mercredi 20 avril 2011

[Critique] Rabbit hole, de John Cameron Mitchell



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Rabbit hole, de John Cameron Mitchell (Etats-Unis, 2010)



Sortie le 13 avril 2011



Note :
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Après les folles outrances et les dérives décadentes d’« Hedwig and the angry inch » ou de « Shortbus », John Cameron
Mitchell livre cette fois-ci un film sur le deuil, celui d’un couple ayant perdu son petit garçon, d’une étonnante sobriété. Mais le cinéaste sait pourtant très bien où il va et justifie
parfaitement la pleine cohérence de son œuvre : « Il ne faut pas se fier aux apparences, « Rabbit Hole » est beaucoup plus proche qu’on ne le pense de mes films précédents, certes plus comiques
et décalés. J'ai toujours été fasciné par les histoires dans lesquelles les gens sont murés à l'intérieur d'eux-mêmes et tentent de communiquer. Tous mes films ont ça en commun, ils parlent de
cette quête et le disent dans des styles différents, mais au fond, l'âme est la même. « Rabbit Hole » n’est pas seulement une histoire de deuil, c’est l’absence de communication qui en est le
thème majeur ».

L’incommunicable donc ! L’impossibilité d’un couple de parler et de se reconstruire après avoir vécu une tragédie que l’on pourrait d’abord croire insurmontable… Nicole Kidman et Aaron Eckhart
sont absolument parfaits pour incarner ces deux êtres à fleur de peau, au bord du précipice, qui essaient tant bien que mal de ne pas se laisser noyer par le chagrin. Sans jamais surcharger son
film par un pathos trop excessif et voyant, le cinéaste parvient à évoquer leurs sentiments à travers un ensemble de situations d’une simplicité désarmante, qui renferment pourtant une sincérité
et une vérité confondantes… Ces êtres là sont tellement perdus au plus profond d’eux-mêmes que certains réflexes viennent parfois les dépasser : quand la violence passe par les mots, par exemple,
quitte à blesser cruellement ses proches, voire quand elle devient carrément physique… La séquence où le personnage de Kidman gifle spontanément une inconnue dans un supermarché est notamment
d’une puissance remarquable !

« Rabbit hole », c’est aussi ce « terrier » dans lequel on finit par se réfugier et par s’enfermer, même si c’est pour en rester prisonnier : ne plus vouloir voir personne, ne plus prendre part
au monde qui nous entoure, peut-être pour tâcher de ne plus rien ressentir… Atteindre l’indifférence pour ne plus éprouver cette atroce douleur de la perte d’un être si cher, pour ne pas dire si
« chair » ! C’est alors que seul le temps risque de nous aider à surmonter, même si la souffrance demeurera dans le cœur pour toujours, comme l’explique si finement la mère à sa fille endeuillée…
« Rabbit hole » est également le titre du « comic book » que dessine le jeune homme responsable bien malgré lui de la mort de l’enfant, pétri de culpabilités, et avec lequel la femme paumée va
opérer un rapprochement apparemment impossible mais pourtant au final salvateur et surtout un peu apaisant… Sa bande dessinée raconte l’histoire d’un garçon visitant des univers parallèles à la
recherche de son père défunt : il ne rencontrera jamais le bon, bien évidemment, puisque le sien a bel et bien quitté le monde auquel il appartient. C’est là une idée sublime du film : la femme
qui a perdu son enfant dira éprouver un certain soulagement à l’idée d’exister dans des réalités parallèles, sous une forme plus heureuse, et surtout avec son petit garçon encore bien vivant… Et
puis « Rabbit hole », c’est enfin cette allusion au terrier qui permet à Alice d’atteindre le « pays des merveilles », ce monde étrange et inversé qui ne correspond plus du tout au réel que l’on
connaissait jusqu’alors, ce monde duquel est désormais prisonnier ce couple amputé d’un fils.

Pour éviter d’alourdir le propos plus qu’il ne faut, John Cameron Mitchell procède à toute une série de décalages dans son long métrage. On peut être surpris, par exemple, de voir le mari mourir
de rire à cause d’un joint qu’il vient de fumer, alors qu’un autre homme raconte la douleur de la perte de son enfant… Mais au fond, le réalisateur retranscrit le spectacle de la vie, où toutes
les émotions sont possibles en toutes circonstances. Simple et beau, « Rabbit hole » raconte sans apitoiement excessif ni la moindre mièvrerie le quotidien d’un homme et d’une femme qui doivent
se reconstruire à tout prix pour ne pas se laisser mourir. Ca a l’air de rien, et c’est pourtant beaucoup, nous laissant traversé par une émotion intense et pure, au cours de laquelle des larmes
peuvent couler assez soudainement… Mais rien à voir avec la tristesse des crocodiles : ces larmes là sont précieuses, salvatrices et profondément sincères !



 



Mise en perspective :



- Hedwig and the angry inch, de John Cameron Mitchell
(Etats-Unis, 2001)































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3 commentaires:

  1. Wahoo, nous sommes d'accord. Ce film sonne tellement juste ! Chacun vit son deuil à sa manière ...

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  2. C'est un film très touchant, qui m'a agréablement surpris. Je n'attendais pas Cameron Mitchell sur ce terrain là et il prouve que c'est un grand en puissance.

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  3. c'est sûr que sa filmo est du coup très diversifiée...

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