mardi 31 mai 2011

[Critique] Play a song for me, d’Esmir Filho



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Play a song for me, d’Esmir Filho (Brésil, 2009)



Sortie le 25 mai 2011



Note :
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Premier long métrage d'un jeune réalisateur brésilien, « Play a song for me » est une belle révélation, souhaitons-le pleine de promesses ! Inspirée d'un roman d'Ismael Caneppele, qui a
d'ailleurs participé à l'écriture du scénario, l'histoire du livre a profondément touché le cinéaste : "Je me suis reconnu dans l'histoire de ce jeune homme qui étouffe dans cette petite ville,
et qui utilise Internet comme une fenêtre sur le monde". Car en racontant le quotidien feutré et mélancolique du jeune Tambourine, auto-surnommé ainsi en hommage à son idole Bob Dylan (le titre
du film est d’ailleurs une référence directe à la chanson « Mr. Tambourine Man »), Esmir Filho livre un merveilleux portrait de l’adolescence éternelle, en forme de ballade poétique à la
dérive…

Porté par une mise en scène recherchée et onirique, entre effets visuels mystérieux et contemplations tristes, « Play a song for me » révèle le monde de l’adolescence avec une superbe acuité, qui
ne manquera d’ailleurs pas de rappeler le lyrisme d’un Gus Van Sant. Il y a une sensualité parfois presque fantastique dans ces exaltations juvéniles… L’esthétique du film se construit au travers
de toute une série de contrastes saisissants : ce sont d’abord les jeux symboliques entre l’ombre et la lumière, comme des visages éclairés très exactement à moitié, qui incarnent visuellement
les paradoxes ou les doutes de ce monde intermédiaire qu’est l’adolescence. Ce qui est éclairé et ce qui ne l’est pas, ce que l’on sait et ce que l’on redoute, ce que l’on croit être et ce qui
nous habite malgré nous, voilà les jalons d’un monde intérieur qui se perd en questionnements multiples et souvent illogiques : l’âge des possibles est aussi celui de toutes les
perturbations…

Le principe d’opposition se joue aussi entre le réel et le virtuel, entre la petite ville déserte qu’habite le héros du film et le monde virtuel qu’il se crée sur internet, prétendument peuplé…
Mais ce qu’il voit sur internet n’est peut-être au fond que du vent : il y contemple notamment les vidéos d’une jeune fille, dont on apprendra bientôt qu’elle est morte, suicidée depuis le pont
du village… Le deuil semble parfois inonder l’image. Mais cette morbidité ambiante est tout simplement l’incarnation de l’adolescence comme un rite de passage. « La proximité n’est pas quelque
chose de physique » écrit l’adolescent sur son blog : il devra pourtant apprendre à fuir les illusions de la toile où l’on tisse de prétendues relations pures avec des êtres (littéralement)
désincarnés, afin d’accepter de se confronter au réel, de « toucher » les autres et de ne pas rester dans une solitude complaisante… La dernière image de « Play a song for me » a la puissance
d’un symbole, à l’image de ce film métaphore : on y voit l’adolescent se décider à traverser le pont, pour quitter la ville et grandir, éventuellement devenir adulte s’il ne s’égare pas en chemin
et si la tentation de sauter du pont (et de renoncer) ne se fait pas trop insistante…































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