lundi 1 novembre 2010

Vénus noire, d’Abdellatif Kechiche (France, 2010)



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Note :
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Si Abdellatif Kechiche avait su atteindre la grâce dans son précédent film (« La graine et le mulet ») avec une mise en scène qui n’avait pourtant rien d’évident, il semble ici chercher à laisser
apparaître la graisse (inspiré par le cul de son héroïne ?) avec ce qu’il semble a priori être la même façon de filmer… Alors des séquences longues et étirées à l’infini, pourquoi pas, mais aussi
répétitives et vaines que celles que l’on observe dans cette « Vénus noire », non, ça ne va plus ! En évoquant le tragique destin de Saartjie Baartman, femme au formes généreuses du bon sauvage
venu d’Afrique du Sud et surnommée la « Vénus hottentote » pour les « spectacles » qu’elle exécutait à Londres puis à Paris, on comprend bien où le cinéaste voulait en venir : à travers les
humiliations que ses « montreurs » et son public voyeuriste lui faisaient subir, il parle de la différence comme quelque chose qui attise la curiosité mal placée, voire la domination et le
mépris… Mais il le fait d’une façon tellement appuyée que ça en devient très vite insupportable, quand ce n’est pas un vrai calvaire pour nos yeux de spectateurs ! Le parti pris de filmer dans
leur quasi intégralité les représentations auxquelles se livre Saartjie est déjà lourdingue, mais le glissement étape par étape vers l’horreur des avilissements devient carrément sinistre et
gratuit (d’abord touchée au niveau des fesses, l’hottentote finira pincée, frappée, chevauchée, voire quasiment violée par le public – elle terminera d’ailleurs sa vie en se prostituant). On
dirait que Kechiche se complaît à en rajouter chaque fois un peu plus dans le glauque et le sordide, dans un monde complètement noir et désespéré, où personne ne paraît pouvoir être sauvé… En
effet, ce n’est pas du côté des organisateurs de spectacle de « monstres » ni de leur public que l’on trouvera des gens aimables, pas même du côté des scientifiques, dont la froideur et la
cruauté pour pouvoir observer le personnage sous toutes les coutures s’avère souvent effrayant ! Lors d’un procès à Londres, certains semblent vouloir la défendre en condamnant les spectacles
auxquels elle dit participer volontairement comme « artiste » (on est là dans le débat paradoxal de la « servitude volontaire »), mais on comprend très vite que ces gens-là agissent avant tout
pour flatter leur ego et faire correspondre à tout prix la réalité du monde avec leurs « belles » idées progressistes et « éthiques »… Quant à Saartjie elle-même, si on la voit pleurer ou faire
preuve d’une pudeur toute humaine, elle n’en demeure pas moins un bloc d’indifférence d’un bout à l’autre du film, comme si tout pouvait passer sur elle sans qu’elle ne se rebelle, comme si
finalement elle était déjà morte à son arrivée en Europe, après la mort de ses parents et de son enfant… Mais du coup, il n’y a personne à sauver dans « Vénus noire » et ce tableau pessimiste
d’une humanité morbide et monstrueuse possède un ton clinique si glaçant qu’il demeure très difficile de ne pas s’en lasser assez vite. 2h30 de métrage sans trace d’une émotion un peu humaine ou
chaleureuse, c’est dur, et ce ne sont pas ces images d’archives pour réhabiliter et rendre sa dignité à la véritable « vénus noire » à la fin du film qui viendront rendre l’entreprise plus
aimable…































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9 commentaires:

  1. Absolument d'accord avec ta critique, j'ai ressenti les mêmes choses.

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  2. Vu la durée j'avais du mal à trouver un créneau et j'étais moyen motivée, ton avis et d'autres me confortent, je n'irais pas!

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  3. Certaines séquences sont vraiment insupportables à regarder... On dirait en effet qu'il y a une complaisance à filmer l'abomination, à fuir !

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  4. Je ne vois pas où est la complaisance, et je ne comprends pas ce reproche. Dans l'idée de complaisance, il y aurait le plaisir sadique que Kachiche aurait pris à filmer. Ça ne tient pas. Que les
    scènes soient difficiles à supporter, c'est un fait, que certains ne les supportent précisément pas, d'accord, mais accuser Kechiche de complaisance, je trouve cela presque insultant.

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  5.  


    Salut Phil,


     


    je prends la plume car je ne suis absolument pas d'accord avec ta critique de la Vénus
    noire.


     


    « il parle de la différence comme quelque chose qui attise la curiosité mal placée, voire la domination et le mépris » : non, il
    parle de bien plus, il parle d'un système de pensée, profondément raciste, qui a été au cœur de la culture et de la pensée occidentale pendant plusieurs siècles, à la fois dans le monde
    scientifique et la pensée commune ; ce qu'il montre là n'est finalement que le début : ça se passe au début du XIXe siècle, ce n'est que plus tard que fleuriront dans toute l'Europe les zoos
    humains (cf. http://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/BANCEL/14145).


     


    « Insupportable », « un calvaire pour le spectateur », oui ! Ce film est une violence, il est
    extrêmement éprouvant, on n'a pas un seul moment de répit, on en ressort totalement abattu (je parle en tout cas pour moi, mais je pense que c'est le cas de beaucoup) – oui, encore oui. Mais le
    cinéma n'a pas uniquement vocation à amuser, distraire, et faire passer des moments rigolos. En tout cas, je ne pense pas que ce soit la conception que se fait du cinéma Abdellatif
    Kechiche.


     


    « Sinistre », oui, mais « gratuit » ? Est-il gratuit de montrer aujourd'hui dans les salles
    françaises ce que le système raciste occidental a produit, la façon dont il a détruit des vies ?


     


    Il « se complaît à en rajouter chaque fois un peu plus dans le glauque et le sordide ». Cette descente aux
    enfers n'est pas sortie de son imagination : elle correspond à la stricte vérité historique. Certes, faire un film historique signifie aussi choisir ce qu'on montre et ce qu'on ne montre pas, et
    Kechiche a choisi de ne pas « épargner » le spectateur – mais pourquoi l'épargner ? Oui, La vénus noire est un film violent, oui, c'est un film éprouvant, je le répète. Parfois se
    prendre dans la gueule la noirceur du monde est salvateur.


     


    « ce n’est pas du côté des organisateurs de spectacle de « monstres » ni de leur public que l’on trouvera des gens
    aimables, pas même du côté des scientifiques, dont la froideur et la cruauté pour pouvoir observer le personnage sous toutes les coutures s’avère souvent effrayant ! » - mais comment
    crois-tu, Phil, que se comportaient ces personnes ? Tu penses donc qu'ils n'étaient pas froids et cruels, quand ils comptaient les dents des nègres et mesuraient leurs tours de crâne
    ???


     


    Un « tableau pessimiste » de l'humanité, certes ; il y a des gens qui ont vécu et qui vivent encore des vies
    comme celle de Saartjie Baartman, sans trace d'humanité, oui, ça existe, ça a existé, et ça existera encore ; oui, des personnes broyées par un système raciste, l'histoire en compte des
    millions.


     

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  6. Kechiche réalise un film mixte de "Man to man" de Régis Wargnier et "Elephant man" de Lynch... Sa mise en scène abuse de la caméra portée qu'il ne maitrise que moyennement (pire encore que le
    surestimé "L'esquive") et qui se prête mal au sujet. De plus Kechiche râte sa cible car il est claire que le réalisateur a voulu dénoncer la thèse de l'inégalité des races vu par Cuvier mais
    encore faut-il y créer de l'émotion et une certaine compassion envers Hottentote ; mais il est tout aussi clair dans ce film que Vénus noire est libre (grand mot mais elle n'est pas esclave, son
    refus de se dénuder à l'académie en est une bonne preuve) car elle est prête à beaucoup de chose pour devenir riche malgré que ce soit de plus en plus dure. Cette façon de faire de Kechiche place
    le public comme témoin forcé de sa plaidoierie où il manque au final la dramaturgie et l'émotion nécessaire. Le seul bon point du film reste la révélation Yahima Torrès, mal dirigée mais
    prometteuse. 0/4

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  7. Enfin une critique qui exprime ce que j'ai ressenti, je commançais à désespérer ! Pour moi, les bons sentiments et les bonnes causes ne font pas nécessairement les bons films et Vénus noire
    en est vraiment la preuve. Je ne suis pas ressortie du ciné abattue moi, mais très en colère ! Oui, il y a de la complaisance à filmer de la sorte l'avilissement ! Ca, plus l'anglais pour le
    moins approximatif (même si c'est plus anecdotique) plus quelques anachronismes (d'après une autre critique glanée sur le web) enlèvent au message de Kechiche une bonne partie de sa force,
    et vu le sujet c'est bien dommage !


     

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  8. je n'ai pas remarqué les anachronismes tiens... mais merci de partager mon point de vue, surtout qu'une grande partie de la critique a soutenu le film ! certes, les intentions sont bonnes, mais
    le traitement l'est nettement moins...

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