dimanche 17 avril 2011

[Critique DVD] Blood island (Bedevilled), de Jang Cheol-soo


jour du saigneur
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Blood island (Bedevilled), de Jang Cheol-soo (Corée du Sud, 2010)



Sortie DVD et Blu-Ray le 3 mai 2011 chez Distrib Films



Note :
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Grand Prix de l’édition 2011 du Festival de Gérardmer, « Blood island » est une nouvelle petite merveille coréenne, à la frontière des genres… Le film mélange en effet allègrement thriller, drame
psychologique, comédie (enfin largement ironique quand même), pour se finir dans l’horreur la plus absolue, une de celle que l’on ne voit pas vraiment venir… Bien que sa victoire dans un festival
du cinéma fantastique nous mette quand même sérieusement sur la voie, rien dans le début du film de Jang Cheol-soo ne nous prédisposait à son dénouement incroyablement sanglant : et ce n’en est
que plus jouissif !

Tout commence d’ailleurs avec Hae-won, une jeune femme célibataire perdue dans une vie oppressante à Séoul. Après avoir été le témoin principal dans une agression, elle est à fleur de peau et se
fait virer de son travail après une réaction un peu violente. Elle décide alors de prendre des vacances et de rejoindre Bok-nam, sa meilleure amie d’enfance qu’elle a désormais bien délaissée,
sur l’île où elle a grandi et qu’elle a fui… Elle y retrouve cependant une atmosphère malsaine et moralement violente, où les hommes ont le pouvoir et les femmes ne peuvent que se soumettre à
leurs volontés tyranniques ! Bok-nam, humiliée et battue par son mari, qui la trompe sans se cacher, supplie Hae-won de l’aider à quitter l’île et de l’emmener avec elle dans la capitale
coréenne. Elle cherche surtout à protéger sa petite fille, issue d’un viol collectif jamais condamné, des travers pédophiles de plus en plus explicites de son mari à son égard…

Dans une histoire aussi joyeuse, qui mêlent les réflexes les plus primaires et les pires perversions de l’être humain, le réalisateur fait naître un suspense incroyable, tendu à mort, magnifié
par une mise en scène sèche et tranchante, à l’âpreté souvent bien amère. Il opère un glissement scénaristique admirable, faisant passer le nœud de son intrigue de Hae-won à Bok-nam, d’une
victime à l’autre finalement… Chaque scène se révèle comme une nouvelle étape franchie dans une descente aux enfers visiblement sans issue et inéluctable. Quand la tentative de fuite avec le
bateau prend l’eau (si l’on puit dire…), et que la petite fille de Bok-nam meurt dans une violente dispute, on sent alors comme un flottement presque irréel, à travers le silence abattu et
résigné de la mère, mais à travers aussi cet élan de toute une communauté à protéger l’ignoble mari pour laisser perdurer une civilisation d’horreur séculaire… Ce n’est qu’un peu plus tard, après
que Bok-nam se soit épuisée dans le champ à ramasser des pommes de terre, que « Blood island » atteint un point de basculement hallucinant (et halluciné !) : regard tourné vers le soleil, puis
vague évocation d’une révélation mystique qu’elle aurait eu, juste avant qu’elle se mette à trucider tous ceux qui l’entourent ! Rien que le plan sur ce phénomène de bascule, ce point de non
retour, cette révélation en plein cagnard, possède une puissance inouïe et quasi bressonnienne ! Après l’humiliation et la perte de tout espoir (illustré par la mort de sa fille, dernier élément
qui la maintenait en vie), le temps de la vengeance a sonné et le massacre peut commencer…

Mais « Blood island », vous l’aurez compris, n’est pas un simple film en mode « survival & revenge », il est plein d’autres choses et notamment la condamnation d’une société affreusement
violente et individualiste… Car si la vie sur l’île est présentée comme infernale, celle à Séoul l’est en fin de compte tout autant : la peur qui y règne empêche notamment Hae-won d’y témoigner à
la police pour condamner des criminels ! Au fond, le film propose une description coup de poing de la situation actuelle de la femme en Corée : toujours dominée, oppressée et humiliée par
l’homme… Le long métrage s’impose alors quelque part comme un grand et puissant film féministe, mais qui rappelle surtout les désastres du refus de s’impliquer ou de ne penser qu’à soi. Il
résonne un peu comme un appel à la révolte et à la révolution : un appel à la solidarité comme seul moyen de s’en sortir… Soit l’on s’en sort tous ensemble, soit l’on crève seul ! Hae-won a
d’ailleurs bien compris la leçon à la fin du film : se sentant un peu responsable de la mort de son amie, dont elle n’a finalement pas écouté les appels au secours, elle se décidera d’aller
témoigner contre ceux qui ont abusé une jeune fille sous ses yeux à Séoul… Aider une inconnue pour essayer de se rattraper de ne pas avoir sauvé son amie, une amie qui aurait en outre pu être
beaucoup plus… Et c’est le sens, peut-être, de ces flash-back sur l’enfance des deux jeunes filles, déjà oppressées par les mâles et prêtes à s’embrasser : si tout cela n’était en fait encore
qu’une grande et belle histoire d’amour impossible ? Deux lesbiennes terrorisées à l’idée même de se révéler leurs sentiments dans un monde de brutes...



 



Bonus DVD : Présentation du film par Charles Tesson - Galerie photos































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10 commentaires:

  1. Un film très surprenant... je suis un peu moins enthousiaste que toi mais j'aime beaucoup tout de même.

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  2. Blood island... z'ont encore fait fort les distributeurs lol

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  3. Tout à fait d'accord avec ta critique ! Ce film est réjouissant et vivement recommandable.

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  4. pas encore vu mais j'avais lu de très bonnes choses sur Mad Movies: j'en prends bonen note !

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  5. Slice je n'ai vu que le début et je trouvais ça un peu ridicule... et puis je me suis endormi... faut que je m'y remette...

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  6. Et puis les DVD gratos, ça n'empêche pas qu'on puisse leur faire remarquer de mauvais choix marketing...

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  7. Certes mais pas sur que le crétin moyen ait envie de sa farcir un pseudo slasher coréen, alors que le cinéphile averti, oui... Et puis le film a tout de même eu le prix à Gérardmer... un bon
    buzz, une bonne réputation... Moi, je t'avoue, je n'avais pas fait le rapprochement avec le Bedevilled que j'avais vu... du coup je n'aurais jamais acheté ce qui ressemble à une daube... Même pb
    avec l'immonde jaquette de Back death... les mecs qui penseront se faire un genre d'Eragon ou Solomon Kane seront forcément déçu et les cinéphiles fuiront à tort un bijou emballé dans une merde
    pareil...


    Finalement c'est autant un mauvais choix marketing qu'artistique... tout le monde passe à coté du film qu'il pourrait aimer... voila ce qui arrive quand on racole les mauvais clients... Blood
    island ne correspond pas du tout au contenu du film et ceux qui voudront se faire un bon slasher lacheront l'affaire au bout d'une heure et avant même la première goutte de sang... Les autres
    passeront leur chemin dans les étalages des hypermarchés et rateront un bon film... C'est la politique  perdant/perdant des distributeurs

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  8. Sorti en DVD et aussi très facile à trouver sur le net en très belle qualité et en VOSTFR... mais je conseille l'achat du DVD...

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  9. je vais opter pour le net sans doute... mais merci ! :)

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