vendredi 14 mai 2010

Jamais sans toi, d’Aluisio Abranches (Brésil, 2010)



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Note :
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« Jamais sans toi » est un film vraiment étonnant, qui vaut la peine de s’y intéresser en dépit de la rareté des salles de cinéma à le projeter... Ce film brésilien exploite en effet un thème
bien difficile, mais le traitement qu’il en fait est une gageure bien plus intéressante encore !

Construit en deux parties figurant deux périodes distinctes de la vie des personnages, le film commence comme une chronique familiale plutôt banale… Francisco et Thomas sont frères, enfin plutôt
demi-frères (nés de pères différents), et vivent dans une grande maison bourgeoise avec leur mère et son deuxième mari. Peu à peu, l’ambiguïté s’installe dans la relation des deux enfants, qui
paraissent comme trop proches l’un de l’autre. L’aîné protége constamment son jeune frère et chaque scène les montre dans un rapport quasi fusionnel, multipliant les contacts physiques a priori
innocents entre les deux garçons : une tête sur une épaule, une main sur une cuisse… etc. Vers le milieu du long métrage, une ellipse assez belle les transforme en jeunes hommes, dont on comprend
très vite qu’ils ont une relation amoureuse parfaitement assumée et sexuellement consommée.

Toute la force de « Jamais sans toi » réside probablement dans la façon tellement naturelle de montrer les choses, comme si le cinéaste ne nous présentait finalement qu’une simple histoire
d’amour, pleine de tendresse et de sincérité avant tout. L’idée de l’inceste n’est quasiment jamais évoquée comme quelque chose de mal ou de honteux, si ce n’est discrètement à travers les
inquiétudes de la mère à observer ses enfants s’entendre presque « trop » bien… Mais même elle ne souhaite à aucun moment leur laisser entendre qu’ils font peut-être quelque chose de mal. Une
très belle scène montre les deux amants au lit, en train de se questionner mutuellement sur leur union : l’un d’eux dit qu’il est impossible d’expliquer leur merveilleuse relation sans devoir
remettre en question le monde entier… Peut-être que la réponse est tout simplement là : ne pas se poser de question, ne pas se sentir gêner et se contenter de regarder la beauté de cette union et
la profondeur de leur amour.

Le plus drôle, c’est que la mise en scène s’aventure du côté de la telenovela sirupeuse, pour en servir une sorte de parodie, à travers des séquences typiques d’une vie de famille parfaite et
idéalisée… L’image nous invite ainsi à prendre le film au premier degré, de façon naïve et sans prise de tête, alors même que le contenu et l’histoire abordent frontalement un sujet grave et
tabou. De ce décalage naît comme une ironie discrète et une audace qui ne dit pas son nom. L’énormité du sujet du film passe alors presque « ni vu ni connu », comme une lettre à la poste, et le
spectateur accepte l’illustration de cet « interdit » majeur de nos civilisations comme si de rien n’était, sans se poser trop de questions… La candeur des deux garçons aide à une pareille
acceptation de leur relation, tout comme leur entourage l’accepte si naturellement à l’écran…

Si la fin du film est moins réussie, se perdant un peu dans une histoire de jalousie pas très utile, il convient d’observer avec quelle grâce le cinéaste nous présente cette histoire d’amour si
particulière. Les acteurs du film y sont évidemment pour beaucoup : aussi bien les deux jeunes acteurs pour leur complicité, que les deux acteurs adultes (João Gabriel Vasconcellos et Rafael
Cardoso) pour leur magnétisme et leur sensualité incroyable ! Mais certaines subtilités contribuent également au mystère, au charme et au plaisir coupable que l’on prend devant ce long métrage
iconoclaste. La façon d’entretenir le flou autour de l’âge effectif de la sexualisation de leur relation, par exemple, relève d’une pudeur assez fine…



 



Mise en perspective :



- Daniel & Ana, de Michel Franco (Mexique, 2010)































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