dimanche 2 janvier 2011

Le président, d’Yves Jeuland (France, 2010)



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Si la mort de Georges Frêche, le 24 octobre dernier, a accéléré la sortie en salle de ce documentaire, le film n’a cependant pas été retouché dans la perspective de cet événement, ce qui n’est
probablement pas plus mal. On y suit une heure et demi durant la campagne de cet « animal politique » lors des dernières élections régionales, qui lui auront permis d’être réélu dans son «
fauteuil » de Président de la région Languedoc. Filmé au plus près, on le voit affronter toutes les attaques toujours avec le même acharnement et la même ténacité, épaulé par son équipe de
conseillers, qui parfois se désespèrent un peu de ses manières « pas toujours très catholiques »…

Bien sûr, on a envie de le détester ce bonhomme bien franchouillard, entre vieux monsieur indigne et gros pervers dégueulasse. Ses mœurs bien rurales, sa façon de bouffer comme un porc (jusqu’à
des post-it qu’il avale un à un attablé à son bureau, séquence aussi étrange qu’hilarante), sa constance à toujours gueuler ou à jurer comme un Chartier : rien ne l’aide vraiment à se rendre
sympathique aux yeux du monde… Sans compter qu’on le surprend sans cesse en train de mentir éhontément et à dessein, surtout pour servir sa future réélection : il explique par exemple sans
complexe à ses conseillers qu’il invente n’importe quels chiffres pour appuyer son discours lors d’une interview, et il se permet de s’inventer des origines bien populaires et suffisamment
tristes pour verser quelques larmes forcées lors d’un meeting… Même s’il incarne une figure passionnante et intensément cinégénique, il garde quand même tout du personnage infréquentable !

Pourtant, force est de constater que son entourage et surtout ses électeurs le suivent toujours, malgré ses dérapages verbaux ou son exclusion par les grands pontes du Parti socialiste. Il faut
dire qu’il incarne une figure exemplaire de l’homme politique proche du peuple et prêt à s’impliquer sur le terrain, à mille lieues, comme il le rappelle lui-même, des préoccupations
bureaucratiques et parisianistes d’une certaine gauche embourgeoisée et complètement déconnectée de la réalité de la vie en France !

Mais sous couvert de faire le portrait de ce personnage excentrique dans le paysage politique français, le film s’ouvre finalement beaucoup plus largement en posant une question sur la façon
actuelle de faire de la politique. Car si Georges Frêche est un manipulateur évident, que penser alors de tout le reste de la classe politique, qui semble contribuer à son égard à un véritable «
assassinat politique » ? Sans commentaires orientés, le documentaire reste dans une ambiguïté gênante, mais prête par là même la voie à un vrai débat, salvateur et passionnant ! La manipulation
nous apparaît alors au cœur de tout, qu’elle concerne ceux qui nous gouvernent ou ceux qui nous informent. Car il y a bel et bien manipulation politique quand Martine Aubry se sert de prétextes
pour exclure non seulement Frêche du parti, mais également tous ceux qui le soutiennent, à commencer par des milliers de militants ! Et il y a surtout manipulation médiatique lorsque, tous en
chœurs, les journalistes font monter la sauce sur un morceau de phrase prononcé par Frêche et prétendument antisémite, alors que le monsieur ne faisait que parler un peu trop spontanément, comme
il en avait l’habitude… On comprend les dessous des menteurs qui nous gouvernent et qui ne reculent devant aucune infamie pour sacrifier quelqu’un qui pourrait les gêner… Yves Jeuland signe là un
documentaire à la fois drôle et terrifiant, assez brillant et brûlant pour savoir poser des questions utiles sur nos institutions, pour lesquelles la communication et les jeux de pouvoir passent
bien trop souvent avant le bien général…































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