveaux Robinson, qui ne cessent de se renouveler sous nos yeux, notamment à l’aide de « trucs » qu’un cinéaste malin dissémine tout au long de sa narration :
utilisation sublimée de la lumière, alternance des décors (opposition monde urbain / monde sauvage, ou même plage / jungle au sein de l’île…), matérialisation des visions du personnage principal
(de ses cauchemars ou suite à la prise d’un champignon hallucinogène)… La mise en scène suit toujours la course frénétique et incessante de ses héros, apparemment toujours en quête d’autre chose,
allant jusqu’à piétiner l’horizon, et le film prend parfois des allures de jeu vidéo géant, dont le seul but finit par être celui de passer au niveau supérieur : dans une séquence amusante,
DiCaprio se transforme justement en personnage de la Game Boy à laquelle il joue tout le temps…

Les acteurs, justement, parlons-en ! Le casting possède quelque chose d’improbable par son internationalisme, mais demeure parfaitement réjouissant : Virginie Ledoyen et Guillaume Canet sont
mignons comme tout, et Leonardo Dicaprio, bien sûr, explose remarquablement ! Encore un peu à l’étroit dans son corps d’éternel adolescent à la peau lisse et merveilleusement imberbe, il ose
cependant tomber la chemise pour révéler une sublime musculature naissante, que l’on ne cessera de voir croître dans ses films suivants… Il ira même jusqu’à tuer un requin à mains nues au canif,
excusez du peu ! Il est tout à fait excellent d’un bout à l’autre du film, tout spécialement lorsqu’il doit s’isoler des autres membres de la communauté et qu’il sombre peu à peu dans la folie.
L’omniprésence de sa voix off (toujours intelligemment psychologique et jamais bêtement narrative) se fait plus sombre dans ces moments là, nous livrant alors face à nos démons et à nos pulsions
primitives… Il est aussi le symbole fort de cette utopie que Danny Boyle croyait construire en bâtissant ce blockbuster un peu boursouflé que beaucoup ont trop vite démoli… Renonçant à Ewan McGregor au profit de Dicaprio, que les producteurs lui imposaient, le réalisateur a pourtant mis fin à sa
collaboration magique durant ses trois premiers films avec l’acteur écossais : tous les deux sont restés en froid depuis cet acte manqué.

Symboliquement, la plage que recherche avec une carte au trésor les trois personnages au début du film représente le bonheur à atteindre… Sauf qu’elle s’avère surtout symptomatique de son
illusion : une fois trouvée, la plage où l’on est heureux un temps peut très vite se transformer en enfer. Vision presque prophétique du film dans sa toute dernière scène , on retrouve le
personnage de Dicaprio dans un cybercafé : au milieu d’êtres aussi seuls et isolés que lui, noyé dans les individualités, il se retrouve à communiquer par écran interposé… Il reçoit un mail du
personnage de Virginie Ledoyen, qui lui envoie une photo qu’elle a prise sur la plage. Celle-ci représente toute leur communauté en train de sauter en l’air sur la plage, leurs pieds quittant le
sol pour se hisser toujours plus haut. La photo est ainsi le symbole parfait du point culminant du bonheur dans une vie : juste après la prise de vue, on a pu cependant les voir tous reposer les
pieds sur le sol, perdre l’équilibre et s’effondrer dans le sable… Le personnage sourit, persuadé de pouvoir garder cet instant très précis pour toujours : « Si on sait vivre cet instant, il dure
éternellement… »



 



Mise en perspective :



- 127 heures, de Danny Boyle



- Inception, de Christopher Nolan (Etats-Unis, Grande-Bretagne,
2010)



- Les infiltrés, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 2006)



- Shutter Island, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 2010)































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8 commentaires:

  1. La partie jeu vidéo est un cheveu sur la soupe. L'introduction est vraiment trop longue et on a l'impression désagréable que le cinaéaste ne sait pas vraiment où il veut aller. Cependant ce film
    reste une "Auberge espagnole" dans les iles qui crée un certaine ambiance presque malsaine. Bancal et irrégulier mais une histoire qui nous accroche jusqu'au bout. 2/4

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  2. sans aucun doute le pire film de Danny Boyle, justement assassiné par les critiques.

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  3. Mouais... je le trouve surfait, trop bobo, trop fashion, trop superficiel par rapport au roman qui était beaucoup plus prenant.
    Et puis moi qui croyais que ta nouvelle bannière était tirée d'une de tes photos de vacances, je suis tout déçu d'apprendre qu'en fait ce n'est que Léo...

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  4. ça fait longtemps que je l'ai fu, celui-là, mais c'est vrai, un bon souvenir !

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  5. Ben moi, ça fait longtemps que je l'ai fuie cette plage ! Dany m'avait bien plus avec ses histoires de colloc au début de sa carrière, puis m'avait reconquis dans la parenthèse fantastique
    entre "28 jours" et "sunshine", puis à resombré au large des côtes indiennes. Quant à cette plage devenue infréquentable, pfff... non vraiment l'eau de mer chargée à la beuh c'est trop poisseux,
    et ça colle aux pattes.

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  6. Bah non, en effet. Pas très fan de ce ciné sous amphet. A la rigueur, dans le genre, je préfère largement "requiem for a dream".

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  7. J'ai un très bon souvenir de ce film. On y découvre évidemment le grand DiCaprio mais également Guillaume Canet et Virginie Ledoyen. Je me souviens d'ailleurs d'une belle alchimie entre les trois
    acteurs. La scène où Dicaprio se croit dans un jeu vidéo m'avait également marquée. Un bon Dany Boyle !

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  8. oui, je trouve que les critiques avaient été assez injustes avec lui à l'époque...

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