dimanche 8 août 2010

CineMADness : Grace, de Paul Solet (Canada, Etats-Unis, 2008)



grace



 



Note :
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Nouvelle société de distribution française, spécialisée dans le "cinéma d'un autre genre", Cinemadness permet cet été à quatre films de connaître
le privilège de la sortie en salles, alors que leur caractère particulièrement "hors-norme" les vouaient très probablement à ne jamais être distribués en France (ou au pire à sortir directement
en DVD).



 



Pour Madeline, dans la vie tout est « bio » ! Végétalienne convaincue, elle accouchera de son futur enfant de la façon la plus naturelle possible, avec l’aide d’une sage femme tout ce qu’il y a
de plus… spéciale ! Et cela en dépit de l’opposition de sa belle-mère acariâtre et dominatrice, qui ne jure que par l’accouchement hyper médicalisé. Au milieu des deux mégères, il y a le mari,
élément modéré et finalement inutile, qui cherche toujours le compromis entre sa mère et sa future maman de femme… D’ailleurs, c’est bien simple, une fois la fertilisation de sa femme réalisée
(le coït primitif des premières images du film, visiblement pas une partie de plaisir pour la femme, au passage), il pourra disparaître dans un accident de la route, sans que la narration ou
Madeline n’en soit véritablement affectée. Cette absence de rôle déterminant du mari, symptomatique de tous les hommes présents dans le film, qui ne sont généralement que des faire-valoir
obéissants et dociles pour les femmes, en dit long sur le regard du cinéaste (un homme, d’ailleurs !) en ce qui concerne les rapports de genre dans la société : de là à faire de « Grace » un film
éminemment féministe, il n’y a qu’un pas… que l’on hésitera cependant un peu à franchir lorsque l’on observe de quoi ces femmes profondément matriarcales sont capables pour défendre leurs
intérêts !

« Intérêts » qui sont d’ailleurs ici réduits au fondement civilisationnel (si ce n’est biologique ?) du rôle de la femme en ce monde : c’est à dire « enfanter » ! Dans le même accident qui
provoque la mort de son mari encombrant, l’enfant dans le ventre de Madeline perd malheureusement la vie. Qu’à cela ne tienne, aussi improbable que cela puisse paraître, la jeune femme décide de
mener sa grossesse à son terme… C’est là que le film bascule : en accouchant, Madeline voit miraculeusement le petit cadavre reprendre vie, et devant une telle bénédiction elle prénomme sa fille
« Grace » !

Le reste du film est plus ou moins un huis clos à l’intérieur de la maison, où la jeune maman va peu à peu découvrir la véritable nature de son enfant : des mouches lui tournent autour comme
autour d’une charogne (plans magnifiques sur ces insectes volants écrabouillés !), elle tète son sein parfois jusqu’au sang et aura bientôt besoin de biberons remplis à l’hémoglobine pour
satisfaire ses instincts carnassiers précoces ! Le film décrit alors merveilleusement (ou atrocement peut-être ?) l’instinct maternel, qui rend toute femme prête à tout pour sa progéniture, y
compris à renier ses propres convictions : la végétarienne Madeline en viendra par exemple à acheter des kilos de viandes au supermarché pour en extraire le sang, et elle sera finalement amenée à
tuer, puis à trancher des veines aux ciseaux afin de récupérer le précieux liquide, nécessaire à la survie de sa fille… Même réaction chez la belle-mère complètement folle, qui mettra tout en
œuvre pour récupérer l’enfant de son enfant disparu, et qui ira même jusqu’à tester ses mamelles sur un tire-lait, comptant sans doute allaiter elle-même sa petite fille par la suite…

Grand fan de cinéma de genre, revendiquant les influences de Polanski et de Cronenberg (on pense d’ailleurs à « Rosemary’s baby » ou aux premiers films « organiques » du cinéaste canadien), Paul
Solet sait insuffler à son premier long métrage une ambiance travaillée et personnelle. Avec une économie de moyens, il soigne certains effets de sa mise en scène, parfois horrifique, d’autres
fois réaliste, parfois furtive, ou d’autres fois plus diluée… Le climat est en tout cas anxiogène à souhait ! La lumière est magnifique et certains flous creusent le caractère d’ambiguïté de
l’intrigue. Car au fond, de quoi s’agit-il ? Le bébé est-il un zombie ? un vampire ? Madeline est-elle simplement devenue folle après l’accident, auquel cas on assisterait à ses délires éveillés
de grossesse nerveuse ? L’explication sera bien au-delà de toutes les attentes… Le scénario, plutôt malin, semble multiplier les pistes d’interprétation, en demeurant en permanence dans le hors
champ et le non dit…

Tout cela est habile, certes, mais force est de constater que « Grace » n’atteint malheureusement pas complètement l’état de grâce… Le film n’est en effet pas exempt ni de longueurs (rappelons
que le cinéaste s’inspire en fait d’un court métrage qu’il a étiré en long), ni de quelques incohérences. L’interprétation n’est sans doute pas toujours au top non plus, mais il y a sur l’écran
tant de folie et tant d’audace qu’on ne peut qu’en saluer l’effort ! Sans compter l’étrange épilogue final, qui nous rappelle avec beaucoup d’humour (noir) que les vampires lesbiennes ont elles
aussi le droit d’avoir des enfants… « Grace » serait-il en vérité un manifeste militant pour l’adoption des couples homos déguisé en film d’horreur ?



 



Mise en perspective :



- Le site de Cinemadness



- Confession d'un cannibale, de Martin Weisz (Allemagne,
2007)



- Petits suicides entre amis, de Goran Dukic (Etats-Unis,
Grande-Bretagne, 2006)



- Donkey Punch, d’Olly Blackburn (Grande-Bretagne, 2007)































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4 commentaires:

  1. Voila une critique que j'attendais car j'en au lu plusieurs et les avis divergent.


    Je pense finalement le voir car ce film m'intrigue.

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  2. oui, même s'il n'est pas parfait, il a au moins le mérite de son originalité ! à voir pour tout amateur de cinéma de genre !!

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  3. Alléchant (sans mauvais jeu de mots !). Maintenant, faut le trouver...

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  4. Ah bah merdre... chuis déçu... perso j'ai ADORé ça !!!

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