samedi 31 juillet 2010

Jeu "Oh my Godzilla !" : Joueur 3 (Brodeuse-bazar)


Pour sa participation au grand concours de l'été (pour lequel il ne vous reste plus que
jusqu'au 21 août pour jouer !)
, la brodeuse est joueuse et nous livre un magnifique Godzilla tout cousu, qui se retrouve affublé d'un "H"
impromptu mais néanmoins hautement significatif : qui n'a pas en effet un jour hurlé à la vue du terrifiant monstre vert Godzillaaaaaahhhh !!!



 



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vendredi 30 juillet 2010

Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois (France, 2010)



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Note :
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Grand prix du Jury au Festival de Cannes



 



Sortie nationale le 8 septembre 2010



 



« Des hommes et des dieux » décrit les derniers jours de sept moines français installés dans le monastère de Tibéhirine, qui furent enlevés puis assassinés par un groupe armé islamiste. Si le
film s’appuie bel et bien sur ce fait historique authentique, sur lequel planent encore certains doutes aujourd’hui, ce n’est pas pour en livrer une vision rigoureuse, documentée ou illustrative.
Xavier Beauvois se sert en réalité ici de l’Histoire comme d’un prétexte pour raconter une véritable odyssée spirituelle et humaine…

Le cinéaste plutôt peu prolifique livre un travail de mise en scène remarquable et exemplaire : des cadrages souvent quasi picturaux, inspirés de la peinture religieuse, une belle mise en relief
de paysages de montagnes sublimes, une exploitation de la lumière intense et réfléchie… le tout servi par une interprétation tout à fait juste et sans bavure, d’un casting très classe, à
commencer par Lambert Wilson et Michael Lonsdale, tous les deux impeccables ! En exploitant ainsi un tel sujet et en lui offrant une réalisation à la fois simple, précise et très pure, il offre
finalement un film en tout point inattaquable, au service d’un message indiscutablement recevable, baigné par une spiritualité et une humanité magnifique, prônant les notions d’entraides et de
sacrifices de la part de ces moines admirables, qui offrent leurs vies à la cause d’un pays qui n’est pas le leur… Qui a dit « bons sentiments » ?

Car au fond, c’est peut-être le problème d’une œuvre qui se veut trop parfaite : servir quelque chose de tellement beau et touchant, de si parfaitement idéalisé, que ça en devient trop lisse et
un tout petit peu chiant… Suffit-il de livrer une nouvelle Cène à la Dreyer (le dernier repas des moines dans le monastère), sur la musique du « Lac des cygnes », pour faire du mystique à la
Dreyer ? N’y a-t-il pas aussi dans le geste de Beauvois une question d’époque différente ou d’imitation un peu trop simiesque ? A trop vouloir être intouchable dans sa forme comme dans son
discours, Beauvois prend en somme le risque de devenir pénible et décevant, voire carrément trop consensuel… Le tout est à l’image de cette ultime séquence, où la mort des moines est laissée à
l’imagination du spectateur : on les voit doucement disparaître dans la brume, comme digérés par l’immensité du paysage… Tout semble alors trop calme. Où est donc passé la fougue du cinéaste et
tout son talent « à vif », toute cette urgence de faire du cinéma, toute cette violence contenue aussi, que l’on voyait dans le magnifique « N’oublie pas que tu vas mourir » ou même encore dans «
Le petit lieutenant » ? Mais c’est peut-être ça, hélas, ce que l’on appelle la « maturité »…



 



Mise en perspective :



- La Palme d'or du
Festival de Cannes : Oncle Boonmee (celui que se souvient de ses vies antérieures), d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande, 2010)































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jeudi 29 juillet 2010

Mon cinémABC


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Sur une idée de Samom, voici « mon cinéma de A à Z », à la façon d'un abécédaire plus sensible
qu'exhaustif :


A comme « A bout de souffle » ou la naissance du cinéma
moderne selon « God »-ard

B comme Série B : désignant simplement à l’origine un film réalisé avec un budget très limité projeté en même temps qu’un autre film plus luxueux de « série A », le terme est
aujourd’hui utilisé pour évoquer tout un tas de longs métrages fauchés et / ou risibles, mais souvent traversés par une ingéniosité et une créativité très particulière et réjouissante… Des
pépites savoureuses peuvent briller dans tout ce grand n’importe quoi !

C comme Cinéma : ça me paraissait évident de le placer celui-là ! C comme Plan C aussi, comme un bon "Plan Cinéma" à défaut d'un bon Plan
C..

D comme « Dancer in the dark » : un véritable électrochoc dans la vie d’un jeune cinéphile…

E comme « E.T. l’extraterrestre », de Steven Spielberg : probablement mon tout premier souvenir de cinéma… au cinéma ! (je devais avoir 4 ans... ce qui vous permettra ainsi de
connaître mon âge avancé, l'air de rien !)

F comme Festival : Cannes et Paris cinéma restent pour moi les deux grandes références !

G comme Godzilla bien sûr ! D’ailleurs, si vous n’avez toujours pas
participé au super concours que j’organise cet été, c’est le moment de vous lâcher sur ce géant vert


H comme Honoré, Christophe : un des cinéastes les plus doués et les plus attachants de sa génération !

I comme Itchcock (puisque H était déjà pris et que ça me semblait comme une évidence…)

J comme Jacques Demy et ses merveilleuses comédies musicales « en chanté »…

K comme Kinoton : il s’agit bien sûr d’un modèle de projecteur professionnel pour les salles de cinéma, mais ce nom évoque surtout l’enthousiasme de Dominique Farrugia dans « La
cité de la peur » à l’idée de voir « en vrai » une Kinoton ! Trop content, il vomit bien sûr… Parce que c’est aussi ça, le cinéma !

L comme Lumière : l’origine du cinéma… La lumière d’une ampoule pour projeter un film sur écran, ou deux frères Lumière qui en ont eu simplement l’idée…

M comme Monde, que le cinéma sait tellement bien représenter… Souvent même beaucoup mieux que le vrai !

N comme Nouvelle vague, comme Godard, comme Truffaut, comme tant d’autres et tous ceux qui ont suivi…

O comme « Oncle
Boonmee
»
, l’une des Palme d’or les plus excitantes de ces dernières années !

P comme « Pulp fiction », une autre Palme d’or et un cinéaste passionné qui a marqué ma mémoire de «
cinéphile cinéphage »…

Q comme X

R comme Robert Bresson : « Pickpocket », « L’argent », un âne… et puis surtout le diable, probablement !

S comme « Six feet under » : parce que la télévision aussi sait parfois atteindre les sommets du 7e art…

T comme « Tarnation » et comme tous ces films complètement hors norme auxquels on ne peut plus échapper une fois les lumières rallumées dans la salle…

U comme Universel, Ultime et salvateur : ma définition du cinéma.

V comme Van Sant, Gus : le génie cinématographique contemporain à l’état brut !

W comme « Were the world mine », parce que je trouve que je ne vous en ai
pas encore assez parlé et pour la réunion que ce film opère de deux de mes passions fondamentales : les comédies musicales et les garçons sensibles… (qui a dit que les deux étaient forcément liés ?)

X comme Q

Y comme lYnch, David et son univers incroYable et fascinant… étrange aussi, comme le Y de son nom parfois ! (mais non, moi je ne trYche jamais dans la vie !)

Z comme Zut, parce que là j’ai plus d’idées et qu’un seul mot par lettre pour réduire ma passion proliférante, c’est tout simplement impossible !































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mercredi 28 juillet 2010

Godzilla vs. Mechagodzilla, de Jun Fukuda (Japon, 1974)


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Note :
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Naguère exploité en France sous le titre plutôt plaisant de « Godzilla contre Mekanic Monster », ce « Godzilla contre Mechagodzilla » célébrait en 1974 rien de moins que le 20e anniversaire de la
saga du monstre vert… Réalisé juste après « Godzilla vs Megalon », du même Jun
Fukuda (qui réalisa en tout pas moins de 5 « Godzilla » : un must !), ce film demeure hélas nettement moins amusant, mais possède néanmoins quelques aspects étonnants, qui le rendent notable et
novateur…

Tout d’abord, histoire de célébrer ces deux décennies godzillesques dans la joie et la bonne humeur, il fallait bien trouver une idée complètement ouf : ce sera le fameux Mechagodzilla, qui est
en réalité un double de Godzilla, mais en version robot, construit en « titanium cosmique » par des méchants extraterrestres qui cherchent à prendre le pouvoir sur Terre ! On est d’ailleurs
surpris au début du film de voir ce Godzilla aux mouvements étrangement mécaniques et figés… Et quel incroyable suspense lorsque l’on voit entrer en scène un second Godzilla (cette fois-ci le
vrai, mais on ne le sait alors pas encore !), qui se bat méchamment contre le premier. L’idée d’un Godzilla articulé avait ainsi de quoi séduire, surtout qu’elle surfait sur la mode japonaise des
robots géants (type Goldorak), alors balbutiante à l’époque… Sauf qu’ici, le scénario se perd un peu trop souvent dans d’inutiles complications, au mieux ennuyeuses et au pire complètement
imbitables : une prêtresse et une prophétie annoncent l’arrivée des monstres, une grotte mystérieuse est découverte, de nombreuses personnes se disputent une étrange statuette, qui représente
King Seezer, un monstre plutôt ridicule avec ses oreilles de lapin et son museau canin qui fera une apparition sans grand intérêt à la fin… Fallait bien meubler en fait ! Tout comme lorsque le
film se perd dans une pseudo-intrigue d’espionnage et d’opposition entre les humains et les extraterrestres, qui prennent d’ailleurs l’allure de gros lézards verts en mourant (le film aurait-t-il
influencé la série « V » ?)

Mais bon, tout cela ne gâche pas non plus le plaisir un brin coupable que l’on prend toujours à ces séquences incroyables de combats de monstres improbables, avec rayons lasers multicolores et
molestages bien bourrins à l’appui ! Il paraît qu’au cours du tournage, le costume de Godzilla a malencontreusement pris feu : eh bien qu’à cela ne tienne, la séquence fut montée telle quelle
dans le film ! Les décors plutôt kitsch prêtent aussi souvent à sourire, tout particulièrement la base secrète des extraterrestres, qui rappellent les vieilles séries de SF américaines (genre «
Cosmos 1999 »), et de nombreuses scènes assez pitoyables nous mènent carrément à l’éclat de rire : la chanson de la prêtresse pour appeler à l’aide le neuneu King Seezer ; les dialogues hyper
explicatifs et artificiels pour permettre au spectateur d’être moins perdu ; les monologues à voix hautes des personnages alors qu’ils sont tout seuls pour les mêmes raisons… Quant à la fin,
alors que Mechagodzilla a été mis hors d’état de nuire, on se marre plutôt bien en voyant les autres monstres repartir gentiment se coucher dans leur coin, en particulier King Seezer (encore lui
!), qui se laisse même enterrer vivant bien tranquillement…



 



Mise en perspective :



- Godzilla & Mothra : The battle for Earth, de Takao Okawara
(Japon, 1992)



- Godzilla vs Megalon, de Jun Fuguda (Japon, 1973)































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mardi 27 juillet 2010

Yoyo, de Pierre Etaix (France, 1964)



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Note :
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Après 20 ans d’obscurs aléas juridiques, durant lesquels toute exploitation de ses films était devenue impossible, Pierre Etaix peut enfin proposer au public de (re)découvrir l’intégralité de ses
films en version restaurée. Avant un coffret DVD à paraître à la rentrée, vous pouvez aller les admirer en salles durant tout l’Etaix été !

« Yoyo » demeure son film référence, sa « somme cinématographique », ce qui est considéré par beaucoup comme son chef d’œuvre ! Il s’agit en réalité de son deuxième long métrage, tourné juste
après « Le soupirant » de 1962. Co-écrit avec Jean-Claude Carrière, Pierre Etaix y raconte une belle chronique familiale à travers le temps, mais il met surtout une mise en scène intelligente et
riche d’audaces formelles au service de sa narration… Tout commence dans les années 1920, dans un grand château où vit un riche aristocrate… qui s’ennuie cruellement, errant dans les nombreuses
pièces de son immense demeure, bourrée de richesse et de domestiques (en moyenne deux domestiques postés devant chaque porte). Il conserve le portrait d’une femme qu’il a aimé, et qu’il finit par
retrouver lors du passage d’un cirque près de chez lui et dans lequel elle dresse des chevaux. Il la reconnaît et elle lui présente son fils : le fameux Yoyo du titre… Puis vient l’année 1929,
avec sa grande crise et l’avènement du parlant au cinéma !

Et c’est bien là que le film d’Etaix trouve toute sa force : jusque-là film muet en noir et blanc, en parti sonorisé par des bruits et agrémenté de quelques cartons de textes comme aux premiers
temps du cinéma, il devient soudainement film parlant, évoluant simultanément avec la progression temporelle de la diégèse… Désormais sans argent, la petite famille part en carriole sur les
routes et présente un spectacle de ville en ville, dans lequel le petit Yoyo prend goût au monde du spectacle vivant. Ellipse : Yoyo est devenu adulte et un grand artiste reconnu et fortuné… Il
est clown et homme d’affaire, deux choses qu’il a visiblement du mal à concilier. L’argent lui brûle les mains, surtout qu’il investit tout pour rénover l’ancien château délabré de son père !
Pierre Etaix, qui interprétait jusque-là le père se met alors dans la peau de Yoyo : le film gagne en puissance évocatrice et devient profondément émouvant…

Mais « Yoyo » demeure avant tout une immense comédie ! Les gags s’enchaînent à une vitesse incroyable, le film est truffé d’un humour furieusement dynamique et inspiré, tout en faisant preuve
d’une originalité et d’une inventivité visiblement sans bornes… Le farniente de l’homme riche et seul dans son château, les représentants en « rire » qui défilent dans le bureau de Yoyo, le
voyage de la petite famille dans la caravane : on rit toujours de bon cœur, souvent grâce à un comique très visuel, tout à la fois énorme et subtil : Etaix se situe quelque part entre Charlie
Chaplin et Jacques Tati (avec qui il a d’ailleurs travaillé), sans rien à avoir à envier ni à l’un ni à l’autre… C’est fin, c’est beau, c’est plein de poésie ; c’est merveilleusement écrit et
magnifiquement pensé ; c’est hilarant tout en demeurant profondément humain et généreux. Encore bravo, Monsieur Etaix !































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lundi 26 juillet 2010

Dernières séances : Carlos, Dirty Diaries, Contes de l'âge d'or 2


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Carlos
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d’Olivier Assayas (France, 2010)
> Peu enclin à ce genre de cinéma, Assayas réalise pourtant haut la main son « Che Guevara » perso, même s’il choisit une figure nettement plus trouble du terrorisme international… Il est
d’ailleurs étonnant de voir parfois Carlos apparaître comme une vraie rock star sous le regard de sa caméra, lunettes noires et tout sourire à bord d’une voiture de luxe devant une foule de
journaliste. L’utilisation de la musique, juste excellente, participe amplement à cette idolâtrie médiatique ! La chronique prend pourtant des allures de grande fresque, à la fois ample et
bigrement efficace, entre trouble et fascination ! Si la mise en scène est indéniablement brillante et énergique, l’acteur Edgar Ramirez, intense et impressionnant, y est aussi pour quelque
chose…

Contes de l’âge d’or : 2e partie
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film collectif de Ioana Uricaru, Hanno Höffer, Rãzvan Mãrculescu, Constantin Popescu, Cristian Mungiu (Roumanie, 2010)
> Trois nouvelles « légendes urbaines » au temps du régime de Ceausescu en Roumanie, orchestrées et scénarisées par le cinéaste Cristian Mungiu : Même si l’ensemble est sans doute plus inégal
et moins prenant ou déjanté que dans la première partie, on reste assez fasciné
par quelques trouvailles savoureuses : dans une fable, on n’est plus face à un voleur de poules mais carrément face à un voleur d’œufs de poules (!), quant à l’histoire des jeunes gens qui
détournent des bouteilles consignées en faisant croire à leurs concitoyens qu’ils doivent analyser leur air en bouteilles pour le ministère, elle prête plus d’une fois à sourire !

Dirty diaries 
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film collectif de Elin Magnusson, Sara Kaaman, Ester Martin Bergsmark, Åsa Sandzén, P. Harlow (Suède, 2010)
> Un ensemble de courts métrages pornographiques réalisés par des femmes, montrant donc le plaisir féminin et faisant ainsi acte de propagande féministe… Le concept est certes original, loin
du porno traditionnel et « héroïque » (culte de la performance typiquement
masculin ?), permet souvent d’insérer dans les petits films un décalage salvateur ou un humour pétillant, mais force est de constater que le tout est bien inégal et que nombre des tentatives
demeurent un inventaire de positions d’une sexualité purement mécanique et fantasmatique, crue et parfois vulgaire, qui nous amène plus souvent du côté du documentaire médical que du geste
artistique !































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dimanche 25 juillet 2010

Inception, de Christopher Nolan (Etats-Unis, Grande-Bretagne, 2010)



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Note :
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Toupie or not toupie ?



 



« Inception » réussit le pari formidable du film populaire « intelligent », qui parvient à rassembler un large public, du plus bourrin au plus subtil… Les nombreuses séquences de fusillades et
explosions en tout genre, tout comme la multiplication d’effets spéciaux époustouflants participant à la déformation constante du réel, satisferont haut la main les amateurs d’un cinéma de
l’esbroufe, dans lequel l’étalage de gros moyens à l’écran peut suffire à faire un film. Cependant, « Inception » ne se contente pas d’être un catalogue m’as-tu-vu d’images tape-à-l’œil et
bruyantes, il propose avant tout une histoire passionnante et complexe, brillamment écrite et mise en scène… C’est merveilleux de pouvoir constater que quand le Blockbuster se fait cérébral, on
peut se distraire sans s’abrutir !

On est plongé dès les premières minutes du film dans un univers merveilleux et onirique, plutôt intelligemment présenté… Le suspense est bien exploité, laissant entrevoir les différents éléments
de l’histoire progressivement, de façon harmonieuse et cohérente. Dans cette impressionnante histoire fantastique, dans laquelle la science-fiction n’est largement pas en reste, on fait la
connaissance de Dom Cobb, brillant « extracteur » de souvenirs et de secrets dans le subconscient des individus, qu’il leur dérobe dans leurs rêves… Accusé d’avoir assassiné sa femme, il ne peut
plus rejoindre ses enfants sur le territoire américain : s’il accepte de réaliser une « inception » dans le cerveau d’un jeune héritier (c’est à dire l’inverse d’une « extraction », soit
l’intégration d’une pensée dans son subconscient), un riche industriel lui promet de mettre fin à son exil. Ce type d’opération est cependant difficile et nécessite de pénétrer profondément le
subconscient de la victime, par le biais des rêves emboîtés les uns dans les autres… On est alors impressionné par l’incroyable virtuosité avec laquelle Nolan met en scène les différents degrés
de rêves. Le film se fait jouissance pure, entre parcours labyrinthique précisément décrit et sensation d’apesanteur à la fois très belle et poétique (certaines scènes où tout semble flotter
paraissent comme des références à « 2001 : l’odyssée de l’espace »). On reste bluffé par la maîtrise formelle de l’ensemble et par la capacité du scénario à nous plonger avec une telle aisance
dans cette complexe construction gigogne !

Dans ce grand tout hyper léché, signalons aussi des acteurs hyper léchables : Leonardo DiCaprio, Cillian Murphy, Joseph Gordon-Levitt… Tous sont parfaitement désirables, à l’exception bien sûr de
la neurasthénique et agaçante Marion Cotillard ! Deux autres petites choses gênent également dans « Inception », sans pour autant vraiment gâcher le plaisir du spectacle et du spectateur : la
voix d’Edith Piaf comme gimmick de passage entre les différentes strates des rêves (est-ce la présence de la Cotillard qui a influencé ce choix plutôt inattendu ?), et le rôle de DiCaprio, avec
ce « twist » final que l’on voit un peu venir de loin, et qui ressemble étrangement à celui de « Shutter Island »…

Parlons-en, justement, de ce retournement de situation final, sur lequel le film mise toute son ouverture : un simple plan sur une toupie qui tourne sur une table parvient à faire se poser au
spectateur des questions les plus complexes ! En effet, sachant que si la toupie ne s’arrête pas de tourner, c’est le repère pour Cobb qu’il se trouve toujours dans un rêve, le fait que le
personnage se détourne de la toupie pour aller rejoindre ses enfants et que nous seuls voyons la toupie continuer de tourner avant un plan noir final assez brutal, cela peut signifier très
exactement une chose et son contraire. On reste dans l’incertitude la plus totale : la toupie continue-t-elle vraiment de tourner sur la table après ce dernier plan ? Cobb est-il encore en train
de rêver ? Cela signifierait-il que tout le film n’est finalement qu’un rêve dépourvu de réalité, auquel cas il se peut qu’il s’agisse du rêve qu’il a décidé de faire avec sa femme soi-disant
morte, et que celle-ci s’en soit libérée pour retourner dans la réalité en sautant de la fenêtre de l’hôtel, quand Cobb a pour sa part refusé de sauter et ainsi de rejoindre le monde réel,
pensant justement qu’il y était déjà ? Ou alors plus simplement, plus sournoisement aussi, Nolan veut nous signifier que la réalité n’existe finalement nulle part, ou qu’au contraire elle est
partout à la fois, dans tous les degrés de rêves que l’on nous a présenté, qui sont en fin de compte chacun comme autant d’univers ou de monde parallèles possibles et coexistants les uns avec les
autres ? Le film serait alors une fable métaphysique qui questionne et qui met à l’épreuve avec beaucoup de grâce le principe même de réalité…



 



Mise en perspective :



- Shutter Island, de Martin Scorsese (Etats-Unis, 2010)



- Total recall, de Paul Verhoeven (Etats-Unis, 1990)































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samedi 24 juillet 2010

Le premier qui l’a dit, de Ferzan Ozpetek (Italie, 2010)



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Note :
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Ce qui est bien avec « Le premier qui l’a dit », c’est que c’est un film qui n’est pas QUE sur le sujet qu’il prétend exploiter… C’est finalement un film plus généraliste, qui parle aussi bien
d’homosexualité et de coming-out à sa famille, que des relations et des secrets familiaux, ainsi que des rapports humains de façon très élargie (sans mauvais jeu de mots). La tonalité du film est
aussi très variée, puisque l’on peut y rire autant que l’on peut y pleurer… Enfin, on y rit quand même plus, en fait, mais la présence de nombreuses scènes pleines d’émotion et de tendresse vient
atténuer l’aspect premier de pure comédie…

L’histoire n’est pas forcément super originale, mais elle a le mérite d’être assez riche, bien écrite et plutôt bien équilibrée d’un point de vue purement rythmique… Lors d’une réunion de famille
chez les Cantone, à la tête d’une riche entreprise de pâtes (forcément, le film est italien !), Tommaso, le fils parti à la grande ville, veut révéler son homosexualité et son envie de devenir
écrivain, pour se libérer de l’avenir de chef d’entreprise auquel son père le destine… Sauf que son frère, qui gère déjà un peu les affaires, le devance en faisant lui-même son coming-out. Devant
le scandale et le malaise cardiaque du patriarche, Tommaso se voit malgré lui contraint de se taire et de prendre la place de son frère dans l’entreprise… Les quiproquos et les scènes de
vaudevilles s’enchaînent et se multiplient frénétiquement, et la fête bat son plein quand les amis homosexuels de Tommaso décident de lui faire une visite surprise dans la maison familiale... Le
film alterne alors avec une certaine habileté différents niveaux de comédie, faisant parfois le grand écart entre la grosse comédie hystérique débridée et un autre genre d’humour plus subtil…

Entre la fraîcheur de la bande originale (parfois reprise en cœur par les plus « folles » des personnages…) et les beaux paysages méditerranéens, sous le soleil de l’Italie, on se laisse emporter
avec beaucoup de plaisir et de facilité par ce film sympathique et léger, qui enfonce peut-être parfois des portes ouvertes (les homosexuels ne seraient pas des personnes si différentes des
autres, Ferzan Ozpetek ne serait quand même pas « le premier qui l’a dit », pour le coup !), mais qui n’en demeure pas moins assurément la comédie surprise de l’été ! Elle fourmille de très beaux
personnages, parfois exubérants, parfois très attachants, mais qui ne laissent en tout cas pas indifférent ! Nicole Grimaudo incarne notamment un très beau personnage féminin, à la fois un peu
fou et tout en nuance dans cet air d’amoureuse transie d’un beau garçon homo… joué quant à lui par Riccardo Scamarcio, ce très bel acteur au regard si doux et hypnotique que l’on est si heureux
de revoir après le très beau « Eden à l’Ouest » de Costa-Gavras l’année dernière ! Son personnage est profondément émouvant, hésitant fébrilement comme pris entre deux feux, entre son ami et sa
famille. Sa sœur lui demandera : il est « gay » certes, mais est-il seulement « heureux » ? Au fond, c’est peut-être surtout ça, la clé de la vie et du bonheur…































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vendredi 23 juillet 2010

Le fil ciné de Phil Siné 4 : Mois d'avril 2010


Le "fil ciné de Phil Siné", c'est la synthèse mensuelle des films que je vois au cinéma, en DVD, à la TV ou par le biais de tout autre moyen ou support... Il s'agit ainsi de dresser un bilan très
personnel et subjectif, un "vade mecum" récapitulatif et synthétique de ma "cinémathèque virtuelle", afin de pouvoir la parcourir d'un seul regard ! Les films y sont classés par niveau
d'appréciation, ce qui permet de repérer leur intérêt en un clin d'oeil. Un lien vers la chronique critique des films est fait lorsque celle-ci existe sur le blog et un avis succinct est parfois
proposé pour les autres films...



 



mammuth
daniel ana
london nights



 



En avril 2010, Phil Siné a vu 36 films au total. 30 ont été vu au cinéma, parmi lesquels 23 films sortis en 2010 (surlignés en rouge). Parmi les 36 films, 11 sont français et 14 sont
américains.



 




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Les chaussons rouges, de Michael Powell
et Emeric Pressburger (Grande-Bretagne, 1948)



Daniel & Ana, de Michel Franco
(Mexique, 2010)



Morse : Let the right one in, de Tomas Alfredson (Suède,
2009)



New York, New York, de Martin Scorsese (Etats-Unis,
1977)




 




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Hedwig and the angry inch, de John Cameron Mitchell
(Etats-Unis, 2001)



Lifeboat, d’Alfred Hitchcock (Etats-Unis, 1943)



London Nights, d’Alexis
Dos Santos (Grande-Bretagne, 2010)




Mammuth, de
Gustave Kervern et Benoît Delépine (France-Groland, 2010)




Les raisins de la colère, de John Ford (Etats-Unis, 1940)
> Un sublime hommage au prolétariat et aux masses laborieuses de tout temps ! Fable
cruelle et implacable sur l'exploitation éternelle de l'homme par l'homme, sur fond de chronique familiale déchirante... Inoubliable !

 




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Les arrivants, de Claudine Bories et Patrice Chagnard (France, 2010)
> Un documentaire passionnant sur la CAFDA, qui essaie d’aider les demandeurs d’asiles qui arrivent à Paris. On assiste à la difficulté des assistantes sociales
pour gérer des familles complètement démunies. Leur travail s’avère souvent décourageant et vain, et une forte implication physique et psychique les mène souvent au bord des larmes… Heureusement,
des scènes souvent très humaines, parfois drôles, viennent tempérer la tragique réalité !



Domaine, de Patric Chiha (France-Autriche,
2010)



L’épine dans le cœur, de Michel Gondry (France,
2010)




Huit fois debout, de Xabi Molia (France, 2010)



Les invités de mon père, d’Anne Le Ny (France, 2010)



Kick-Ass, de Matthew Vaughn (Grande-Bretagne, Etats-Unis,
2010)




Lignes de front, de
Jean-Christophe Klotz (France, 2010)



Nuits d’ivresse printanière, de
Lou Ye (Chine, 2010)



The Rocky Horror picture show, de Jim Sharman (Etats-Unis,
1975)



Stalker, d’Andreï Tarkovski (Russie, 1979)



 




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Ajami, de Scandar Copti et Yaron Shani (Israël-Palestine, 2010)
> Si un film réalisé à quatre mains par un Juif et un Palestinien fait rudement plaisir à voir, l’aspect un peu brouillon et peu rigoureux de la mise en scène
rend le film parfois flou ou ennuyeux… Les méthodes de tournage, notamment l’utilisation de comédiens non-professionnels  vivant à Ajami, confèrent au long métrage une texture documentaire
intéressante et souvent troublante.



La comtesse, de Julie Delpy (France, 2010)
> Julie Delpy surprend avec cette évocation de la comtesse Bathory, entre drame romantique et fable sur les ravages du temps, à tendance horrifique... Nul excès
cependant dans le mise en scène, souvent d'une sobriété glaçante, et beaucoup de finesse font de cette oeuvre une splendide curiosité !



Hana-Bi (Feux d'artifice), de Takeshi Kitano (Japon, 1997)



> Un style fort et des images poétiques, ponctuées de furieux instants de violence ou de quelques moments d'humour décalé. On a cependant du mal à rentrer
pleinement dans l'intrigue...



Jarhead, la fin de l'innocence, de Sam Mendes (Etats-Unis, 2005)



> Un très beau manifeste anti-guerre, depuis les premières classes d’un soldat jusqu’à son expérience du terrain et son retour à la civilisation, l’âme pour
toujours marquée par ce voyage au bout de l’enfer… Pertinente et impressionnante évocation de la première Guerre du Golfe, le film souffre cependant de la comparaison aux chef-d’œuvres qui l’ont
précédé, signés Kubrick ou Coppola.



Lenny and the kids (Go get some Rosemary), de Joshua &
Benny Safdie (Etats-Unis, 2010)



Le mariage à trois, de Jacques
Doillon (France, 2010)



New York, I love you (Etats-Unis,
2010)



 




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Les
aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, de Luc Besson (France, 2010)



Ensemble, nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour, de Pascal Thomas (France, 2010)



Green Zone, de Paul Greengrass (Etats-Unis-Grande-Bretagne, 2010)
> Un film anglophone qui s’essaie à dénoncer les manipulations et les mensonges de l’administration Bush à l’époque de son entrée en guerre contre l’Iraq de
Saddam Hussein, ça fait quand même rudement du bien… Dommage que le style du film, « efficace » et « bourrin », ne suffit pas à en faire une œuvre véritablement politique !



Snake Eyes, de Brian De Palma (Etats-Unis, 1998)



> Un bel exercice de style, basé sur le pouvoir des images et leur mystification. Peut-être un peu trop "technique" et pas assez "sensible"...



Téhéran, de Nader T. Homayoun (Iran, 2010)
> Une sombre histoire de trafic de bébés, tournée clandestinement à Téhéran. La mise en scène, nerveuse et sauvage, plutôt efficace, rend compte de cette dimension d’images volées, comme
furtives…



 




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The Game, de David Fincher (Etats-Unis, 1997)



> Un film sans queue ni tête, au scénario dans lequel le "héros" est mené en bateau, embarquant avec lui le spectateur dans un "jeu" absurde et vain, duquel naît
très vite un abyssal ennui...
Beaucoup de moyens, peu d'effets !



Greenberg, de Noah Baumbach (Etats-Unis, 2010)
> Un film complètement neurasthénique sur la neurasthénie d'un homme et de son chien : malgré quelques bonnes blagues, une telle confusion du fond et de la forme
s'avère bien trop éprouvant pour ne pas s'ennuyer ferme !



Henry, de Kafka et Pascal Rémy (France, 2010)



> Un film plutôt médiocre dans son ensemble, notamment à cause d'un scénario pauvre et mal construit. On éprouve quand même un certain plaisir à revoir Elise
Larnicol et "Kafka", dans le rôle d'un méchant cynique assez proche de son personnage de Francis Kuntz, le journaliste le plus répugnant et vénal du Groland !



 




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Le choc des Titans 2D,
de Louis Leterrier (Etats-Unis, 2010)



L'histoire sans fin 3 : Retour à Fantasia, de Peter MacDonald (Etats-Unis, 1995)



> Le pire épisode de la saga, d'une laideur absolue et d'un ridicule monumental, à mille lieues de l'univers subtil, magique et poétique du roman de Michael
Ende...































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jeudi 22 juillet 2010

Total recall, de Paul Verhoeven (Etats-Unis, 1990)



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Note :
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Tel Tchouang Tseu rêvant qu’il est un papillon rêvant qu’il est Tchouang Tseu, Arnold Schwarzenegger ne sait plus, dans « Total Recall », s’il est Douglas Quaid rêvant qu’il est Howser ou Howser
rêvant qu’il est Quaid… Car dans ce film, il faut bien dire que Paul Verhoeven s’applique avec beaucoup d’énergie à brouiller les pistes entre le monde du rêve et celui de la réalité ! Basé sur
une nouvelle de Philip K. Dick, le scénario a effectivement de quoi séduire : le futur avec la conquête de la planète Mars ou la multitude de petits détails de la vie quotidienne en 2084
(référence orwellienne à « 1984 » ?), la science-fiction avec cette entreprise qui « implante » des souvenirs directement dans le cerveau humain, ou encore bien sûr cette accumulation d’indices
contradictoires nous empêchant définitivement de démêler la réalité ou l’irréalité de toute cette histoire ! Bien avant tous les « Matrix », les « Inception » et consorts, « Total recall »
s’imposait dès le début des années 90 dans l’exploration des différents degrés de réalité et sur la mise en doute de l’existence même de la réalité… Car au fond, qu’est-ce qui nous prouve que
nous sommes bien là en ce moment à cet endroit du monde ? La vie n’est-elle finalement pas qu’une illusion ? Le personnage de Quaid n’est-il pas simplement ici en train de se réaliser dans un «
pur songe » ? Quant à la vérité, au fond, elle importe peu, si tant est bien sûr qu’elle existe… Ce dont on peut douter du début à la fin du film, qui se termine d’ailleurs sur une illusion : les
personnages se demandent encore s’ils ne sont pas « vraiment » en train de rêver ! Ce qui provoque ironiquement la venue d’un cliché tout hollywoodien pour conclure l’action : le personnage
féminin somme le héros masculin, si tout cela n’est qu’un rêve, de vite l’embrasser fougueusement avant qu’il ne se réveille… « The end ! » Jolie pirouette, romantique et romanesque, qui nous
laisse au fond guère plus avancé, condamné à nous poser indéfiniment des questions sans réponses définitives ! Ce qui justement donne au film toute sa force…

Mais bien avant d’être une intense et passionnante réflexion métaphysique et existentialiste qui explore notre essence et notre conscience (même parfois « sub- »), « Total Recall » demeure quand
même un bon gros film d’action bien décontracté du gland ! On y trouve de fabuleux décors (Mars, le futur, tout ça…), des effets spéciaux à foison (qui demeurent tout à fait dignes et épatants
encore aujourd’hui), un casting plutôt bien membré… Qu’il s’agisse de Michael Ironside ou de Schwarzie, qui, malgré une carrière déjà longue (et bien médiocre), lançait là sa véritable gloire
financière juste après « Predator » et juste avant une longue série de gros succès au Box-Office ! (« Terminator 2 » n’allait alors plus tarder…) On y trouve également la toute pimpante Sharon
Stone, que Verhoeven allait d’ailleurs bientôt plus largement dévoyer avec son « Basic instinct » : une « étoile » était alors née !

Sous des faux airs de film à gros budget pour les gros bourrins (pour faire simple : de l’action, du cul, de la violence et de la réplique culte qui tache (« considère ça comme un divorce » dans
la bouche de Schwarzie en train de butter sa femme demeure encore dans toutes les mémoires)), « Total recall » délivre ainsi en réalité d’infinies subtilités et s’avère une aventure pleine de
piquant, carrément sidérale (dans tous les sens du terme !) et en définitive assez merveilleuse…



 



Mise en perspective :



- La critique du film par des spécialistes































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mercredi 21 juillet 2010

Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande, 2010)



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Note :
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Palme d’or au Festival de Cannes



 



Sortie nationale le 1er septembre 2010



 
« Les Cahiers du cinéma » titrait son numéro de juin dernier : « Une palme de rêve »… On peut en effet considérer « Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures », le nouveau film
d’Apichatpong Weerasethakul, palme d’or au dernier festival de Cannes, comme un pur moment d’onirisme, et cela d’un double point de vue ! D’abord par rapport au film lui-même, qui, par sa forme,
sa syntaxe, son rythme, sa dimension étrange et fantastique, ressemble à un grand rêve éveillé, à regarder les yeux grands ouverts… Ensuite parce que récompenser un tel film par le prix suprême
du Palmarès cannois demeure un geste d’une audace folle et insensée, que l’on aurait jamais osé imaginer même dans nos rêves les plus fous et que Tim Burton et son jury ont pourtant réalisé en un
simple battement de cils, et visiblement bien éveillés…

Car il faut bien le reconnaître : une œuvre comme « Oncle Boonmee » est loin d’être une évidence pour la plupart des gens… Elle appartient à une cinéphilie exigeante et inhabituelle, flirte
largement avec un art des plus expérimental qui ne manquera pas de déconcerter, de prime abord, la plus grande partie de son public, en particulier celle qui n’a encore jamais vu un film
d’Apichatpong Weerasethakul… Si le cinéaste n’est peut-être pas ce qu’il conviendrait d’appeler un génie, il semble pourtant toucher du bout de sa caméra la grâce et la beauté. Il livre un cinéma
très particulier, radical dans sa forme mais pourtant universel dans les sensations qu’il explore… Loin d’être une œuvre extrêmement réfléchie, « Oncle Boonmee » touche plutôt à la notion de «
ressenti ». Il faut probablement accepter le film comme il vient, et le décrypter comme un voyage intérieur (à l’intérieur de soi et des autres), quelque part entre la vie et la mort.

Mais de quoi est-il question au juste ? C’est bien là le problème : malgré quelques indices, l’ensemble du film est plus largement contemplatif que platement narratif… Le tout apparaît alors très
vite parfaitement irracontable ! Mais c’est justement ce qui le rend si singulier et au fond si fascinant ! On sait que Boonmee va mourir très bientôt d’une insuffisance rénale. Etrangement, sa
femme défunte réapparaît à ses côtés sous la forme d’un fantôme, tout comme son fils mort, qui lui est devenu un gorille aux yeux rouges phosphorescents… Cette intrusion du merveilleux au beau
milieu d’une situation tout à fait réaliste nous apparaît presque comme une évidence et une explosion de grâce ! On se laisse alors bercer, comme sous hypnose, dans la jungle où s’enfonce Boonmee
et ses proches pour mourir. De surprenantes visions apparaissent alors, peut-être des souvenirs, pas forcément les siens, ou peut-être ceux de ses fameuses « vies antérieures »… On pense bien sûr
à cette incroyable scène, où une princesse ayant perdu sa beauté se laisse séduire (et déflorer !) par un poisson chat malicieux, mais c’est tout le film qui se déroule comme un pur
émerveillement, entre mystique animiste dans une forêt fertile en débordements imaginaires et métempsycoses métaphysiques à absorber en dehors de nos logiques connues et étriquées, par trop
conventionnelles… A l’image, notamment, de cette séquence d’ouverture a priori banale, qui explore pourtant les différents degrés de réalité avec une puissance inouïe : un buffle domestique se
détache pour retrouver la liberté de la vie sauvage en s’enfuyant un instant dans la jungle, où règne une atmosphère quasi fantastique. Au final, une mise en scène sublime se met au service d’un
projet cinématographique complètement fou et stimulant !

Si le film d’Apichatpong Weerasethakul risque de ne pas réunir énormément de spectateurs dans les salles, ce n’est pas, comme on pourra certainement l’entendre ici ou là, parce qu’il appartient à
un cinéma élitiste et intello, beaucoup trop hermétique pour être compris et accepté par la masse imbécile… C’est bien au contraire parce qu’il est probablement bien trop « populaire » et
universel pour fédérer un public habitué à des fictions trop écrites et calibrées selon des normes prédéfinies et réfléchies, prémâchées pour son petit cerveau jugé par avance étriqué… En
réalité, « Oncle Boonmee » est une œuvre de pur cinéma, et « populaire » au sens où elle ne s’appuie pas sur des règles communément admises, notamment narratives, mais sur la sensation naturelle
et toute prosaïque de la vie quotidienne, sur la simple rêverie du dormeur solitaire, que l’on a si peu l’habitude de retrouver ainsi livrée en pâture sur un écran… Un film incontestablement en
avance sur son temps, à découvrir de toute urgence !



 



Mise en perspective :



- Tropical Malady, d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande, 2004)



- Dernières séances : Blissfully yours, d'Apichatpong
Weerasethakul (2002)































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