dimanche 29 mai 2011

[Critique] Triangle, de Christopher Smith


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Triangle, de Christopher Smith (Etats-Unis, 2009)



Sortie DVD et Blu Ray le 14 juin 2011 chez CTV International



Note :
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Avertissement : Chronique enrichie aux spoilers !




"Triangle" commence comme un film assez "bateau", si j'ose dire, en nous présentant l'équipage d'un "voilier" prendre le large innocemment et affronter soudainement une tempête parfaitement
inattendue... Quand, perdus au milieu de l'océan sur la coque renversée de leur épave, ils aperçoivent un paquebot salvateur, on se doute bien qu'ils vont y trouver quelques tarés psychopathes
prêts à les trucider à tour de rôle, comme dans tout bon film d'horreur classique qui se respecte ! On s'engage ainsi dans une aventure visiblement balisée, mais qui se laisse pourtant suivre
plaisamment, surtout qu'un curieux prologue (avant l'embarquement) apparemment plein de "trous" et d'images manquantes nous avait laissé plutôt curieux et plein d'interrogations, dont les
révélations devront attendre quasiment la fin du long métrage... Quel suspense ! Mais le plus beau quand même, c'est de se laisser surprendre dès la fin du premier acte du film et de se rendre
compte que nos a priori n'étaient pas fondés pour un sou : tous les personnages sauf une jeune femme sont alors morts, et l'on se demande où ce "Triangle" va bien désormais pouvoir nous mener...
Et l'on ne sera pas déçu ! Le scénario prend effectivement à partir de là un tour aussi brillant qu'inattendu, et le titre, qui jusque-là n'évoquait que le nom du voilier au bord duquel avaient
pris place les personnages ou une vague allusion (jamais explicite) au légendaire "triangle des Bermudes", va nous plonger au coeur d'un dispositif narratif aussi jouissif que stimulant ! Le
triangle finit du coup par révéler un système de trois boucles temporelles successives sur le paquebot mystérieusement abandonné : on suit l'héroïne, seule survivante, se dédoubler (puis tripler
!) progressivement au cours de ces trois boucles...

Cette construction complexe permet non seulement d'offrir au spectateur l'exaltation d'un vertige affolant, mais encore de tenir un discours réflexif intrigant, voire même partiellement
philosophique... A voir ainsi se débattre la belle et blonde héroïne (assez subtile Melissa George), qui, comprenant que les choses se répètent, tâche de lutter contre ce qui finit pourtant
toujours par arriver, le film pose avec habileté la question du libre arbitre. Le plus amusant, c'est qu'en croyant changer le destin, elle ne parvient finalement qu'à l'accomplir : tout cela
prend pour le coup un tour sacrément tragique, au sens antique du terme j'entends (Sophocle, Eschyle, et tout ce bordel...) On sent le poids de la fatalité mais aussi un questionnement implicite
sur la nature humaine : le bien et le mal semble en effet progressivement se mélanger et se confondre, notamment à travers ce personnage qui glisse sensiblement d’une innocence de façade à une
bestialité hallucinante, qui la pousse à tuer sauvagement ses petits camarades... avant de finir par tuer son double, c'est à dire une autre elle-même ! Jolie métaphore… C'est peu dire que la
dimension métaphysique est exploitée parfois jusqu'à son paroxysme : si à la fin l'histoire recommence exactement à son point de départ, est-ce que l'héroïne est condamnée à la revivre
éternellement, comme dans un purgatoire où elle ressasserait sans fin sa culpabilité, celle peut-être d'avoir été une mauvaise mère ? Le rachat est-il alors seulement possible ? Mystère... On
l'observe simplement boucler la boucle et reprendre à l'identique le même chemin, adoptant le même comportement, tel Sisyphe (auquel il est d'ailleurs fait allusion dans le film) remontant
indéfiniment sa pierre au sommet de la montagne...

Mais au-delà d'un scénario percutant et passionnant, "Triangle" se distingue également par une mise en scène riche et classieuse, digne des productions les mieux pourvues alors que le film s'est
fait justement sur un budget modeste... On sent du coup l'ingéniosité d'une équipe de petits malins du cinéma envahir des cadres hyper léchés et des effets spéciaux astucieux, qui finissent par
devenir impressionnants (la tempête, notamment, est très bien rendue, tout comme le passage du paquebot sur l'océan...) On notera en outre une lumière resplendissante, inondant chaque plan d'une
grâce finalement assez surprenante pour ce genre de film... "Triangle" réserve également quelques plans absolument saisissants et techniquement bluffants, à commencer par une très jolie scène de
miroir, dont un plan commence d'un côté pour se poursuivre et s'achever de l'autre : un mouvement de caméra en forme d'illusion, qui nous emporte quelque part au travers du miroir, dans un monde
onirique, peut-être au pays des songes ou plus prosaïquement de l'autre côté de la vie, c'est à dire du côté de la mort et de l'éternité...

La très belle atmosphère distillée dans "Triangle" pourra rappeler enfin l'univers de séries télé comme "La quatrième dimension" ou même "X-files", à laquelle le film semble rendre hommage à
plusieurs reprises. Certaines répliques, notamment, résonnent comme des échos troublants, tel le gimmick typiquement mulderien "trust no one" ou encore ce "kill them" répété de façon pavlovienne
comme dans l'épisode "Mauvais sang" (2x03). Mais la référence la plus directe demeure celle à l'épisode justement intitulé "Triangle" (6x03), dans lequel les agents Mulder et Scully étaient aussi
confrontés à un "paquebot fantôme" dans le triangle des Bermudes, où se dédoublaient les personnages par le biais de vies parallèles et antérieures... Coïncidences troublantes, non ? Quoi qu'il
en soit, ce "grand" petit film d'horreur propose bel et bien une intrigue subtile et savamment élaborée, qui plutôt que de se laisser aller à un déluge de sang préfère faire appel à
l'intelligence du spectateur et le terrifier bien plus insidieusement... Un futur "classique" à découvrir malheureusement directement en DVD !

Bonus : Le DVD du film propose un making of complet de près de 45 minutes (chose plutôt rare pour ce genre de production !) dans lequel sont évoqués par une large partie de
l'équipe de tournage les divers problèmes techniques ou budgétaires, le casting, les conditions de tournage, la réalisation des effets spéciaux... Passionnant !



 



Mise en perspective :



- Le jour du Saigneur































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11 commentaires:

  1. Vu que c'est une critique riche en spoiler, je me suis abstenu de la lire. Ce qui n'êmpêche pas d'être assez intrigué par ce film, d'autant plus avec une telle note.

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  2. ça a l'air super intéressant ce film ! Merci du conseil...

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  3. Je l'ai testé celui-là (http://nuitfantastique.canalblog.com/tag/Triangle)


    J'avais trouvé l'entreprise un peu vaine pour un long métrage. ton attachement du film à Mulder inc. me paraît des plus judicieux!


    Ber

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  4. Un film brillant malheureusement directement sorti en DVD, sortie parallèle au tout aussi magnifique Black Death du même Christopher Smith... Honte au distributeurs !!!


     

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  5. Chris Smith privé de grand écran ! "Black Death" et "Triangle" auront, c'est sûr, leur revanche dans mon boudoir.

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  6. Black death est un très grand film... Je ne cesse de te le répéter !!

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  7. Et ça: http://foxart4.blogspot.com/2010/02/eole-ou-le-cercle-vicieux.html


    Tu reliras au passage ton commentaire de l'époque... p'tit con ;-) à l'aune de ton "Sophocle Eschyle et tout le bordel" et de ton "Sysiphe" lol


    Mon "Eole" n'était finalement peut-être pas si idiot...

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  8. Je n'ai pas été convaincu par ce film, pourtant prometteur.

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  9. L'histoire est bien construite et glauque à souhait, très intéressante. Mais la sauce n'a pas prise pour moi non plus, il me manque un petit quelque chose qui fasse sortir le tout de cette
    impression d'"amateurisme" (pas que ce soit mal construit, mais le tout m'a donné une impression d'inabouti qui m'a bloquée dans mon appréciation).

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  10. Enfin vu (et enfin lu ta critique) et ce film est tout simplement brillant et vertigineux. Un magnifique coup de maître.

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  11. heureux de te l'entendre dire ! :)

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