jeudi 5 août 2010

On achève bien les chevaux, de Sidney Pollack (Etats-Unis, 1969)



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Note :
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Porté par une mise en scène ample et virtuose dans un espace pourtant réduit à une seule salle de spectacle, « On achève bien les chevaux » est un film remarquable, autant dans sa forme moderne
et brûlante que dans la description profondément amère qu’il livre du monde… Avec un sujet aussi difficile et une perspective aussi sombre et cruelle de l’humanité, sa concrétisation par Sidney
Pollack relève presque du miracle !

En 1932 (on peut déduire l’année exacte de l’action grâce à l’âge d’une vieille dame qu’un personnage calcule à partir de sa date de naissance), alors que les Etats-Unis sont au cœur de la Grande
dépression, suite à la crise de 1929, nombreux sont prêts à tout pour gagner un peu d’argent, comme par exemple participer à un « marathon de danse », où les candidats doivent tenir en mouvement
le plus longtemps possible… Pour un seul chèque de 1500 dollars, ils sont ainsi des dizaines à danser en continue pendant des jours durant, malgré la fatigue et le sommeil. Le spectacle de leur
déchéance au fil du temps est pathétique, mais l’ambiance générale du spectacle l’est probablement bien plus encore ! Un animateur, dont Pollack disait qu’il incarnait à la fois tout ce que
l'Amérique avait de pire et de meilleur, est toujours là pour mener le « show » et le rendre le plus spectaculaire possible auprès d’un public de plus en plus pervers et avide de misère : il
s’agit certainement là du pauvre qui trouve du réconfort à voir quelqu’un d’encore plus malheureux que lui… Le film touche alors du doigt pour mieux les dénoncer les notions de voyeurisme et
d’une société bien plus friande de sensationnalisme que de compassion ou d’humanité. On observe alors la misère humaine, mais bien pire encore l’exploitation de cette misère par la misère et pour
la misère : le spectacle de la déshumanisation n’en finit donc jamais et apparaît ici comme un terrible écho à la société actuelle, notamment avide de scandales et de télé-réalité !

Dans ce huis clos infernal, où les couples de danseurs se portent de plus en plus difficilement et misérablement, le cinéaste parvient à restituer le mouvement avec une fougue incroyable : le
résultat probable de superbes travellings, comme si la caméra dansait autour des corps fatigués et endoloris qui semblent progressivement plus proche de faire du sur-place que de danser
véritablement… Il y a ainsi un étrange paradoxe entre un sentiment d’enfermement tragique (un personnage se met même sur la pointe des pieds pour capter le plus longtemps possible la chaleur et
les derniers rayons du soleil sur son visage à travers une fenêtre surélevée) et celui de spectacle perpétuel. La dimension du show avant tout est impressionnante et vire parfois au sadisme,
voire au tragique, dans certaines séquences qui peuvent mettre très mal à l’aise : l’animateur qui fait disparaître une robe d’une danseuse pour qu’elle ait l’air plus « misérable » parce que le
public en redemande, des personnages gagnés par la folie parce qu’ils n’ont pas dormi depuis trop longtemps, ou encore ces atroces « derby » où les danseurs doivent se mettre à faire la course
pour ne pas être éliminés, alors que tous sont à bout, exténués, mais bel et bien encore prêts à se marcher les uns sur les autres pour y arriver ! La mise en scène dans ces courses abominables
possède un caractère étouffant et déshumanisé cauchemardesque, mais brillamment rendu : les plans sur les visages des candidats sont évocateurs, et la vision de ce couple où la femme, enceinte
jusqu’au cou, se fait traîner par son mari, est définitivement sans concession !

« On achève bien les chevaux » va extrêmement loin dans sa description d’une humanité complètement effondrée… Le personnage principal de Gloria, courageusement interprété par Jane Fonda, finira
même par porter un cadavre sur son dos, l’homme avec lequel elle courrait ayant fait une crise cardiaque sans qu’elle ne s’en rende compte, trop occupée à vouloir gagner à tout prix ! « Danser
jusqu’à la mort », c’est en réalité à une métaphore de la vie que se livre ici le film, mettant en exergue le tragique et l’absurdité de la condition humaine… A la fin du film, quand elle
s’aperçoit de l’hypocrisie de ceux qui organisent le concours et du caractère complètement vain de vouloir le gagner, Gloria et son « cavalier » rencontré pour les besoins du jeu quittent enfin
la piste de danse. Arrivée à l’extérieur, Gloria tient un discours plein d’amertume et de désillusion sur la vie, profondément mélancolique. On se souvient alors de sa réflexion un peu plus tôt à
la participante enceinte : pourquoi vouloir encore faire un malheureux de plus sur cette Terre ? Elle sort alors une arme de son sac et veut en finir avec la vie… Mais même cela, elle n’en a pas
le cran ! Elle demande au garçon qui l’accompagne, avec qui on aurait pourtant pu imaginer un bel « happy end » romantique, de la tuer. Plein de compassion pour ses supplications, le garçon,
d’une nature visiblement simple et naïve, s’exécute alors sans se poser de question : dernier acte absurde d’une vie qui le fut tout autant ! Ce que l’on avait pris pour des flash-back mettant en
scène le jeune homme devant un tribunal tout au long du film se révèlent alors soudain des flash-forward, et en se faisant arrêter par la police, il ne trouve rien d’autre à dire que « on achève
bien les chevaux », réduisant par là même l’humanité à sa seule bestialité, dépourvue de la moindre compassion… L’achèvement abominable d’un film magistral !































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3 commentaires:

  1. Je n'ai vu ce film qu'une fois, il y a bien longtemps. Il m'avait choqué, happé, impressionné. Merci beaucoup de me l'avoir remis en mémoire.

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  2. J'adore ce film, un grand classique !!!!!!!!!  


    Bon week-end "feel-who"...........


    Bisoussssssssssssssssssssssssssssss

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  3. ah ah, merci ! très bon début de semaine à toi ! :)

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