vendredi 22 avril 2011

[Critique] L’étrangère, de Feo Aladag



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L’étrangère, de Feo Aladag (Allemagne, 2010)



Sortie le 20 avril 2011



Note :
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« Ce film évoque le désir universel d’être aimé par ses proches pour ce que l’on est, et non pour le style de vie qu’on a choisi. Il y a, au cœur de cette histoire terrible, l’occasion manquée
d’une réconciliation – comme une lueur d’espoir. C’est une histoire dans laquelle aucun personnage n’est condamné, mais je tenais à ce que les pulsions et les conflits, tout comme la tragédie
qu’ils vivent, soient perceptibles sur le plan émotionnel. Je voulais qu’on éprouve de l’empathie pour tous les protagonistes pris au piège de ce conflit, et je souhaitais les humaniser, par-delà
les préjugés des médias, et le poids de la culpabilité liée aux traditions communautaires ». C’est par cette note d’intention que la réalisatrice Feo Aladag offre son film au public… S’appuyant
sur une réalité brutale, notamment celle des « crimes d’honneur », « L’étrangère » raconte le calvaire d’Umay, qui fuit la Turquie avec son petit garçon, où son mari la maltraite. De retour dans
sa famille à Berlin, elle comprend très vite qu’elle n’est pas la bienvenue, du fait qu’elle déshonore sa famille et sa communauté en s’émancipant de la sorte… Bientôt rejetée par les siens, elle
va tenter de survivre tant bien que mal, sans jamais renoncer à reconstruire des liens avec ses parents et ses frères et sœurs… visiblement en vain ! Pire que tout, elle devra aussi se méfier des
pièges qu’on lui tend, pour lui reprendre son enfant, ou bien plus atroce encore…

« L’étrangère » est très clairement construit comme une tragédie, dans laquelle tous les personnages sont dépassés par leurs émotions ou leurs pulsions. Et si la cinéaste y condamne avec fracas
une religion dont le fondement même est de soumettre la femme à la domination du mâle, elle prend garde en effet à ne jamais condamner l’homme en lui-même, souvent soumis malgré lui à des lois
pseudo divines absurdes… On accorde forcément raison à cette femme qui sert de médiateur pour réconcilier Umay avec sa famille, lorsqu’elle lance au père : « Laissez Dieu où il est, il n’a rien à
voir avec ça ! » Car ce n’est pas Dieu qui l’éloigne de sa fille, mais bel et bien des rituels idiots qui empêchent son cœur de s’exprimer…

Si le scénario du film peut parfois sembler poussif ou trop systématique, accumulant de nombreux rebondissements ou certains clichés, il faut garder à l’esprit que c’est pour les besoins de la
démonstration. Sans compter qu’il ne s’appuie pas sur du vide, mais sur de nombreux faits divers qui ont inspiré l’histoire à la réalisatrice… On peut noter en outre une légère touche d’ironie,
tenant discrètement cet amoncellement de drames à distance, lorsque le père, après avoir renié Umay, apprend qu’une autre de ses filles non mariée est tombée enceinte : il demeure alors un moment
immobile sur le bord de son lit avant de soupirer de lassitude. On sourit alors un peu, dans ce déluge de larmes où le pathos est érigé en maître !

Mais ce qui transcende proprement ce superbe film, à la force et à la détermination sincère, à la mise en scène tout en finesse, c’est surtout sa profonde humanité. Il faut dire que l’ensemble de
la distribution excelle à faire passer toute une palette d’émotions avec une vérité souvent confondante, à commencer bien sûr par l’actrice qui domine admirablement le long métrage : Sibel
Kekilli, que l’on avait découvert il y a quelques années dans « Head-on » de Fatih Akin. Elle incarne une mère courage que l’on n’oubliera pas de sitôt !































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1 commentaire:

  1. Je suis content que le film t'ai plu. :)
    Il est très fort et émouvant, et l'actrice principale y est prodigieuse.

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