jeudi 1 avril 2010

L’inconnu du Nord-Express, d’Alfred Hitchcock (Etats-Unis, 1951)



inconnu nord express



 



Note :
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Adapté d'un roman de Patricia Highsmith, scénarisé (en partie) par Raymond Chandler (juste avant que sa collaboration avec Hitchcock ne tourne court), "L'inconnu du Nord-Express" est donc né sous
de très "noirs" auspices...

En bon film « tout en mystère », l’œuvre s’ouvre sur une séquence mythique, où l’on ne suit que les jambes d’un personnage prenant le train… Jusqu’à ce que ces jambes s’assoient sur une banquette
et qu’un pied effleure un autre pied en face de lui, entraînant les excuses du personnage heurtant auprès du personnage heurté. On peut alors découvrir les visages des deux héros principaux du
film ! Dès leur premier dialogue se noue d’ailleurs toute l’intrigue, puisque l’on voit un certain Bruno (le fameux « inconnu » du train) engager avec acharnement une conversation avec Guy
Haines, un célèbre joueur de tennis, dont il connaît apparemment toute la vie intime à l’aide des journaux à sensations… Il finira par lui proposer « l’échange » de leurs crimes respectifs,
chacun voulant en fin de compte se débarrasser d’une personne gênante : Guy de sa femme et Bruno de son père. En inversant leurs crimes, ils trouvent ainsi le moyen de se mettre au-dessus de tout
soupçon… Prenant Bruno pour un fou, Guy le quitte en descendant du train. Il croit en avoir fini avec cette affaire, quand il apprend la mort de sa femme et que Bruno revient le voir avec la
preuve que c’est lui qui l’a tué… Il exige alors que Guy tue maintenant son père !

Si Guy Haines ne se résout pas à aller parler à la police après le meurtre de sa femme, ce n’est pas seulement parce que ça l’arrange bien ou, comme Bruno le lui fait comprendre, parce qu’il sera
accusé de complicité avec le meurtrier, mais sans doute aussi pour une raison plus trouble et plus ambigu, qui fait tout le sel de ce film tout à fait palpitant… La version américaine du film
sera d’ailleurs en partie « écourtée » de quelques scènes pour masquer cette explication possible et plutôt dérangeante à l’époque ! En effet, le personnage de Bruno, vieux garçon bien habillé
qui lit la presse à scandale et se passionne pour la vie d’un jeune et beau tennisman, est entouré d’indices qui ne laisse pas un doute sur son orientation sexuelle. Cette volonté de tuer le
père, aussi, révèle un désir secret de résoudre un Œdipe mal terminé ! Mais plus intéressant peut-être demeure l’homosexualité refoulée de Guy, qui semble finalement « sous le charme » de Bruno,
comme hypnotisé par lui, ce qui l’empêche pour le coup de le dénoncer à la police… Bruno a d’ailleurs dérobé un briquet à Guy, portant ses initiales et capable de l’accuser dans le meurtre. Bruno
le fait chanter avec celui-ci et Guy s’engage dans une folle poursuite à la fin du film, dans cette quête d’un « objet symbole » de sa virilité perdue !

En grand maître du suspense, Hitchcock a toujours l’art de truffer son film de fausses pistes et de scènes clés magistrales, rendues grandioses par une mise en scène à la fois inventive, décalée
et parfaitement maîtrisée. La réalisation explose dans la scène de crime, que l’on perçoit dans le reflet que nous renvoie les lunettes tombées par terre de celle que l’on étrangle… D’autres
scènes sont de purs plaisirs sadiques du cinéaste pour nous maintenir dans un état de tension, qui augmente par là même notre plaisir de spectateur. On pense notamment à la scène où Bruno laisse
tomber involontairement le briquet dans une bouche d’égout et met un temps infini à le récupérer, sous les yeux effarés de nombreux passants : la caméra filme frontalement son bras se mouvant
lentement jusqu’à l’objet que l’on croyait irrécupérable… Les scènes dans la fête foraine valent aussi le détour ! Alors que Bruno suit en barque la femme de Guy entourée de ses amis et
s’engouffre dans des rochers, on voit la silhouette menaçante de Guy se détacher en ombres chinoises sur une paroi ; lorsque l’on entend un cri de terreur hors champ, on croit que ça en est fini
et que le crime a eu lieu, or la barque ressort tranquillement et l’on comprend que les amis chahutaient simplement : encore un malin détour pour maintenir un terrible et excitant suspense… De
Bruno crevant le ballon d’un enfant venant de le menacer avec un « revolver jouet » au finale édifiant sur un manège de chevaux de bois devenu fou et hors de contrôle, on voit bien que Hitchcock
nous mène en bateau et se joue de nous… Mais c’est avec un plaisir non dissimulé que l’on se laisse prendre au jeu de ce brillant objet filmique !































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7 commentaires:

  1. Un film que j'ai découvert il y a quelques mois en salles au Champo à Paris et que j'ai beaucoup aimé. Hitchcock est vraiment le meilleur dans sa branche. Il ne m'as jamais déçu et livre la une
    oeuvre remarquable :)

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  2. Un excellent film d'Hitchcock qui montre une fois de plus son don pour l'expressionisme. Par contre, il faudra que je revoie le film pour la notion d'homosexualité, qui me semble très
    intéressante.

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  3. Il été sorti avec "La maison du Dr Edwards" que j'avais bien aimé aussi :P . J'ai vu qu'il été ressorti mais par manque de temps je pense pas que je pourrais le revoir en salle. "Lifeboat" c'est
    pareil, j'ai le dvd mais en salles je sais pas si j'aurais le temps de le découvrir surtout que le coin est sympa niveau cinéma pour se refaire des resorties (j'ai vu qu'il programmé "les 3 jours
    du condor" aussi) mais les horaires sont pas toujours bonne malheureusement je trouve.

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  4. Oui un vrai bon repère. Je voulais aller à la nuit Burton d'ailleurs la semaine dernière mais j'ai pas pu me libéré pour réserver du coup le jour J c'était complet :(

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  5. Je l'ai fait pour la nuit Tarantino ("Une nuit en enfer", "Jackie Brown" et "True romance"). C'est clair que le dimanche quand je rentre chez moi je dors mais c'est toujours un plaisir de voir ou
    revoir ses films sur grand écrans ^^

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  6. Il s'agit pour moi du meilleur Hitchcock, même si j'aime énormément beaucoup de ses autres réalisations. L'homosexualité latente, la scène d'introduction que vous avez joliment décrite, la partie
    de tennis à la fin, en forme de terrible suspense, tout cela est prodigieux. Très belle critique.

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  7. merci ! c'est vrai que c'est probablement un de ses meilleurs films... ;)

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