lundi 13 juin 2011

[Critique] Territoires, d’Olivier Abbou



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Territoires, d’Olivier Abbou (France, 2010)



Sortie le 8 juin 2011



Note :
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Parmi les nombreuses tentatives récentes de réalisations françaises dans le domaine du cinéma de genre, on retiendra bien volontiers ces « Territoires » comme une vraie réussite au milieu d’un
ensemble généralement bien médiocre… Il faut dire que pour son premier long métrage, le cinéaste Olivier Abbou met le paquet pour conférer à son film un cachet très largement inspiré de ses
homologues américains : dialogues en anglais, casting international, décor typique de « survival » dans l’Amérique profonde (une forêt à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, peuplée
d’ailleurs par deux redneks 100 % US !), et jusqu’à un titre international choc et efficace : « Territories »… Mais le plus beau, c’est qu’Abbou n’est pas seulement dans le mimétisme
consciencieux de ses modèles, il se permet aussi d’inventer et de surprendre en jouant avec les codes du genre !

Le pitch de base n’a rien de révolutionnaire, mais il n’est pas déplaisant et il se révèle surtout bien traité et rudement bien mis en images : cinq jeunes américains aux origines ethniques
arabes reviennent d’un mariage au Canada et sont arrêtés sur une route à l’approche de la frontière par deux types chelous qui se prétendent policiers… C’est la nuit, tout le monde est fatigué,
et après un contrôle d’identité qui commence à trop durer, les choses finissent par mal tourner : menaces, insultes, arrestation, fouille au corps, molestages policiers abusifs… et « bang ! », un
coup qui part trop vite et c’est l’incident… Mais le cauchemar ne fait que commencer pour les jeunes gens : marqués au fer rouge, ils finissent saucissonnés dans des cages au beau milieu des bois
! Durant cette première demi-heure, on reste bluffé devant la redoutable efficacité de la mise en scène : on sent l’inéluctable montée de la tension et la dégringolade dans l’horreur pure… Mais
attention : pas l’horreur gore à la mode, non ! Plutôt une horreur insidieuse et sournoise, qui s’insinue doucement en vous et vous terrifie en vous laissant simplement prendre la place des
personnages qui prennent littéralement corps à l’écran… La psychologie est grossière mais suffisamment démonstrative pour permettre l’empathie du spectateur.

Et puis « Territoires » prend le risque de bifurquer dans une tout autre direction, en s’intéressant de plus près aux deux bouseux qui tiennent lieu de bourreaux : deux êtres typiques de
l’Amérique très profonde, vivant au fond des bois et laissant libre cours à des mœurs douteuses… Certes, on pourra peut-être regretter que les tortures ne se fassent pas plus atroces au fil du
film (ou que personne ne soit violé sadiquement par exemple, qu’il s’agisse des filles ou même des garçons d’ailleurs, les deux redneks semblant liés par une bien douteuse vie à deux…), mais la
teneur sociologique et politique du film relève assez vite le niveau ! Persuadés qu’ils ont arrêté des terroristes potentiels et qu’il font finalement le bien, cet ignoble couple d’arriérés, qui
se sont d’ailleurs connus lors de la Guerre du Golfe (référence pas bête pour rappeler les origines de la « guerre contre le terrorisme »), renvoient assez directement au climat sursécuritaire et
de paranoïa ambiante qui règne dans la population américaine, spécialement depuis les attentats de septembre 2001. Lorsque l’un des redneks évoque les cages qu’ils mettent autour de leur maison
pour neutraliser les animaux qui rodent, il parle de « protéger son territoire »… Les Etats-Unis deviennent ainsi ces « Territoires » à protéger contre tout individu au teint trop basané, quitte
à créer un simulacre de camp de prisonnier à la Guantanamo, où la loi n’existe plus et la torture est autorisée : le sous-texte idéologique du film devient alors exemplaire et pour le coup
proprement terrifiant ! La sauvagerie de l’être humain l’emporte : c’est plus que jamais ce que dit l’esthétique à la fois brute et rustique du film, ainsi que la fin peu commune et étrangement
réaliste pour un film de genre… Un univers glaçant qui se rapproche parfois d’un certain cinéma d’auteur, à la Haneke par exemple.



 



Mise en perspective :



- Martyrs, de Pascal Laugier (France, Canada, 2008)



- Captifs, de Yann Gozlan (France, 2010)































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4 commentaires:

  1. Après vérification, aucune projection dans aucun cinéma de la métropole lilloise non plus

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  2. Très envie de voir ça et évidemment comme toujours avec l'horreur à la française, aucune projection à Lille...

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  3. Ah oui, c'est à ce point là !!! Les distributeurs, dans ces conditions de sortie purement technique devraient envisager la possibilité d'une VOD parallèle à l'exploitation en salle... ça ne
    serait pas idiot, ne serait ce que pour faire monter le buzz sur ce film globalement très bien reçu par la critique, ce qui est rare dans le genre, en France...

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  4. faudrait légiférer... ça rendrait les choses encore plus compliquées qu'elles ne sont aussi, ça peut etre amusant ;)

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