lundi 13 septembre 2010

Godzilla, d’Inoshiro Honda (Japon, 1954)


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Note :
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Alors que le « King Kong » américain de 1933 venait de ressortir sur les écrans en 1952 et de bénéficier à cette occasion d’un franc succès, les japonais se devaient de se pourvoir de leur propre
« monstre géant » au cinéma : la Toho en fut l’instigatrice, en produisant « Godzilla », le premier film de ce qui allait devenir une longue saga sans fin… Produit et imaginé par Tanaka Tomoyuki,
le long métrage sera réalisé par Inoshiro Honda, qui réalisera bon nombre d’épisodes par la suite, et marquera une vraie révolution en matière de « films de monstres » (les « Kaijû », en
japonais), que ce soit sur le plan technique ou sur le fond idéologique du scénario.

L’histoire de « Godzilla » est à peu près connue de tous : suite à des essais nucléaires, un monstre préhistorique est réveillé de la nuit des temps et s’avère même génétiquement modifié par la
puissance destructrice de l’atome, dans la mesure où il possède notamment un « souffle atomique » redoutable ! Sur son chemin, le monstre appelé « Godzilla » saccage tout, finissant par mettre la
ville de Tokyo à sac, la transformant en océan de flammes…

Pour l’époque, le film s’avère techniquement très maîtrisé. Cela vient notamment du soin apporté à l’élaboration des maquettes, mais peut-être surtout à l’innovation du procédé utilisé pour
animer la créature : contrairement à un film comme « King Kong » qui animait des marionnettes en « stop motion », « Godzilla » est ainsi « incarné » par un acteur qui se cache sous un costume…
L’effet de réalisme et de terreur est en outre accentué par un enregistrement des images au ralenti, conférant une certains pesanteur à l’animal ! Bien sûr tout cela a bien vieilli aujourd’hui et
il demeure peu probable que quelqu’un soit encore terrifié par cette version de « Godzilla ». Cependant, Inoshiro Honda sait faire monter la sauce avec une certaine virtuosité au fil de son film
: bien avant « Les dents de la mer » de Spielberg, par exemple, il choisit de ne montrer sa créature que tardivement, laissant la première demi-heure du film aux « conséquences » de son passage,
à son cri terrifiant, à ses empreintes gigantesques… et quand il apparaît à l’écran, le réalisateur se contente d’abord de ne nous en montrer que la tête, dont le corps reste caché derrière une
montagne ! Il faudra patienter encore un peu pour le contempler de plein pied…

Ainsi, même si les effets spéciaux demeurent désormais un peu rudimentaires, on ne peut que saluer des effets de mise en scène habiles et futés… Mais ce que Honda réussit probablement le mieux,
c’est bien cet effet de réalisme politique et social, qui rend le film pour le coup assez effrayant et abominable ! « Godzilla » montre en effet de plein fouet les conséquences d’un désastre à
des japonais encore traumatisés par les attaques nucléaires américaines sur Nagasaki et Hiroshima une dizaine d’années plus tôt : cadavres ou corps blessés et meurtris s’accumulent à l’écran ou
s’entassent dans des hôpitaux surchargés… On sent derrière tout cela un message anti-nucléaire fort, puisque Godzilla sème de la radioactivité partout où il passe, contaminant les vivants, l’eau
potable, les sols… Le film devient alors par moments très sombres et presque fatalistes, ce qui sera largement moins le cas dans la suite de la saga, où l’aspect ludique prendra plus souvent le
dessus sur la critique politique.

En évoquant la menace nucléaire, le film attaque bien sûr directement les américains et les spectacles de mort et de destruction qu’ils ont offert au monde à cette époque là ! Cela apparaît
tellement explicite, que « Godzilla » sortira aux Etats-Unis et en occident dans une version remontée et censurée, incluant des séquences avec Raymond Burr, qui incarne un journaliste commentant
les désastres… Sauf que si le côté terrifiant demeure, le film en devient incohérent et surtout une fois de plus dénaturé et édulcoré par la bêtise hollywoodienne… A travers le personnage du Dr.
Serizawa, Inoshiro Honda se livre enfin à une véritable réflexion sur la prise de conscience qui devrait traverser l’esprit de tous les scientifiques, notamment ceux capables d’inventer la bombe
atomique : ayant conçu une arme destructrice, l’ « Oxygen Destroyer », Serizawa se retrouve ainsi au cœur d’un dilemme, entre révéler son arme au monde pour détruire Godzilla, mais prendre le
risque qu’elle soit ensuite utilisée à des fins moins légitimes, ou laisser le dinosaure continuer son œuvre de dévastation ? « Godzilla » s’érige alors presque comme un pamphlet philosophique
pour public élargi !



 




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L'affiche de la stupide version américaine































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3 commentaires:

  1. salut


    j'ai pris le temps qui fallait mais un très bon avis ne tombe jamais dans l'oreille d'un sourd


    J’ai donc vu ce matin le "Godzilla" de 1954 et je comprends ta frustration quand nous causions de la version d'emmerich


    car le film nippon est phénoménal


    Je ne l'avais jamais vu et franchement je ne regrette pas mon choix matinal (vu que j'ai du temps à passer au fond de mon lit)


     


    un film incroyable


    une réalisation maîtrisée, des effets spéciaux (certes datés) qui donnent le frisson (la séquence du monstre qui attaque la tour où sont les journalistes avec un radio reporter qui dit adieu en
    direct donne vraiment de l'émotion)


    le film est construit avec soin. Dans un premier temps le metteur en scène laisse s'installer l'intrigue et la présentation des personnages. Le monstre reste un phénomène caché, à distance. Nous
    avons le temps de prendre l'oeuvre à bras le corps


     


    dans un second temps l'apparition de la créature et les destructions qui s'en suivent donnent un nouveau tempo au film. Le rythme effréné traduit la peur qui s'empare des uns et des autres.


    On a toujours en toile de fond la querelle entre militaires et scientifiques sur les options à choisir.


    Et bine sûr la peur du nucléaire est LA toile de fond de ce film


    Takashi Shimura et Akira Takarada sont énormes.


     


    Un grand merci à toi pour cette découverte

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  2. celle avec Raymond Burr en sus ?


    j'ai pu lire ici ou là que c'était un sacrilège


     


    oui enthousiastes car quand j'apprécie je suis très positif


    merci surtout à toi

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  3. ah  ok


    oui "accusateurs"


    forcément les ricains n'allaient pas laisser passer.


    un film qui leur en met plein la tête moins de dix ans après le feu nucléaire


    c'est l'époque


    à l'inverse cela ne les a pas gêné pour chirac-muruoa-les essais nucléaires


    drôle de pirouette

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