lundi 27 septembre 2010

J’ai tué ma mère, de Xavier Dolan (Québec, 2009)

j ai tue ma mere

 

Note :
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Inspiré d’une nouvelle qu’il avait écrit plus jeune (titrée encore plus violemment « Le matricide »), le premier long métrage du jeune prodige Xavier Dolan est en partie autobiographique,
peut-être presque thérapeutique, ce qui lui confère un côté réaliste souvent troublant dans les situations de passions familiales excessives qu’il met en scène : "Evinçant le côté très ésotérique
de la nouvelle, j'ai écrit « J'ai tué ma mère » en misant sur le côté hyperréaliste des détails irritants du quotidien, et en tentant, un peu maladroitement, de démontrer la dichotomie des
sentiments, et d'évoquer la nostalgie, le souvenir de l'enfance", exlique lui même le cinéaste… Dolan parvient justement brillamment à décrire cette relation pétri d’ambiguïté entre le fils et la
mère, Hubert Minel et Chantal Lemming, les deux personnages principaux du film : connaissant de véritables rapports conflictuels d’amour-haine, ils passent leur temps à se disputer, souvent de
façon complètement passionnée et hystérique. Ca en devient parfois presque drôle, tellement les excès sont captés avec fougue et pertinence ! Le ton du film est d’ailleurs en constant équilibre,
à l’image de leur relation, entre drame et comédie, traversé par un humour vachard et décalé. Filmé à distance de la situation que Dolan a probablement lui-même vécu quelques années auparavant,
le jeune cinéaste demeure sans concession pour ses personnages, les filmant chacun à tour de rôle dans toute leur vérité, avec leurs défauts ET leurs qualités, faisant preuve d’une incroyable
maturité : le portrait de l’un n’est jamais favorisé par rapport à l’autre et c’est en cela que l’émotion s’avère forte et crédible. Partagée entre tendresse et cruauté, l’image qu’il dresse de
cette relation filiale est bien plus subtile que ce qu’elle peut sembler au premier abord : avec un film au titre assassin à l’égard de sa mère, Xavier Dolan signe finalement une véritable
déclaration d’amour pour elle !

Mais « J’ai tué ma mère » va bien au-delà de son sujet principal, à savoir les rapports conflictuels d’un adolescent avec sa mère. L’âge des premières expériences est évoqué avec une grâce
magnifique, Hubert cherchant comme tous les jeunes de son âge à se démarquer et à s’inventer : les questions de l’identité, de l’indépendance, de la sexualité, et même de l’art, sont exposées
avec délicatesse au fil du récit… Comme si le film débordait de toutes parts, à l’image des intentions apparemment très fertiles et pleines de verve de l’apprenti réalisateur québécois.

Dans le domaine plastique et artistique, Xavier Dolan cherche d’ailleurs à en mettre le maximum, comme si le cinéma était pour lui le lieu de la rencontre entre les arts : peinture, musique,
poésie, textes, photo… tout cela s’entrechoque avec une très belle cohérence dans « J’ai tué ma mère ». Mettant d’abord en avant ses propres influences ou tout simplement ce qu’il aime, il cite,
discrètement ou de façon plus ostentatoire, le dripping à la Jackson Pollock (magnifique scène où Hubert et son copain peignent et font l’amour, mélangeant la grâce de l’art à la sexualité), des
toiles de Klimt, de Munch, la musique de Vivaldi ou des chansons pop plus jeunes et dans l’air du temps, des poèmes ou des citations incrustés en surimpression dans les images… Certains lui ont
pour cela reproché un style un peu poseur ou tape-à-l’œil, mais ces citations ne s’avèrent pourtant jamais gratuites : elles sont souvent le reflet des personnalités de chaque personnage.

Mais les citations les plus évidentes sont bien entendues cinématographiques, art total auquel se consacre finalement Dolan, en y imposant un style bien trempé et très personnel. Quand Hubert
annonce à sa prof que sa mère est morte (une explication possible du titre du film, d’ailleurs) ou quand ses parents ne voient plus que l’internat comme solution à son insubordination, on pense
évidemment à Antoine Doisnel dans « Les 400 coups » de François Truffaut. La liberté proposée jadis par le cinéma de la nouvelle vague n’est d’ailleurs pas une influence fortuite dans le cinéma
décontracté et éparpillé en mille éclats selon Dolan ! Sa mise en scène en impose dès les premières images de son long métrage et ne s’essouffle à aucun moment jusqu’au générique de fin… Tout y a
l’air précisément pensé et disposé : des séquences en noir et blanc en dehors de la narration, où Hubert évoque sa mère dans d’étonnants cadrages ; les détails de la composition des plans, de la
disposition des objets, du choix de ces objets ; les jeux sur les couleurs, les lumières ; des énumérations visuelles au style photographique, à la rapidité presque subliminale, qui ponctuent le
film comme autant de transitions magnifiques, à la fois musicales et visuelles, d’une intensité admirable… « J’ai tué ma mère » renferme au final tout un univers de jeux de correspondances,
visuelles, sonores et sensitives, à la richesse infinie !

La principale figure stylistique demeure peut-être d’ailleurs l’opposition. Chaque décor est notamment très travaillé, contrastant généralement avec un autre : la maison de la mère, véritable
enfer sur terre pour Hubert, est par exemple très sombre et surchargé d’objets kitsch symptomatiques de l’inculture populaire de sa génitrice, alors que celle de la mère de son petit copain, qui
a un rapport détendu et idéal avec elle, est claire et parsemée de tableaux ou de photos d’artistes… Xavier Dolan parvient même à révolutionner et réinventer la règle du champ contrechamp,
phénomène d’opposition traditionnel du cinéma classique : son découpage des plans au montage ne ressemble en effet à aucun autre, ses personnages étant généralement assis cote à cote et pourtant
bel et bien isolés chacun dans son cadre par une alternance de champs parallèles… Une cohérence sémantique émane alors très joliment de ce procédé, spécialement lorsque la mère et le fils sont
filmés de cette façon : elle exprime la difficulté d’être ensemble, malgré la proximité physique des deux personnages… Hubert et sa mère ne sont donc pas simplement opposés l’un à l’autre : ils
sont à la fois l’un CONTRE l’autre ET l’un AVEC l’autre, ensembles et séparés à la fois !

A travers son premier film, Xavier Dolan ne se contente ainsi pas de raconter une histoire passionnée et passionnante, il rend un hommage vibrant et sincère à l’art en général et au cinéma en
particulier. Il rappelle à chaque plan la puissance des images, notamment à travers certaines séquences entièrement musicales ou sonores, qui ne se contentent jamais d’être uniquement
illustratives mais toujours habilement narratives, exclusivement par leur force visuelle. Il n’oublie pas non plus de laisser une large place au symbole, parfois par de discrètes allusions (le
nom du pensionnat où se retrouve coincé Hubert s’appelle « Notre Dame des Douleurs ») ou par des images plus fortes, comme lorsque la mère vient rejoindre son fils à la fin du film, comme pour
faire la paix, alors que celui-ci vient d’arracher la larme à l’œil de la petite figurine qui la représentait… « J’ai tué ma mère » n’est ainsi pas seulement le film maîtrisé d’un petit génie de
20 ans, mais bel et bien un grand et beau film indépendamment de cela, d’une richesse émotionnelle et d’une force visuelle épatante, qu’il convient de voir absolument !

 

xavier dolan

 

Mise en perspective :

- Les amours imaginaires, de Xavier Dolan (Canada, 2010)









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2 commentaires:

  1. Désolé mais j'ai trouvé ce film particulièrement irritant, d'une prétention crasse et d'une arrogance qui n'a d'égal que le jeu maniéré de Dolan. Je crois qu'après une telle épreuve je ne suis
    pas prêt de retourner voir un de ses films.

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  2. anh ! c'est affreux ce que tu dis là... mais j'ai déjà lu des trucs dans le genre... d'ailleurs je viens de regarder les critiques presses pour les amours... les avis sont assez tranchés aussi !

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