mardi 14 septembre 2010

A Serbian film, de Srdjan Spasojevic (Serbie, 2009)


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Précédé par sa réputation sulfureuse de film hyper choquant et dérangeant, « A Serbian film » exploite effectivement des thématiques très troubles et malsaines. Mais il n’est pas que ça, et il
convient d’emblée de le relever à ce qu’il est avant tout : une œuvre de cinéma ! Le film de Srdjan Spasojevic peut même en premier lieu être regardé – et vécu – comme une « expérience »… Une
expérience un peu extrême et parfois douloureuse, certes, mais une expérience tout de même, qui teste d’abord certaines limites visuelles avant de mieux les ériger en représentation du réel.

Arrêtons nous d’abord sur le statut de « film » de « A Serbian film ». Car dans les cas d’un film où le sujet semble vouloir dépasser son exploitation par l’auteur, il convient toujours de
vérifier la présence d’un point de vue afin de ne pas verser dans le spectacle gratuit… Comme son titre même nous l’indique, « A Serbian film » est un « film », que l’on peut même classer dans la
catégorie des grandes œuvres du cinéma ! Il s’agit en réalité d’une réussite majeure et incontournable, d’un point de vue esthétique autant qu’idéologique… Dommage que sa diffusion, voire surtout
sa réception et son interprétation, risque de demeurer bien difficile, à cause même du seul sujet qu’il aborde, prêt à tout engloutir avec lui.

Le réalisateur serbe fait preuve d’une grande maîtrise formelle et parvient à instaurer une ambiance très personnelle, et souvent immersive, tellement le travail sur le plan visuel ou sonore est
précis et nourri. Il joue avec les ombres, les lumières, les objets, et il réussit des plans inimaginables. On pense notamment à cette scène apparemment innocente où la femme du personnage
principal fait la cuisine en discutant avec un homme portant une boucle d’oreille en forme de croix du Christ : passons sur les sous-entendus assez ludiques (et principalement érotiques) de leur
conversation, mais cette vision de la femme pécheresse et tentatrice, tendant une pomme à croquer à celui qui n’est pas son mari, et qui résistera jusqu’à aller s’isoler dans les toilettes pour
se masturber, demeure d’un symbolisme fort ! Le montage est également utilisé avec habileté, déterminant souvent des points de basculement, qui sont pour le héros comme autant d’étapes vers sa
déchéance… Des séquences de flashs brefs annoncent notamment une rupture entre des scènes calmes à l’atmosphère léchée et d’autres séquences plus violentes et agitées, au style moins raffiné,
épileptique et carrément crade.

Mais attachons-nous maintenant à l’histoire. A travers cette ex-star du porno qui est engagée malgré lui à tourner dans un film de « pornographie ultime », qui s’avérera un mélange atroce de gore
et de sexe, de pédophilie et de zoophilie, « A Serbian film » cherche surtout à nous offrir une représentation symbolique « coup de poing » de la violence et de la perversité du monde dans lequel
nous vivons. Avec des images fortes – et hyper violentes – il cherche bien entendu à choquer et à faire réagir le spectateur : comment ne pas s’offusquer et serrer les dents à la vue d’un bébé
que l’on sodomise alors qu’il vient tout juste de sortir du ventre de sa mère ? Néanmoins, il est important de comprendre que cette démonstration abominable n’est jamais gratuite ! Si le cinéaste
s’en amuse souvent, c’est vrai, notamment à travers des séquences gores tellement poussives qu’elles en deviennent risibles, digne d’une jouissive série B : on pense par exemple à ce magnifique «
coït orbital », au cours duquel un homme se fait défoncer l’orbite par un pénis (mais après tout, la « bite » n’est-elle pas déjà contenu dans l’or-« bite » ?), il n’en demeure pas moins qu’il ne
se met jamais la bite dans l’œil et qu’il tient son sujet avec ténacité et intelligence…

A tel point d’ailleurs que « A Serbian film » finit par ressembler à un vrai petit conte moral. Pour le scénariste Aleksandar Radivojevic, « A serbian film a une fonction cathartique : il ne
montre pas la réalité mais une réalité amplifiée par le cinéma rassemblant toutes les mauvaises énergies. Le cinéma doit servir de douche froide et ne constitue pas nécessairement qu'un simple
moment agréable à passer ». Le cinéma devient alors l’arme absolue pour dénoncer la véritable pornographie du monde réel : les auteurs du film expliquent souvent que « A Serbian film » peut être
considéré comme une métaphore de tout ce qui se passe en Serbie, d’un pays et d’un gouvernement qui manipule ses habitants comme autant de pions que l’on baise et à qui l’on vole la vie… Mais
cette question-là sort très vite des frontières de la Serbie ! Si Aleksandar Radivojevic parle d’« une fable morale sur la perte de l'innocence » pour décrire le film, ce n’est justement pas
innocent et « A Serbian film » peut être regardé comme un véritable « film monde », dans lequel se contemple la civilisation moderne, corrompue et manipulée dès la naissance, où chacun doit jouer
son rôle imposé : baiser les autres ou être baisé par les autres ! Discrètement insinuée dans le quotidien, la pornographie galopante du monde d’aujourd’hui est si insidieuse qu’elle ne se voit
plus : nous ne sommes pas libres mais nous ne nous en rendons même plus compte… Si par malheur nous venions à en prendre pleinement conscience, comme le personnage du film et sa famille, il ne
nous resterait plus que la mort comme dernière issue… Et même après, ce n’est pas sûr que l’on n’abuse pas encore de nous, en proie au dérives nécrophiles des vautours !































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11 commentaires:

  1. OMFG tu étais à L'Etrange Festival et nous ne nous sommes pas reconnus ?! Damned !


    Pour le film dont s'agit, ça faisait un sacré bout de temps que je n'avais pas vu un truc d'une bêtise aussi insondable et qui a failli m'asphyxier en pétant plus haut que sa dernière bobine,
    sans oublier le jeu exécrable des "méchants", un "héros" aussi charismatique qu'une blette et un scénar téléphoné depuis les premières images. Je passerai charitablement sur les scènes supposées
    donner envie au public de s'évanouir. Quant on a vu Nekromantik et Salo à un âge tendre il faut moins de roublardise et un peu plus de talent pour parvenir à choquer la spectatrice lambda que je
    suis.


    Mais tu m'as bcp amusé avec ton explication sémantique du viol de l'orbite et je dois avouer que lorsque j'ai vu le bébé j'ai vraiment espéré être dans It's alive ou XTro, nul doute que j'aurais
    bien plus rigolé que baillé.

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  2. ahh mais mais mais... t'as pas le droit de lui mettre 4 quand Leone n'y a même pas eu droit. Double sacrilège. Je te file du Sigur Ros et c'est ainsi que tu me remercie, damned.


    J'ai bien saisi le jeu de mot (ohohoh) mais quand tu dis "il ne se mets jamais la bite dans l'oeil, c'est pas tout à fait vrai.


    de toute façon ce film, c'est de la merde et pis c'est tout.

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  3. Eh bien tu as réussi ton effet .. Petit provocateur !

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  4. Idem...


    Je crois que c'est ce que j'ai vu de plus mauvais depuis des lustres et je n'en reviens même pas de cette avalanche de dythyrambes !!!


    Chef d'oeuvre... non mais... tu fumes avant d'aller au ciné ou quoi ??? lol

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  5. et bien voilà une critique élogieuse en sachant que le film fait polémique dans la blogosphère et plus largement sur le net ! Je t'invite à rebondir sur ma critique, en sachant que tu trouveras
    un autre article polémique sur ce film et sur mon blog, dans la catégorie "dossier cinéma".

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  6. Fred !!! Je t'aime !!!


    J'adhère à chacun de tes mots


    Ah, Nekromatik, Salo... Pas la même cour !!!


    It's alive Vs Xtro, ça aurait été pas mal en effet pour le baby fuck... mais moi cette scène m'a fait rire telle quelle lol


     

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  7. Tu as aimé? Un film qui fait dans la surenchère pour s'octroyer le titre de film le plus glauque au monde? Tu
    m'étonnes....tu m'étonnes....

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  8. D'abord, je trouve ta critique superbe. Très bien écrite et qui donne presque envie de voir le film si on ne sait pas de quoi ça parle.
    Malheureusement (ou heureusement), je ne suis pas client du tout de ce genre de film extreme. De plus, l'excuse du "c'est pas gratuit donc je peut monter toute les atrocités du monde", ça me fait
    un peu rire. Mais ce n'est qu'un avis purement perso.

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  9. Ca commence à m'échauffer les oreilles tout ce buzz autour de ce film. Je crois que je vais sattendre encore une petite dizaine d'années avant de le regarder, histoire de prendre un peu de recul
    sur cet infernal chef-d'oeuvre.

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  10. @2flicsamiami: je partage vraiment ton point de vue. Dès que ça part dans l'extrême j'estime que ça doit être justifié ou....drôle!! Sinon je passe mon chemin c'est pour ça que pour le cas
    "Hostel" je n'ai pas apprécié la démarche...

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  11. eh bien avec "a serbian film" c'est à la fois justifié et drôle ! tu ne dois donc pas hésiter une seule seconde !! :)

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