dimanche 4 avril 2010

Les invités de mon père, d’Anne Le Ny (France, 2010)



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  Note :
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Avec « Les invités de mon père », Anne Le Ny réussit une comédie particulièrement enlevée et hilarante. Le vieux patriarche veuf d’une famille, ancien héros résistant, intègre et progressiste,
décide d’héberger des sans papiers dans son grand appartement parisien. C’est tout à son honneur, jusqu’à ce que ses enfants découvrent Tatiana, jeune femme moldave ayant fui son pays avec sa
petite fille… Le « père » annonce tranquillement qu’il s’est marié avec elle afin de lui permettre de régulariser sa situation, mais tout le monde comprend très vite qu’il est devenu un vieux
vicelard, abusant juste ce qu’il faut de la jeune femme, aidé par la magie du Viagra… Ca pourrait être carrément glauque et sinistre, mais le ton de la pure comédie permet au film de se rendre
tout à fait divertissant, ménageant même de très nombreux éclats de rire ! Il faut dire que les acteurs font tout le temps mouche : Michel Aumont est très bien en vieux monsieur indigne qui joue
les innocents et se permet même de « déshériter » ses enfants comme si cela était parfaitement naturel, la « pute » moldave (c’est ainsi que le fils l’appelle) étant bien plus dans le besoin que
ses enfants, ceux-ci ayant parfaitement réussi leurs vies… Mais c’est surtout le duo du frère et de la sœur, incarné avec brio par Fabrice Luchini et Karin Viard, qui explose à l’écran ! Luchini
est excellent en pince-sans-rire hédoniste et cynique, nanti parfaitement conscient de sa condition privilégiée, capable de sortir des énormités d’un air tout à fait commun, et Viard est comme
d’habitude géniale dans le rôle de cette « Babette un peu bébête », fausse cruche capable de s’interroger sur le sens de la vie… La relation qu’elle entretient avec son assistant dans son cabinet
médical est d’une drôlerie absolue et son « je suis fidèle surtout par paresse » restera pour longtemps dans les annales des répliques cultes au cinéma !

Dialogues parfaitement ciselés et incroyablement drôles, situations tout aussi cocasses et savoureuses, le film sait pourtant aussi aborder des thèmes plus sérieux et existentiels… La situation
de ces enfants, qui voient peu à peu leur père s’éloigner d’eux et se mettre à faire n’importe quoi, est finalement plutôt tragique : le ton adopté par la réalisatrice n’est pourtant en aucun cas
misérabiliste et ne sombre jamais dans un humour vulgaire… Tout semble tenir sur un fil, avec une subtilité assez admirable. Le film aborde pêle-mêle le thème des clandestins, des relations
parents enfants (sur plusieurs générations…), les relations de couple, le rapport à l’argent… Il s’offre ainsi une dimension sociologique et politique, provoque la réflexion, tout en conservant
une très belle capacité à faire rire de tout ! Tout devient cependant un peu plus sombre et sérieux au moment où les personnages sont confrontés à un choix cornéliens : sauver leur père en
dénonçant l’immigrée clandestine ou ne pas commettre cet acte de dénonciation en prenant le risque de voir mourir quelqu’un qu’ils aiment un peu plus tôt… Heureusement, la femme du fils (Valérie
Benguigui) est là pour trancher et décider, en assumant la culpabilité pour tout le monde et en assurant le retour du film dans le registre de la comédie fine… La force des « Invités de mon père
» est d’ailleurs bel et bien là : dans sa capacité à faire réfléchir à des situations impossibles, tout en ayant l’intelligence de ne pas juger et de ne pas prendre parti… Un film drôle qui
questionne avec intelligence, ce n’est quand même pas si courant que cela, alors autant ne pas s’en priver !































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5 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé ce film... Car des clandestins il en est en fait nullement question ici, ce sujet ne sert que de prétexte à un film qui est d'abord et surtout sur la famille, ses relations pas
    toujours facile et sur la solidarité et l'amour entre ses membres. Et pour mieux décrire ses probèmes il fallait une famille bourgeoise. Un patriarche s'ennuie et se lance dans une association
    d'aide aux sans papiers. Il héberge donc une femme de l'Europe de l'est avec sa fille, fait un mariage blanc pour qu'elle ait ses papiers plus vite. Au début tous les enfants le soutiennent
    jusqu'à accepter d'être déshériter !... Le ton change lorsque les enfant s'aperçoivent que la santé de leur père est en danger et que leur nouvelle belle-maman est plus coriace qu'elle le
    laissait paraitre. Cette dernière est d'ailleurs le déclencheur de souvenirs et du réveil des caractères profonds. On a droit alors à une magnifique relation frère-soeur (Luchini et Viard
    extraodinaires), un patriarche plus mesquin et vicieux que sa réputation le laissait croire, une belle-fille d'origine modeste qui est la seule intégre, fidèle à elle-même et la seule capable
    d'oser agir pour sauver sa famille. Des acteurs vraiment exceptionnels servis par des dialogues plutôt savoureux et un scénario bien construit... Voilà une comédie dramatique qui met en valeur la
    solidarité familiale de belle façon avec le cynisme que la grande majorité des gens aurait dans de telles circonstances.

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  2. Mais ça m'a l'air prometteur tout ça. L'intrigue me rappelle un roman de Marina Lewycka qui porte un drôle de titre : "Une brève histoire du tracteur en Ukraine".

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  3. Je suis allée voir ce film il y a deux jours et j'ai bien aimé. Le traitement du sujet est intéressant et moins manichéen qu'attendu, dans un sens comme dans l'autre. Il est toutefois un tout
    petit peu "confortable", on n'est pas aussi choqués qu'on devrait l'être par le choix final (quand même, oui, elle a abusé du type, mais lui aussi a abusé d'elle, et pas qu'un peu, pourquoi les
    enfants passent si facilement sur ce détail abjecte?).


    Mais avant tout, ce que je retiens de ce film, c'est Karine Viard, qui m'étonne à chaque fois que je la vois. Elle n'a pas la carrière qu'elle mériterait d'avoir je trouve...

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  4. En ce qui concerne le livre sur le tracteur, il s'agit aussi d'un vieil homme veuf (lui-même a quitté l'Ukraine à la fin de la 2ème guerre mondiale) qui veut se marier
    avec une jeune femme ukrainienne pour qu'elle obtienne des papiers et qu'elle ait une vie meilleure, etc. L'histoire se passe en Angleterre, ce sont les 2 filles du vieil homme qui s'opposent à
    ce mariage, une histoire de 2 soeurs donc. Bref c'est très drôle et enlevé comme lecture même si ça parle immigration, exil et secrets de famille...

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  5. rah la la... qu'est-ce que tu peux lire comme choses quand même ! je t'admire... ;)

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