Plan B, de Marco Berger (Argentine, 2010)

 

Note :

 

Premier film de son auteur, « Plan B » commence comme une comédie romantique assez bête et se transforme très rapidement et avec beaucoup de subtilité en un film beaucoup plus profond, beaucoup
plus fort, et qui touche avec justesse à la vérité des sentiments humains…

Tout commence par une rupture et une stratégie complètement folle pour reconquérir l’être aimé : Bruno a quitté sa copine mais veut la récupérer ; il se trouve qu’elle sort désormais avec Pablo,
mais comme Bruno apprend que Pablo est un garçon plutôt « open », il décide de tenter une approche pour voir s’il ne peut pas semer le trouble en lui et récupérer ainsi la fille qu’il aime… Ca,
c’est pour le côté marivaudage et comédie sentimentale : le film commence ainsi de façon très fraîche et sympathique, drôle et décontractée, avec un ton vaguement potache et rigolard… Sauf que
peu à peu s’immiscent l’incertitude et le grand flou du sentiment amoureux ! Même si son « Plan B » un brin pervers finit par fonctionner, puisque Bruno récupère finalement la fille, celui-ci
s’est véritablement transformé en « Plan bite », puisque le personnage continue de se poser des questions à propos de la profondeur de ses sentiments pour Pablo… Tel est pris qui croyait prendre,
du coup, et c’est un peu la fable de l’arroseur arrosé, version « le parfait petit hétéro de base, fana de bière et de foot, qui se découvre un peu pédé sur les bords bien malgré lui ».

La mise en scène est superbe ! On aime le grain de la pellicule, ainsi que sa couleur, qui donne au film une atmosphère chaude et ensoleillée, ainsi qu’un aspect semi-documentaire, comme pour
mieux filmer le réalisme du trouble des sentiments qui naît en chacun des deux garçons, très joliment interprétés au passage par Manuel Vignau et Lucas Ferraro… Des plans séquences s’attardent
merveilleusement sur leurs moments partagés, souvent paisibles et doux. Il ne se passe parfois rien à l’écran, mais la contemplation de leurs activités de farniente revêt un charme fou ! Leurs
voix sont même parfois coupées par un fond sonore continu et redondant, comme pour mieux mettre en avant l’image et les corps… La caméra sait souvent se faire sensuelle, en se mettant notamment à
hauteur des tailles ou en se rapprochant au plus près des peaux. Les prises de vue depuis le pied du lit alors que les deux garçons dorment côte à côte en sous-vêtements laissent une très belle
sensation charnelle…

La façon dont les personnages vivent leur malaise affectif, celui d’aimer soudainement un garçon alors que l’on était persuadé de préférer les filles, est subtilement et brillamment rendu : c’est
à la fois très émouvant et poétique. Quelques signes avaient semble-t-il balisé leur chemin avant qu’ils ne se rendent compte de ces sentiments inédits et éminemment difficiles à accepter : Bruno
tisse par exemple ses premiers liens avec Pablo par le biais d’une série télévisée nommée « Blind »… les personnages auraient-ils été tout ce temps « aveugles » aux sentiments qui naissaient
alors en eux ? On est enfin charmé par tout le mystère qui émane de ce film apparemment anodin, et qui en réalité creuse dans les plus complexes ramifications du cœurs des hommes… « Plan B »
paraît en cela comme baigné de mystère, à l’image des t-shirts de foot que portent les personnages tout au long du film et dont les numéros semblent grandir au fur et à mesure que s’accroît leur
amour : 8, 9, 10… s’agirait-il des différentes étapes à franchir avant de toucher du doigt la vérité du désir ?