samedi 9 octobre 2010

Sans queue ni tête, de Jeanne Labrune (France, 2010)



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Note :
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Sans queue ni tête



Sans queue ni tête



Pas d'chapeau pas d'braguette...



 



"Sans queue ni tête" est une comédie brillante ! Mais pas seulement : c'est aussi une critique remarquable et fine du monde de la psychanalyse d'aujourd'hui et de ses « thérapeutes ». Tout
commence d'ailleurs sur un malicieux jeu de mots, bien évidemment révélateur d'un inconscient scabreux et salace : deux putes discutent vieux machins chez un antiquaire, quand l'une d'elle parle
de la collection de pipes de toutes sortes de sa « consœur »... L'antiquaire se montre bien sûr très intéressé et demande à voir ces précieux objets : tout cela se termine alors par une bonne
vieille fellation chez la prostituée... Prostituée incarnée d'ailleurs par l'incomparable et inégalable Isabelle Huppert, comme très souvent dans un jeu où l'ironie n'est jamais loin ! Tout au
long du film, on la voit enchaîner les « passes », si possible dans des situations extrêmes, et confrontée à des individus aux fantasmes tordus ou ridicules, voire carrément dangereux... Huppert
est impeccable et juste dans toutes les situations, révélant un personnage très « professionnel » dans son « travail », mais ne cachant pas non plus une certaine lassitude et une mélancolie de
plus en plus profonde.

Avec un culot extraordinaire, Jeanne Labrune se livre ici à un parallèle audacieux et étonnamment pertinent entre la prostitution et la psychanalyse. S’appuyant sur le concept de "passe" formulé
par Lacan et désignant ce moment de « passage » où le patient en analyse devient lui-même analyste, la réalisatrice rapproche finalement deux types de « passe » très spécifiques, issus cependant
de deux formes de "thérapie", ayant chacune fait leurs preuves, l’une institutionnalisée, l’autre plus clandestine et honteuse… Mais celle qui s’avère la plus libératrice et la plus "efficace"
est-elle aussi la plus avouable ? Le film pose la question du bout des lèvres, mais révèle surtout que les deux se terminent toujours de la même façon, en rapportant de beaux billets au
"médecin-praticien", qu'il soit « remue-méninge » ou péripatéticien… La façon dont Huppert expose les termes et modalités d'un contrat avec un client (nombre de séances, les "séances" manquées
restent dues, etc.) ressemblent d’ailleurs confusément à la façon de travailler d’un psy. La mise en scène se paie même le luxe de monter en parallèle séances chez le psy et séances chez la pute,
réduisant ainsi comme peau de chagrin la frontière véritable qui sépare le patient « malade » et le vulgaire client dans ces cas-là…

Tout au long de « Sans queue ni tête », le milieu des psys n'est en tout cas vraiment pas épargné ! Jeanne Labrune filme avec une dérision savoureuse et souvent sarcastique les grandes manières
et les ridicules de ces « gens-là », qui n’ont bien souvent de « docteur » que le titre. Il faut les voir dans leurs soirées mondaines (le malheur des autres, ça rapporte bien !) en train de
faire des simagrées et de multiplier les allusions freudiennes à chaque mot que prononce l’autre, qui doit forcément avoir un sens caché… L’humour est cinglant, cruel, probablement accusateur,
mais toujours justifié et très certainement bâti par empirisme ! Bouli Lanners est extra dans le rôle de ce psy sans scrupule, qui écoute à peine ses « clients », et dont la vie s’effondre tout
autant que la leur, perdant pied lui-même dans sa propre existence…

De son côté, le personnage d’Huppert voudrait juste changer de vie, mais ne s'en trouve pas la force. Elle se met alors en quête d’un analyste, pour lui donner cette « force ». Mais entre un psy
qui ne lui inspire pas confiance (et qu’elle prend finalement elle-même comme client !), un autre qui lui rappelle son propre métier et un dernier qui refuse de l'analyser à son grand désespoir,
sa recherche échouera... et tant mieux pour elle, dans le fond ! C’est en tout cas la conclusion finale à ce film merveilleux. Tout est dans la réponse de ce dernier médecin qu’elle voit, le seul
qui semble d’ailleurs bien faire son métier, au sein d’une institution où là se trouvent les « vrais » malades. Parce qu’un bon médecin ne se juge pas au nombre de rendez-vous qu’il vous donne
dans son cabinet : un bon médecin est surtout celui qui ose affirmer à celui qui vient le voir qu'il n'est pas malade et qu'il n'a pas besoin d'aide. Il affirme ainsi à la prostituée qu'elle lui
semble bien assez forte pour s'en sortir seule, et devant son insistance désespérée et un peu ridicule, il fait un dernier geste magnifique : au lieu de l’emprisonner dans une analyse coûteuse et
sans fin, il lui offre exactement ce qu’elle cherche : un nouveau travail pour enfin changer de vie…



 



Mise en perspective :



- Copacabana, de Marc Fitoussi (France, 2010)































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4 commentaires:

  1. Euh, tu sembles bien le seul à avoir aimé...

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  2. Tu crois que tous les journalistes du Masque et la plume sont en analyse ?


    Est-ce qu'Isabelle Huppert peut jouer dans un mauvais film ?

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  3. J'ai vraiment adoré ce film, que j'ai trouvé à la fois hilarant et grave. La caricature des analystes est vraiment acide et tordante !

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  4. c'est tout à fait ça ! merci pour cette analyse Monsieur Freud ! ;)

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